Interviews
Dirty Beaches

Dirty Beaches

Interview

par Oh ! Deborah le 6 septembre 2011

Alex Hungtai était en concert sur la petite scène de la Route du Rock à St Malo pour présenter son premier album, Badlands, cloturant sa tournée européenne sous une pluie battante et les applaudissements d’un public restreint mais conquis. Si son premier essai réjouissant manque encore de singularité, le chanteur canadien d’origine taiwanaise livre des performances totalement habitées avec une humilité et une intensité rares. Rencontre avec un passionné de musique minimaliste et de cinéma, opérant seul sous le nom de Dirty Beaches.

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Inside Rock : J’ai entendu dire que tu étais impliqué et assez imprévisible sur scène. Peux-tu me parler de tes concerts ? Forment-ils des expressions artistiques aussi importantes que tes enregistrements ?

Alex Hungtai : Je pense que c’est très difficile pour une personne seule de jouer sur scène. Tu dois t’occuper des différents instruments électroniques, de la guitare, etc. Je ne veux pas jouer soit de l’un soit de l’autre, et je voudrais donner quelque chose qui soit différent, donc mes concerts sont très inspirés par le théâtre, sans être théâtraux ! On parle souvent d’un manque de mouvement concernant les concerts, j’aime qu’il y ait du mouvement donc je laisse aller mon installation musicale, sans toujours m’en occuper. Si je dois jouer de tout, je ne peux plus bouger, je suis coincé, donc je préfère libérer mon installation, et elle me sert de base pour jouer mes compositions.

IR : Comptes-tu jouer avec d’autres personnes à l’avenir ?

AH : Oui sûrement, pour essayer de nouvelles choses.

IR : Tu perpétues la vision traditionnelle du Do It Yourself en fabricant toi même des sons. Est-ce que ce serait important pour toi de créer quelque chose de nouveau par le biais de cette vision, ou, est-ce que tu fais juste la musique que tu aimes, sans intention particulière ?

AH : Un peu des deux. Avant tout, je veux jouer la musique que j’aime, sans me soucier de ce qui pourrait être nouveau. En fait, la plupart des choses que j’aimerais faire seraient trop expérimentales, pas vendables, pas assez pop. Or, j’aime que des éléments expérimentaux soient créés sur la base d’une musique pop, donc c’est intéressant pour moi de me maintenir à ça, et en plus, c’est plus facile pour les gens de m’écouter. J’aime cet équilibre. Ok, j’adore jouer des trucs vraiment bizarres chez moi, mais je ne les montrerai jamais ni ne les vendrai ! Même si ça peut m’arriver d’en mettre gratuitement sur internet.

IR : Est-ce plus difficile ou moins difficile aujourd’hui, de créer quelque chose de nouveau, étant donné toute la technologie mise à disposition ?

AH : Ce n’est pas plus difficile dans le sens où une machine reste une machine, et tout dépend de la personne qui l’utilise. Je pense à beaucoup de groupes, nord-américains notamment, qui utilisent plein d’outils électroniques de façon très intéressante.

IR : Par exemple, dans les années 70, les artistes avaient peut-être moins de possibilités, et n’avaient pas le choix parfois d’avoir recours à tel type de matériel.

AH : Mais ils avaient beaucoup plus d’argent à disposition ! Il y avait plus de confiance, on leur accordait des choses pour l’enregistrement, "tiens je veux dix personnes pour faire ci ou ça", "je veux une symphonie", etc, maintenant ce n’est plus possible et je crois que c’est une des grandes manifestations de notre époque. La raison pour laquelle il y a de plus en plus de gens qui enregistrent dans des chambres, est qu’il n’y a plus d’argent, plus de business, si tu veux faire quelque chose, tu dois le faire toi même dans ton coin et c’est tout.

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Dirty Beaches à la Route du Rock

IR : Ta musique est souvent décrite comme un mélange entre la musique de Suicide et la BO d’un film de Lynch. Je trouve que ta façon de chanter est très proche de celle d’Alan Vega. Tu es d’accord ?

AH : Oui je valide ! Ces comparaisons sont justes, Alan Vega est une grande inspiration pour mon album, Badlands, bien plus que sur les autres choses que j’ai faites. Mais j’ai fait beaucoup de recherches pour mon album, j’ai essayé de combiner des choses bien spécifiques pour aboutir à un résultat qui m’appartient vraiment.

IR : Te rappelles-tu de la première fois que tu as écouté Suicide ?

AH : Oui c’était par le biais d’une amie il y a dix ans, quand j’étais à la fac. Elle m’a prêté un CD et ça m’a pris cinq ans pour comprendre et apprécier Suicide. La première chanson que j’ai entendue était Frankie Teardrop, c’était effrayant, terrifiant, et j’étais vraiment bouleversé par cette chanson. Les cris, les paroles.. C’est très simple mais... J’ai en fait eu très peur, ce qui est rare en musique, ça n’arrive pas comme ça.

IR : Badlands est comme un road movie. J’ai lu que tu avais beaucoup déménagé. Qu’est-ce que les voyages t’ont procuré, musicalement et personnellement ?

AH : Personnellement, ça m’a permis de grandir très vite. Tu arrives dans une ville, tu connais personne, et à chaque fois, ton accent est différent. Très tôt, j’ai développé la faculté d’imiter les accents de partout. Peu importe où j’allais, j’essayais de copier leur accent, je crois que je m’adapte facilement. Artistiquement, ma musique est juste le miroir de ce que je suis. Je suis très ouvert sur toutes les cultures, les langues, la nourriture... Je ne suis pas du genre, "c’est dégoutant, je ne mangerai jamais ça !", j’adore essayer des tas de nouvelles choses, et cette personnalité se retrouve dans ma créativité.

IR : Est-ce que le titre de ton album, Badlands, a quelque chose à voir avec le film de Terrence Malick ?

AH : Non, ça a plus à voir avec la chanson de Bruce Springsteen !

IR : Tes chansons sont très esthétiques mais forment aussi des histoires, comme au cinéma.

AH : Pour mon album, j’ai fais un storyboard avec un genre de script, et je visualisais très bien les scènes que je voulais mettre en chansons. J’ai écrit vingt chansons et je n’ai pris que huit chansons issues de mes histoires d’origine.

IR : Tes films préférés ?

AH : C’est impossible (rires). Non, il y en a trop, désolé. Mais les deux derniers que j’ai vus et aimés c’est Encounters at the End of the World, un documentaire de Herzog, et La Planète des Singes : Les Origines, vu à Paris il y a deux jours.



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