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mercredi 15 avril 2015
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par Manu le 27 décembre 2006
paru en 1995 (Evidence). Originellement paru sous forme de deux albums disctincts, Alabama Blues (1965) et Down In Mississippi (1966) chez L&R.
Vietnam Blues rassemble les deux derniers disques enregistrés par J.B. Lenoir dans le milieu des années soixantes à Chicago. En 2003, Wim Wenders mit en lumière ce bluesman trop peu connu dans son film The Soul Of Man en dénichant chez un couple de Suédois des images d’une rareté et d’une qualité exceptionnelles. Ce fut pour beaucoup l’occasion de se précipiter sur ce disque et de découvrir ainsi le dernier témoignage poignant d’un homme dont la musique semble intemporelle.
Un petit retour historique est nécessaire pour appréhender correctement ce disque. Le 5 mars 1929 naît dans le Mississippi un enfant noir avec un prénom particulier : « J.B. ». Ce ne sont pas des initiales, ça ne veut rien dire de particulier, il s’agit juste du prénom pour le moins original que ses géniteurs ont choisit d’inscrire à l’état civil. Soit. Le petit J.B. a la chance d’avoir des parents musiciens, notamment le père, Dewit, qui jouit d’une certaine renommée dans le Mississippi. L’enfant passe ses journées à labourer les champs et ses soirées sur sa guitare. Précoce, dès 12 ans, il quitte le domicile familial pour tenter sa chance dans le monde du blues. C’est à la Nouvelle-Orléans qu’il fait ses premières armes et où il a la chance de côtoyer notamment Sonny Boy Williamson et Elmore James. À 20 ans, il s’installe à Chicago où il tourne beaucoup dans les clubs et fait la connaissance de Big Bill Broonzy, Muddy Waters ou encore de Memphis Minnie qui lui permettra d’enregistrer ses premiers 78 tours chez JOB puis Chess Records. Il provoque le scandale en critiquant ouvertement la politique du président en 1954 avec Eisenhower Blues, titre censuré qui ne paraîtra qu’en Europe sous le titre Tax Paying Blues. Mais ce sera avec un futur standard, Mama Talk To Your Daughter, que J.B. Lenoir deviendra une vedette du Chicago Blues. Son style est alors unique. Il mêle le Chicago Blues le plus classique de Muddy Waters et Howlin’ Wolf avec une section cuivre emprunté aux orchestres de Rythm’n’Blues, le tout poussé par une voix haut perchée et un jeu de guitare endiablé très rythmique.
En 1965, sa musique prend un tournant radical. Il revient à un style plus proche du blues rural traditionnel acoustique. Le promoteur allemand Horst Lippmann le fait alors participer à la tournée de l’American Folk Blues Festival en Europe et lui offre la possibilité de publier deux albums sur son label L+R. Lenoir, jusque là bridé par la frilosité des labels américains et la censure, en profite pour enregistrer sous l’égide de Willie Dixon deux disques extrêmement engagés. L’Europe est alors une bouffée de liberté pour les bluesmen noirs américains. Jamais aux États-Unis J.B. n’aurait pût chanter librement sa chanson Alabama qui commence par ces phrases :
« I never will go back to Alabama, that is not the place for me (2x)You know they killed my sister and my brother,and the whole world let them peoples go down there free. »
Alabama Blues sortira en 1965 et Down In Mississippi en 1966. Ces deux albums rassemblés ici constituent les enregistrements les plus poignants et intimes de Lenoir, et ce dans un style très loin du Chicago Blues électrique des débuts. À la guitare acoustique J.B. est plus intense et touchant que jamais. Accompagné discrètement sur certains titres de Willie Dixon à la basse et de Freddie Below à la batterie, Lenoir joue de la guitare de manière hypnotisante, un peu rigide, syncopée, mais toujours avec énormément de feeling. Quant à sa voix, elle est juste magnifique, très aiguë, presque soul. Il livre ses tourments avec force et sensibilité sur des chefs-d’œuvre absolus à vous coller des frissons. Qu’il s’agisse d’aborder la discrimination raciale (Alabama, Shot On James Meredith, The Whale Has Swallowed Me), la toujours controversée guerre du Vietnam (Vietnam) ou des thèmes plus joyeux (le bondissant I Feel So Good), tous les titres sont exécutés avec une intensité incroyable et toujours avec éloquence et passion. Malgré ces sujets graves, contrairement à beaucoup de ses contemporains jamais le ton n’est colérique, c’est un homme profondément amical et doux et cette chaleur humaine transparaît dans sa musique.
Peu de temps après, en 1967, suite à un accident de voiture et une longue agonie, Lenoir meurt de ses blessures non prises au sérieux à l’hôpital. Il quitte là la scène à son sommet en laissant derrière lui le plus beau des testaments avec ces deux albums qui influenceront fortement la scène anglaise. John Mayall ne manquera d’ailleurs pas de lui rendre hommage avec le poignant The Death Of J.B. Lenoir dont je cite le dernier vers : « Now the blues has lost a king and i’ve lost a friend who died in pain ».
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