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mercredi 15 avril 2015
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par Arnold le 29 mai 2005
paru en 1975 (Polydor)
C’est l’histoire d’un mec, un titi parisien, qui chantait avec un pote accordéoniste dans la cour du Café de la Gare. Ce mec, se fait un jour remarquer par Paul Lederman, qui lui propose de faire la première partie d’un comique qu’il produit au Caf’Conc’ : un certain Michel Colucci. De fil en aiguille, le titi parisien en vient à enregistrer son premier 33 tours. C’est ainsi que sort le premier album de Renaud en 1975...
Cet album va bouleverser la vie de milliers de jeunes Français avides d’une bonne musique qui fait souvent défaut... Foulquier sera le premier à diffuser Renaud à la radio, alors que des morceaux plus tartes les uns que les autres occupent les ondes (entre Mike Brant, Joe Dassin, ou Julio Iglesias, imaginez le tableau...). Ce qui interpelle d’abord chez ce jeune blanc bec, c’est sa voix... Ou plutôt l’absence de voix... Ce qui frappe ensuite, telle une énorme claque en pleine poire, ce sont les paroles qui sentent fort le parfum de la rue..
Renaud est amoureux de Paname, et l’explique tout au long de l’album. Sa poésie arrive a rendre le béton plus gai. Les gars de la rue sont dépeints avec énormément de tendresse et d’humanisme. Dans sa Java Sans Joie, Renaud l’affirme : "Moi j’aime bien chanter la racaille (...) ceux qui sont nés sur le pavé . J’ai bien du mal à les chanter tell’ment qu’elles sont tristes mes histoires, mais celle que je vais vous raconter elle fait même pleurer ma guitare...". Et c’est vrai. Ses chansons sont vibrantes d’émotion à faire pleurer. Rares sont les albums qui savent provoquer ça...
Alors pour contrebalancer ce sentiment, Renaud propose quelque chansonnettes simplistes, très courtes et tout à fait délirantes. Il manie les jeux de mots avec excellence. Cela lui permet même d’aborder des sujets sérieux avec légèreté. Sur Greta, il se permet une complainte détournée, à propos du mur de Berlin qui le séparerait de sa copine Greta. Le message est efficace.
Humour, tendresse et revendication sont ses maîtres mots. Amoureux de Paname est un savant mélange de Bob Dylan (pour les influences folk) [1], Georges Brassens (pour la poésie), Aristide Bruant et Frehel (pour le côté titi parisien) et tous sont des artistes engagés. Et de ce côté-là, Renaud n’a rien à leur envier... Ses chansons sont des pavés dans la mare giscardienne...
Face au politiquement correct, et à la société conservatrice confortablement installée, Renaud le soixante-huitard [2] s’insurge. Dans Société Tu M’Auras Pas Renaud fait son credo : il est profondément ancré (très) à gauche et gare à celui qui voudra le récupérer... Dans Camarade Bourgeois, le cynisme est de rigueur. Le chanteur brocarde les classes aisées et s’attire ainsi la sympathie du peuple [3]... Mais, justement, le titre incontournable de cet album, ainsi que de toute sa discographie est Hexagone. Le chanteur y dresse un portrait de la France en reprenant mois pas mois les activités de ses habitants. Les Français sont hypocrites, chauvins, crédules, effrayés d’un quelconque changement... A l’origine prévue comme single, cette chanson sera censurée sur les ondes. Aujourd’hui elle fait encore référence et n’a pas tellement vieilli...
Musicalement, l’album est très acoustique, à la frontière entre le folk de Dylan et la chanson de rue de Bruant et Fréhel. Les mélodies sont efficaces et variées. Les intonations servent magnifiquement les chansons en accentuant les émotions. Mais quand il s’agit de mettre en valeur un texte plutôt qu’une histoire, l’efficacité est toujours là. Hexagone ne se joue qu’avec quatre accords accessibles à un débutant, complété par une ligne mélodique à l’harmonica.
Avec Amoureux De Paname, Renaud pose les bases de la chanson de rue populaire et contestataire en France. Il trace aussi le portait de son personnage : à la fois doux et impertinent, humaniste et contestataire. Aujourd’hui, ce Renaud-là est une référence pour tous les gamins des cités qui s’adonnent au hip-hop. Le nouveau Renaud ne chante plus Hexagone [4] et a perdu de son impertinence pour le plus grand malheur de ses fans.
[1] Renaud aurait appris l’anglais seul en traduisant toutes les paroles de Dylan
[2] A seize ans sur les barricade de la Sorbonne au sein du collectif Ravachol, Renaud écrivait déjà des chansons méchantes comme Crève Charogne
[3] Camarade Bourgeois sera la première chanson qu’il chantera à la TV, Hexagone étant trop ... méchante...
[4] Par contre les Têtes Raides la reprennent fort bien, et lui donnent une nouvelle force
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