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par Giom le 22 août 2006
Cette année à La Route du Rock, les conférences de presse des artistes programmés par le festival se déroulaient le soir, intercalées entre les concerts du Fort. Pas facile de tout suivre donc, mais voici tout de même quelques morceaux choisis de ce qui a pu se dire sous la tente de l’espace presse. Appuyons sur play !
Les lecteurs d’Inside Rock connaissent bien Islands, le groupe de Nick Diamonds dont la performance du vendredi au Fort Saint-Père a une nouvelle fois marqué les esprits. Quelques heures avant de monter sur scène, Nick Diamonds et le violoniste du groupe Alex Chow, qui lui parle français (« Français québécois ! » précise-t-il), répondaient aux diverses questions de la presse.
Malheureusement pour Nick, la conférence démarre par une question concernant The Unicorns, son ancien groupe qu’il cherche par tous les moyens possibles à mettre loin derrière lui. À la suite du « Fuck » de Nick en guise de réponse, c’est Alex qui se chargera de répondre à la question sur la différence entre Islands et The Unicorns : « Dans Islands, nous sommes sept, il s’agit plus d’un ensemble musical que d’un groupe « fun rock » comme pouvait être les Unicorns. Nous tentons de faire des choses plus élaborées. » S’ensuit une question sur la façon de créer du groupe. Nick et Alex affirment alors d’une même voix que le travail passe d’abord par Nick, qui crée la base des morceaux, puis par le groupe dans son ensemble pour les arrangements et l’orchestration définitifs.
Le délire commence ensuite quand une personne de l’assistance demande pourquoi les membres d’Islands sont toujours habillés en blanc sur scène alors que la mode pour un groupe de rock est plutôt au noir. Nick Diamonds commence alors à énumérer d’une façon très sérieuse les différentes sectes qu’ont fréquentées les membres du groupe (on apprend alors une sombre histoire de cassette vidéo compromettante pour Tom Cruise et toute la Scientologie). Enfin, il affirme le caractère multi-religieux du groupe (catholique, protestant, juif) et le fait que le blanc permet ainsi de trouver une unité parmi les membres du groupe. Encore une fois avec Nick Diamonds, tout n’est pas à prendre au premier degré.
Sur leur amour des concerts, Alex affirme qu’il aime jouer partout et qu’il adorerait le faire pour les enfants d’une école primaire s’il pouvait. Nick, lui, préfère les concerts en plein air du type festival. En ce qui concerne leurs influences musicales, Nick avoue s’inspirer à la fois des 60’s et des 70’s, aimant aussi bien la musique Motown qu’un groupe comme T-Rex. En revanche, le côté provocateur du chanteur revient quand il affirme détester le rock 90’s et les productions indépendantes actuelles.
Vient ensuite l’inévitable question sur la mouvance actuelle des groupes venus du Canada. Nick explique ça tout simplement par... lui. En arrivant à Montréal, il a participé à créer tous ces groupes comme Arcade Fire ou d’autres. Devant la stupeur de l’animateur (« Arcade Fire, it was you ? »), Nick répond par la positive avec un aplomb certain. Alors que l’animateur fait preuve d’un peu de cynisme dans sa traduction, Alex renchérit en français, rappelant que les Unicorns sont à la base de cette scène canadienne et qu’Arcade Fire par exemple leur doit beaucoup puisqu’ils ont pu jouer en première partie du groupe de Nick pour se perfectionner pendant un certain temps. Pour pousser plus loin le sujet, une personne de l’assistance demande alors à Nick ce qu’il nous réserve pour la suite afin de rester à l’avant-garde. Nick répond alors de façon allusive, laissant planer le mystère : « Attendez six mois, je peux vous dire deux mots : tam-tam. Ah, et aussi out of space et jet pack. Dans six mois donc, vous comprendrez. » Nous voilà prévenus !
Joey Burns est là, quelques heures avant le show de Calexico, pour répondre à la presse. La conférence est lancée sur une question concernant un morceau de Love, Alone Again Or, que Calexico reprend sur scène. Joey confirme que le groupe la joue régulièrement et qu’elle fait maintenant office d’hommage à Arthur Lee, le leader de Love, depuis sa mort récente. Joey affirme alors son admiration pour Lee et sa musique. L’avantage de reprendre un tel morceau pour Calexico est qu’il est immédiatement reconnaissable par le public qui communie alors de façon très forte. Poussant sa réflexion, le fondateur de Calexico affirme alors que ce morceau, comme la musique de Love en général, a d’une certaine façon influencé les compositions du dernier LP de Calexico, Garden Ruin, dans la façon de composer des mélodies joyeuses et légères en les associant à des paroles plus cruelles et cyniques.
