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Finistériens

Finistériens

Miossec

par Vyvy le 29 septembre 2009

3

paru le 14 septembre 2009 (PIAS)

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Christophe Miossec est breton, finistérien, brestois. Cette histoire bretonne transparaissait, parfois noire comme dans Recouvrance, parfois un peu plus entraînante comme dans Brest. Mais l’histoire s’écrivait au passé, car on peut être né à Brest et en vivre loin, ce dont ne se privait pas l’artiste qui se vivait bruxellois. Alors que répondre au refrain de la chanson précitée, « Est-ce que désormais tu me détestes / D’avoir pu un jour quitter Brest » ? Peut être que "détester" est un mot un peu fort. Non, mais Brest va bien au vers de Miossec, qui lui font honneur à leurs manières. Et donc, lorsqu’on apprend que l’enfant prodigue est de retour au pays, et qu’il fait un nouvel album, on se jette irrémédiablement dessus.

L’album s’appelle Finistériens. Il est né de l’amitié de l’auteur de Boire avec celui de la B.O. d’Amélie Poulain, qui a l’avantage d’être lui aussi, breton, finistérien et brestois. Ce mariage peut surprendre : comment allier intelligemment les mélodies un peu retro, un peu kitsch d’un Yann Tiersen avec les cris, la rugosité de Miossec ? Mais pourtant, en creusant bien, les deux bretons ont bien plus de chose en commun que leur ville natale et leur succès hors-pointe bretonne : le dernier Miossec n’était pas vraiment triste ni sobre, et Tiersen est un artiste bien plus fantasque et original que la Valse d’Amélie peut laisser entendre.

L’album se voulant résolument breton, cet article le sera aussi. Pour le faire, d’abord le disque, acheté, bien sûr, à Brest même. Ici pas de Rolling Stones ou autres : nos sources seront le Télégramme et Ouest France, clamant haut et fort que la presse nationale n’a pas le monopole de la chronique musicale. Et pour faire plus vrai que vrai, il est écrit avec vue sur la rade de Brest, et éclaircies entrecoupées d’averses adéquates.

En feuilletant ces grands quotidiens régionaux, on apprend très rapidement que c’est Yann et non Christophe qui a eu cette idée. Dans le Télégramme, on apprend que Yann a insisté pour que ce soit juste eux deux, Christophe de se fendre d’un « savais qu’il jouait de nombreux instruments, mais quand même pas à ce point-là. Où il m’a bluffé, c’est lorsqu’il s’est mis aussi à la batterie ! » (Le Télégramme), tandis que Ouest France explique l’une des raisons de la collaboration « Il faut dire que Tiersen n’avait jamais aimé l’habillage parfois pesant des morceaux de Miossec ».

Mais venons en au fait : l’album est-il bien ? Est-il du niveau d’un Boire, ou au moins meilleur que l’Etreinte, son dernier opus très coloré de 2006 ? Miossec en avait marre, et ça on le sentait déjà en 2006 de son numéro de « Bluesman malheureux ». Il a voulu « essayer de diversifier son propos » (Le Télégramme). La démarche est bien sûr casse-gueule : à quitter son petit pré-carré dans la Nouvelle Chanson Française Miossec risque de devenir comme les autres, ce qu’on ne lui souhaite pas vraiment.

Le brestois n’arrive pas à éviter complètement ce risque : il se « delermise » de manière assez effrayante sur Les Joggers du Dimanche

A quoi pensent les joggers du dimanche/Calculent-ils les minutes et les secondes/Qui les approchent de la fin du monde/ Est-ce pour quitter le foyer/ Ou pour la joie d’y retourner

, il ne réussit pas son passage « chanson sociale » sur Les Chiens de Paille, plutôt mieux sur CDD. En fait, c’est peut-être un peu triste, mais Miossec réussit beaucoup mieux quand il parle de ruptures, d’abandons, bref, quand il exploite son fond de commerce. Dans cette lignée, Nos Plus Belles Années avec son refrain sans ambiguïté

Comme j’aurais aimé ne jamais te connaître/ Comme j’aurais ne jamais te croisé/ Aujourd’hui j’aimerais tant te vouloir disparaître/ Alors que toutes nos plus belles années / Je les aies passées à tes côtés

, mais aussi le bien nommé Haïs-moi ou bien le titre ouvrant l’album Seul ce que j’ai perdu (m’appartient à jamais). Au milieu de cet album, tiraillé entre chansons un minimum désespérées, des essais à la Delerm/Biolay et du social casse-gueule, se tient une chanson un peu à part Jésus au P.M.U où Miossec en appelle au Seigneur, enfin à son fils, pour qu’enfin il parie sur le bon cheval. Un sujet un peu plus léger, traité avec emphase Qu’arrive enfin l’apocalypse/ que ça tombe enfin sur les bons chiffres) et énergie, qui détonne : assurément la chanson la plus originale de l’album.

Mais, et si vous avez lu le début de cet article, vous le savez déjà, cet album n’est pas qu’un album de Miossec, c’est aussi un album produit par Tiersen, et c’est sur la musique de celui-ci que Miossec a couché ses mots, souvent a posteriori. Et dans ce domaine, pas grand-chose à redire. La musique de Tiersen enveloppe, pousse, magnifie les mots de Miossec, que ce soit les coups de cordes secs du début de Fermer la Maison, le piano très Rue des Cascades de Loin de la foule, ou l’amas de bruits rageurs à la fin de A Montparnasse ou les cris métalliques sur Une Fortune de Mer.

Au final, un album assez inégal. Inégal, car les mots de Miossec ne font pas toujours honneur aux notes de son compère, mais aussi parce que Miossec s’essaie à autre chose sur une partie de l’album, et ce sans grand brio. Le problème est que, dans l’Etreinte aussi, il s’essayait à autre chose, et ce sans grand brio. Gageons que cet album est tout de même mieux réussi que le précédent, les voix et les notes allant de concert. Peut-être que Miossec ne réussit pas vraiment en dehors de son pré carré, peut être est-ce dommage. Assurément, les boutons avance rapide, et la lecture par chansons à notre époque de MP3/Flac permet facilement de sauter ce qui ne nous plaît pas. Donc, sans vraiment lui en vouloir, sans vraiment pouvoir se dire (re)concquis par l’homme, on se dit que c’est un album qu’on réécoutera avec un certain plaisir, mais sans besoin frénétique.



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Tracklisting :
 
1. Seul ce que j’ai perdu (4’19")
2. Les joggers du dimanche (3’32")
3. Les chiens de paille (3’29")
4. À Montparnasse (4’50")
5. CDD (3’10")
6. Nos plus belles années (2’55")
7. Jésus au PMU (3’25")
8. Haïs-moi (3’04")
9. Fermer la maison (3’09")
10. Loin de la foule (3’54")
11. Une fortune de mer (4’36")
 
Durée totale : 40’30"

Miossec (Christophe)

Disques Chroniqués
L'Étreinte L’Étreinte

par Psymanu


2,5

Baiser Baiser

par Frédéric Rieunier


4,5

Voir la fiche de Miossec (Christophe)