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par Aurélien Noyer le 16 septembre 2008
Paru le 9 février 2008 (Cat Scratch Fever Records)
Ce qu’il y a d’agaçant avec la perfide Albion, c’est cette détestable habitude qu’elle a de nous faire passer ses vessies pour des lanternes tout en gardant secrètement ses secrets les plus appréciables. Pour un groupe comme The Coral qui suit tranquillement son bonhomme de chemin, sortant discrètement d’excellents albums, combien de baudruches qui font la couverture du NME pour se dégonfler au bout d’un album ? En moins d’une seconde, au moins trois exemples me viennent à l’esprit : Arctic Monkeys, Art Brut et Bloc Party. Et que l’on ne me sorte pas le cliché du « toujours difficile deuxième album » ! Le crible pour repérer ce genre de losers est simplissime : essayez dans un premier temps de vous remémorer, même vaguement, l’air d’une chanson extraite de leur premier album. Dans le cas des trois groupes précités, les airs de I Bet You Look Good On The Dancefloor, Formed A Band ou Helicopter reviendront vite. Faites ensuite le même exercice avec un extrait du deuxième album. Si vous êtes incapable de sortir une seule chanson, c’est très mauvais signe pour le groupe en question.
Dans le cas de The Duckworths, il est bien trop tôt pour se livrer à ce genre de considérations, d’autant que je ne me fais pas d’illusions sur leur notoriété et que je doute que l’évocation du groupe puisse provoquer une réaction autre que « qui ça ? ». C’est bien souvent le critère principal qui permet de classer des albums dans la présente catégorie nommée fort à propos Découvertes. D’ailleurs, il faut bien constater que la plupart des artistes qui se trouvent dans cette catégorie y resteront ad vitam aeternam. Pour beaucoup, ceci semble évident à la première écoute et sans vouloir sembler détendre d’une vérité péremptoire, à force d’écoutes de machins plus ou moins réussis, plus ou moins inspirés, on repère assez vite les has-never-been. Dans le sens inverse, une bonne impression ne permet pas d’assurer au groupe un avenir brillant. Mais, parmi la quantité de premiers essais que l’on peut écouter lorsqu’on reçoit des disques gratuitement, il en est parfois un qui, par ses qualités évidentes, déclenche chez le critique cette réaction atavique de music-addict, d’espérer que le groupe réussisse uniquement pour qu’il ait l’occasion d’enregistrer un deuxième album, puis un troisième, puis un quatrième, etc… Et ne cherchez aucune arrière-pensée à cela, il faut juste y voir une envie d’écouter de la bonne musique.
Or, c’est précisément cette sensation que provoque l’écoute du Moonshine des Duckworths. Non pas qu’il soit parfait – on n’attend jamais d’un premier album qu’il soit parfait, ce serait contre-nature – mais parce que tous ses défauts sont autant de promesses. Certaines influences sont peut-être trop présentes, mais en même temps quel groupe anglais à l’heure actuelle se permettrait de s’inspirer de Sergio Leone et de la musique mariachi au point de sonner comme Calexico sur Out Of Me ou English Pride, oserait mélanger twangs de Grestch, arpèges de Rickenbacker, orgue, accordéon et cloches au point de sonner comme un hybride abâtardi des Specials, des Coral ou de The Good, The Bad & The Queen (Ahabs Blues, Grey Horizons) ? Et même lorsque les arrangements se font plus discrets (Laos Laos Laos), The Duckworths font preuve d’un art du songwriting qui n’est pas pollué par les facilités immondes popularisées par Pete Doherty.
Ainsi, chose rare dans les premiers albums qui souffrent trop souvent d’une trop grande uniformité dans l’inspiration, on remarque une agréable dichotomie entre des titres délicats comme le country When I Forget et un côté plus rugueux (Come Around, Midnight In Arles), et si cette dichotomie se retrouve essentiellement dans le timbre du chanteur, il faut également noter que le groupe parvient à maîtriser également les arrangements dépouillés et élaborés.
Je ne sais donc pas ce que l’avenir réserve aux Duckworths. Néanmoins, si les Moires leur sont favorables, ils risquent fort de trouver dans l’auteur de ces lignes un de leurs fans : un groupe qui réussit à placer des chœurs de pirates sur une chanson comme Ahabs Blues sans être ridicule ne doit pas s’arrêter là…
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