Faisant suite à l’excellent Happy Mistery Child paru en 2004, puis d’autres sorties, dont une box-set passionnante, qui marquaient la réapparition des frères Lomprez, ces derniers signent un album superbe sous la forme de ce Black Label qui, partant de la new-wave pratiquée par le duo, nous livre onze morceaux imparables. Entre élans mélodiques et chaos sonore, entre touches d’espoir et tourment perceptible, Philippe et Hervé allient avec maestria cold-wave, rock presque noisy et plages électro dansantes, usant de motifs sonores récurrents et obsédants qui ajoutent à l’intérêt déjà significatif généré par cet album.

A l’instar des frangins Demarthe, têtes pensantes de Clair Obscur, ils mettent en avant une forme de noirceur teintée de mélancolie d’où émergent des moments plus épris de clarté, et optent pour une tonalité d’ensemble résolument rock. Les guitares sont très présentes et continuellement inspirées, cohabitant à merveille avec des nappes synthétiques grinçantes et judicieuses. La voix de Philippe, presque hautaine, mélodique et rêveuse, enlevée et posée à la fois, fait elle aussi mouche et la basse, profonde et réminiscente des débuts de la cold-wave, apporte un plus, du point de vue de la texture sonore, au disque.

Dès The Camp qui inaugure les réjouissances, l’allant et le…Clair-Obscur concocté par le duo frappe au cœur et incite à la danse, à une extase loin d’être feinte, et réveille en nous, autant qu’il le panse, un mal-être presque nécessaire. Le rock sombre de Trisomie 21 inclut des éléments musicaux disparates dont l’association pour les besoins des onze titres audibles ici fonctionne de façon magistrale, ceci même si le duo décide d’emprunter des chemins à la limite du céleste (Glistering Like Gold à l’écoute duquel Martin Gore et ses collègues peuvent tout simplement plier bagages et retourner composer). Sur ce titre, l’univers de Trisomie 21 se fait spatial tout en gardant l’intensité propre à la plupart de leurs productions.

Cette intensité, on la retrouve plus vive que jamais sur un morceau comme One Minute In The Dream World et son refrain magique souligné par cette basse digne de Simon Gallup et des effluves synthétiques et électriques prenantes à souhait. Chaque titre mériterait d’ailleurs un descriptif poussé, tant il regorge d’idées décisives et impose un univers singulier, fruit de l’ingéniosité des lillois.
Mais plutôt que de s’attarder à décrire, par des mots vains face à l’individualité de leur démarche, ce que génèrent Philippe et Hervé, c’est une écoute poussée qu’il faut recommander, et l’ensemble de cette œuvre qu’il importe de mettre en avant. Celle-ci vous permettra de vous délecter des rythmes percutants et des zébrures noisy de Shakespeare, de l’électro-noise de Hear Me Now, entre autres pépites liées à Black Label. Ou encore, plus loin, d’un Angels Of Rain parfaitement représentatif de l’habileté que le groupe a à remettre au goût du jour une new-wave qui trouve en cette démarche un renouveau salutaire et une superbe retrouvée, qu’expose également Outside The Door.

Enfin, c’est The Lined Hands Of Afternoon qui clôt les débats avec la même maîtrise, la même éloquence que les titres qui le précèdent, en exhalant une atmosphère posée, sous-tendue par des sonorités intrigantes, et consacre définitivement un opus qui fera date et marquera les esprits de façon durable.