Concernant ce très étonnant dernier album du groupe, beaucoup plus rock que les précédents, un journaliste demande à Joey si le groupe pensait en réalisant ce disque choquer son public et si cela était volontaire. Joey répond alors qu’ils n’avaient pas de chemin prémédité pour la réalisation de cet album et que les choses se sont faites naturellement comme à chaque fois. D’une manière plus générale, il pense que pour réussir à aller quelque part au moment de créer, il est très important d’essayer de s’échapper de la question fatidique « Qu’est ce que les gens vont en penser ? » C’est la seule façon de finir par trouver son chemin au moment de la composition d’un album. « Surtout ne jamais se demander si les gens vont rechercher un son de trompette à tel moment sur un morceau ! » dit-il en riant.
L’animateur questionne alors Joey sur les paroles des morceaux de Calexico qui elles aussi, avec le nouvel album, ont évolué. Autrefois plus portées sur le questionnement du mythe américain, elles sont maintenant plus en rapport avec des problèmes contemporains. Joey approuve cette analyse de façon très analytique et percutante : « Et bien autrefois nous souhaitions faire les BO des livres de Cormack McCarty, maintenant, on essaye de faire celles des films David Lynch. » Il n’en faut pas plus pour lancer Joey sur l’état actuel de son pays. Joey déteste l’administration Bush et cette société américaine devenue « strarbuckisée » où la paranoïa est totale, les élections sont plus ou moins faussées, la rhétorique de Bush est meurtrière... Tout ça a influencé la musique de Calexico, les sentiments du groupe au moment de composer ce dernier disque. Mais Joey souhaite maintenant changer d’environnement et pense à enregistrer le prochain Calexico en Europe, pourquoi pas à Budapest avec Yann Tiersen ou d’autres musiciens rencontrés dans le métro de la ville.
Pour en revenir au dernier album, une personne du public demande à Joey quel a été le rôle du producteur sur ce disque puisque que c’était la première fois que Calexico utilisait les services de quelqu’un pour assister le groupe dans son travail : JD Foster. Joey part alors dans un éloge de JD Foster, personnage important dans l’entourage du groupe depuis longtemps, quelqu’un capable de répondre à toutes les questions qu’il se posait en studio. « Et ça tombait bien, car j’en avais beaucoup ! »
Après son concert au Palais du Grand Large, Isobel Campbell passait par la tente des conférences de presse. Elle revient pour l’assistance sur le choix de sa collaboration avec Mark Lanegan, fruit du hasard et des conseils qu’on lui a donnés au moment où elle cherchait une voix masculine pour son album. Elle est rentrée en contact par mail, lui envoyant de la musique qu’elle avait écrite, puis ils se rencontrèrent à Glasgow. Comme elle aimait sa voix, les choses fonctionnèrent tout de suite. Pour les concerts, elle est donc accompagnée de Eugene Kelly, l’ex-chanteur des Vaselines. Le monde étant petit, elle montre la connexion entre ces deux hommes aux voix pourtant très différentes. Les Vaselines était l’un des groupes préférés de Kurt Cobain, lui-même ami et partageant le même label que Mark Lanegan. Elle a déjà réalisé une cinquantaine de concerts avec Eugene Kelly et la tournée se passe très bien. Les deux artistes se connaissent de longue date puisqu’ils ont déjà enregistré ensemble à plusieurs reprises ces dernières années. Elle répond « pourquoi pas » à une collaboration future sur disque avec lui.
Venant d’un groupe comme Belle And Sebastian, elle avoue maintenant préférer travailler seule et envisage de continuer dans cette voie par la suite. En revanche, même si elle sait très bien où elle veut aller avec sa musique, elle aime à se sentir soutenue par une autre personne par le biais du duo vocal. Elle affirme tomber amoureuse des voix des gens avec qui elle veut travailler. Elle est extrêmement sensible aux voix masculines et aime beaucoup celles de Neil Young ou d’autres, des gens qui font que l’oreille réagit avec le cœur. Le nombre de collaborations possibles est donc très étendu.
