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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 4 juin 2007
paru le 20 mars 2007 (Sub Pop)
Drums And Guns est un album sournois, à la respiration pénible. Il met mal à l’aise : clapotant et vicieux, mais pourtant empli d’une douceur opaque. Avec son leader tout juste remis d’une dépression, Low a rarement sonné aussi démuni, même très loin du slowcore des débuts. Le merveilleux Dave Fridmann est encore à la production, comme pour le précédent The Great Destroyer. C’est un changement de cap, un élan définitif et absolu vers des profondeurs nébuleuses, dans lesquels l’âme s’enfonce sans possibilité de retour. Vision on ne peut plus claire, lorsque Low déclame, dès le prélude, sur un brouillard livide de guitares grésillantes, que nous allons tous mourir, nous soldats, nous enfants, poètes et menteurs. Alan Sparhawk le chante comme une prédiction imminente, insupportable et il le chante aussi avec une simplicité résignée et, à partir de cet instant, l’âme est déjà contaminée.
Le groupe avait annoncé l’utilisation de boite à rythme, quelques mois avant la sortie du disque. C’est le cas, ainsi que la venue de boucles bancales, spectrales et plus généralement d’un son rachitique, obsédant. Les rythmiques sont maigrelettes, la basse, pressante, absolument lourde et rampante, rôde telle une masse accablée. Les guitares sont en retrait, alors que The Great Destroyer les densifiait, les prolongeait d’un éclat coupant. Les voix sont enregistrées uniquement sur le canal droit, les rythmiques (claquements, cahots de train en perdition, échos de caisse claire lugubres), les chœurs, les claviers vont et viennent de gauche et de droite, à la manière de flux hantés. Cette décomposition surprenante de l’espace sonore constitue la force inépuisable du disque. L’écoute au casque en devient inconfortable ; une désorientation surgit, s’installe. Et, comme perdues entre ces lignes mouvantes et poudreuses, les mélodies ne peuvent qu’être vulnérables mais leur fragilité, leur évanescence et leur instabilité les renforcent, dans la puissance et l’émotion.
D’ailleurs c’est ce que Low a toujours écrit : des chansons dépouillées, pour adepte de transe cafardeuse et léthargique, mais où la grâce a entièrement sa place. À l’unisson, les voix d’Alan Sparhawk et de Mimi Parker (ici moins présente que d’ordinaire) donnent envie de croire à la rédemption. Pour son lyrisme désincarné, pour ses gouffres de mélancolie dévastatrice, Drums And Guns accomplit le miracle d’un groupe, dévoué à la vision qui l’habite. La sincérité de In Silence, morceau gothique qui conduit jusqu’à un incroyable sommet d’abandon irradié, touche plus qu’il ne le faudrait, aujourd’hui, alors que l’indignation cède le pas à l’abattement. « All I can do is fight » avoue dans un élan romantique Sparhawk (Violent Past), éclaboussé par des remparts de claviers saturés.
C’est ce qui rend au final Drums And Guns tellement beau ; ce groupe d’apôtres tristes, ne cesse de croire, de se démener, de lutter contre ses fantômes (la guerre en Irak, au détour de quelques sentences : « They thought the desert would divide us »), malgré l’angoisse et ses temps troubles. Avec pour seules armes leurs chansons si émouvantes et indispensables.
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