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par Psymanu le 17 avril 2007
paru le 23 octobre 2006 (Wagram)
Il est des disques que l’on qualifierait volontiers de saisonniers, tant, des climats et vibrations qu’ils dispensent, émanent ces saveurs, ces odeurs, même, qui rappellent de façon caractéristique telle ou telle période de l’année. Ainsi, Conversation De Fin De Rêve est un disque estival. On rechigne à évoquer en un cliché éculé tout le soleil qui semble sortir des enceintes à son écoute, et pourtant, c’est de cela qu’il s’agit.
Comment ça se trouve, la juste mesure ? La juste alchimie, précisément, cet instant où chacun, même pas au maximum de ce qu’il peut faire qui de ses dix doigts, qui de ses cordes vocales, parvient à trouver la juste place, la juste note, celle qu’il faut et que si on en jouait une autre en plus ou bien en lieu de, ce serait simplement moins bien. C’est un peu l’impression que donne 26 Pinel, dans sa musique. Une question de style aussi. Il en est où le heurt est nécessaire, où il faut que ça accroche, que ça rape sur les bords en divines aspérités. Ici, à l’inverse, c’est la sensation d’écoulement fluide qui prévaut. Le risque, en l’occurence, eut été l’ennui généré par la froideur de la perfection, comme souvent dans ce qu’on appellera alors un "produit calibré" qui ne suscitera d’intérêt que le temps de remarquer à quel point il n’y a rien à lui reprocher. Sauf l’absence d’âme, perdue dans la recherche de précision sonore. Mais l’éceuil est évité, magistralement. Ça coule, donc, et c’est cool, surtout. Nous parlions d’adéquation à l’ensemble, sans que chacun donne sa pleine mesure : on devine le talent des musiciens derrière l’économie, et pourtant à aucun moment il n’est question de démonstration ni de prouesse "technique". Alejandra, par exemple, elle peut chanter du lyrique, elle a de la voix, beaucoup. Mais les longs vibrato n’auraient pas su trouver leur pertinence. Mieux valait miser sur l’évidence mélodique avant toute chose, l’épure. Et puis, au fond, c’en est une, de démo technique, cet art de la concision. Du coup, c’est le bon mot à la bonne hauteur qui prévaut sur la puissance avec laquelle il est lancé. Le plus court chemin entre nos oreilles et nos entrailles, ça se vérifie toujours. Itou pour chacun des membres de 26 Pinel.
La musique, alors ? Elle sent le sud, l’Amérique du Sud, comme Tu Crois Quoi, par exemple, hymne à l’insoumission et à la tête haute, avec des guitares acoustiques discrètes mais adéquates. Née-Là, c’est un peu bossa, et le chante y alterne espagnol et langue de Molière, royalement épaulée par un accordéon du plus bel effet ainsi qu’un peu de cuivre, aussi, impécables. 26 Pinel fait aussi quelques incursions vers l’Afrique, vite fait mais avec brio, comme sur Kollizion, qui aurait cependant peut-être gagné à se simplifier encore davantage, pour préserver cette étrangeté entrevue lors des premières secondes sur son gimmick principal. Afrique encore dans le doux reggae teinté d’electro qu’est En Somme. Il y a également quelques titres plus classiquement pop, tel Demain, ou Les Voix. Plus funky, Le Prix permet à Alejandra de faire montre de toute sa fantaisie, appuyée par un banjo joliement filant qui apporte un contrepoint parfait à la puissance de la rythmique.
Mais les perles, ce sont Fée-Là, tout d’abord, au texte merveilleux dans un exercice pourtant périlleux. en effet, basé sur l’enchaînement de jeux de mots commençant par "fé", il eut été facile de sombrer dans le ridicule et la lourdeur, et pourtant la plume conserve son côté bulle de savon, sa finesse, sans jamais se départir d’auto-dérision. L’autre merveille, c’est le morceau-titre, qui touche à la transe par l’alternance de phases hallucinées et de phases rendues énergiquement lancinantes par le caractère répétitif de la guitare. Les divers instruments s’empilent en un maelstrom sonore qui prend toute la tête pour l’enserrer dans le velour vocal d’Alejandra.
Quoi que pas original pour deux sous, mais ça n’a finalement aucune importance, Conversation De Fin De Rêve est une belle réussite. Malgré le caractère immaculé et donc strictement irréprochable de la production, on pressent ce que le live peut apporter, de part la vibration organique des instruments forcément perdue, passé au tamis des machines, à ce disque, et la dimension supérieure qu’il pourra alors atteindre. Il faudra y être, juger sur pièce, assurément.
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