En revanche, s’il y a bien un sujet qu’il vaut mieux éviter avec la belle Isobel Campbell, c’est bien Belle And Sebastian (certes, le jeu de mots était facile). Elle concède avoir entendu quelques titres à la radio de The Life Pursuit mais à la question de ce qu’elle pense de leur évolution musicale avec ce dernier opus, la réponse est cinglante : « Il font bien ce qu’ils veulent, je ne fais plus partie de ce groupe. » Un intrépide du public tente alors de demander ce qu’ils pensent de son album à elle. Encore une fois, la réponse est sans appel : « Vous savez, on ne se voit plus trop. Quelqu’un m’a dit que Stevie [1] aimait bien le disque. » Un journaliste en profite alors pour lui dire que Franz Ferdinand, avec qui il semble être en contact rapproché, aime également beaucoup son travail et que programmés le même jour, ils avaient espéré voir son concert, mais en vain, leur planning ne le permettant pas. Isobel semble touchée et part dans un éloge d’Alex Kapranos, également citoyen de Glasgow comme elle, qu’elle semble avoir bien connu avant le succès de son groupe au moment où il faisait la plonge dans un bar pour vivre.
Je n’ai pas pu tout suivre de la conférence donnée par les quatre membres de Franz Ferdinand, ne voulant pas rater le début du concert de The Spinto Band (j’en entends déjà crier au scandale !) La conférence est en tout cas la plus suivie de toutes puisque de mémoire de Route du Rock, on a rarement vu autant de monde dans la tente de presse. Les flashs crépitent à l’arrivée de la bande d’Alex Kapranos et les questions peuvent commencer à tomber.
Alex Kapranos, justement, parle beaucoup. Il avoue avoir abusé du cidre hier lors de la virée malouine du groupe et explique donc qu’il a une petite gueule de bois. Il annonce qu’après la série qui les attend de concerts en Amérique du Sud, le groupe fera un break pour se ressourcer avant de recommencer à travailler sur un prochain disque. Le groupe a le sentiment avec la fin de cette tournée qui fait suite la parution très rapprochée de leur deux albums qu’il s’agit de la fin d’un cycle pour eux et qu’il ont besoin de se poser avant d’essayer de reprendre la route pour trouver de nouvelles directions à explorer.
Alors qu’on leur demande quand ils se sont rendus compte du côté universel de leur musique, Alex répond que très vite après la sortie de leur premier album, ils ont pris conscience de l’engouement qu’ils pouvaient susciter. Ils aiment l’idée que même des très jeunes enfants puissent aimer leur musique, car eux n’ont pas entendu en Franz Ferdinand ce qui était « cool » d’écouter, ni ce que la presse musicale leur a conseillé.
Alex semble avoir particulièrement apprécié le slogan de cette édition de La Route du Rock : « Pop is not dead ». Pour lui rien de plus vrai puisque dans l’histoire du rock, tous les groupes sont des groupes pop, des Clash, des Buzzcocks jusqu’à Nirvana.
On redemande aux membres du groupe à quel moment ils ont eu le sentiment d’être reconnu et important. Le guitariste Nick McCarthy considère pour sa part que ce fut au moment des premiers concerts avec l’euphorie créée par leur musique dans les salles à ce moment là. Pour Alex Kapranos, il s’agit plus du moment où Take Me Out, leur premier single, atteignit la troisième place des charts britanniques. Tout le monde s’appelait alors pour s’annoncer la nouvelle. Une autre fois, Alex se souvient de sa surprise au moment de signer un disque à quelqu’un qui le lui demandait. Il se souvient avoir pensé : « Mais pourquoi me demande-t-il ça ? Je n’ai rien d’extraordinaire, je suis qu’un gars normal. »
On demande ensuite au groupe si le titre de leur dernier opus, You Could Have It So Much Better, a un sens par rapport à leur façon de travailler et le résultat qu’ils ont obtenu sur ce disque. Pour Alex, c’est bien cela, il y a bien cette idée qu’on peut toujours mieux faire et il souhaite que le groupe ne se repose surtout pas sur ses lauriers et cherche toujours à progresser.
Un journaliste anglais demande au groupe s’ils pensent avoir un plan de carrière et combien de temps ils souhaitent rester sur les devants de la scène. Alex semble surpris par la question. Il répond qu’il souhaite juste continuer à faire de la bonne musique sans objectif précis de durée. C’est très difficile pour eux de se considérer dans 10 ou 20 ans. Ils souhaitent tous faire un troisième album, peut-être aussi un quatrième. Mais ils n’ont vraiment pas de plan de carrière spécial. Il ne nous reste plus qu’à attendre donc, pour nous, modestes auditeurs.
[1] Stevie Jackson, le guitariste de Belle And Sebastian
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