Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Our Kid le 13 juin 2006
paru le 6 février 2006 (Warp)
Battles... On les avait découvert un soir de février sur une scène à St Malo et cette vision étrange avait quelque chose de fascinant. Une prestation tellement originale, si intense, si captivante que l’on se met immédiatement à chérir cet instant rare que constitue leur première apparition sur le sol français. C’était comme de découvrir que la musique ne mourra jamais et que la règle du moins valant souvent le mieux était toujours valable, même au XXIème siècle. Petit rappel, Battles est un quatuor d’anciens combattants ayant officiés dans divers combos de l’underground new-yorkais avec plus ou moins de fortune mais qui ont réellement développé une excitation auprès des foules qu’ils ont ravi. Réunie autour du batteur fou John Stanier, la musique des quatre se conjugue via des guitares et des claviers/ordinateurs, procurant un son plutôt moderne à forte teneur en electro, jazz et hardcore.
Après la scène, Battles passe naturellement à l’acte avec un enregistrement studio assez attendu. Et quelle surprise ! Derrière un titre de brouillon, on sent immédiatement que ce disque se fraiera difficilement une place dans les playlists des radios et pour cause : c’est un album double ! Le truc qu’on ne fait plus trop de nos jours. Quand on connait les New-yorkais, on s’attend à tout... Deux disques donc (EP C et B EP) d’une durée de 30 minutes environ. La cause semble acquise et les titres des morceaux sont symptomatiques du disque. Un monde codé, inextricable où se mêlent des certitudes, des points d’appui sur lesquels se baser mais aussi et surtout des grosses inconnues. Si l’on devait comparer le présent effort à une référence discographique la plus parlante, on pourrait affirmer que l’on se trouve en présence d’un nouveau Bitches Brew, un parfum de liberté, un peu le Miles Davis en version crade, plus froide, mécanique et brute de décoffrage. Musique instrumentale qui ne verse ni dans l’ambient, ni dans la berceuse, non, on a souvent le droit a de longues plages d’improvisations, autrement dit, une jam session permanente qui prend parfois des accents de répétition (Fantasy).
Des morceaux sans réels suivis entre-eux, tantôt longs, tantôt courts, parfois même à la limite du foutage de gueule (les 38 dernières secondes de B EP se composent en tout et pour tout d’un battement ou d’un beat occupant 9 plages différentes d’une durée de... 3 secondes par plage !). Des titres avec des noms de codes, comme pour casser les lignes ennemies. Sur Sz2, on a le droit a une sorte d’accordage d’instruments, un motif joué jusqu’à l’épuisement avec des breaks de batterie rappelant le Keith Moon période Sell Out. La batterie, évidemment, constitue le nerf de la guerre, tant la frappe de John Stanier est hors du commun. Il sait tout faire ! Simplicité, efficacité mais également raffinement et technicité, le tout avec une puissance qui laisse sans voix. D’autres plages comme Bttls, noyée de silence durant les sept premières minutes, en comparaison, pourraient suggérer que l’on s’endormait ferme derrière les manettes mais il n’en est rien. Le but du jeu consiste à montrer que l’on peut faire de la musique avec n’importe quoi, de n’importe quelle manière et - comme un peintre qui travaille avec la lumière - savoir utiliser le silence à bon escient. Et puis, il y a le talent qui fait la différence. Ces longues improvisations dignes des grandes heures du free-jazz, laissent pantois et on en vient à se demander leur raison d’être. La réponse ? Tout simplement la volonté de développer tous les aspects qui caractérisent la musique de Battles, une sorte de compromis entre les aspirations musicales des quatre membres. La preuve, sur la plupart des morceaux, on a l’impression que ces derniers sont le résultat d’un collage entre différentes compositions.
À la fin de chaque disque, le groupe nous offre une sorte de bonus (ou une récréation, c’est au choix). Souvent constitué de jams dissimulées sous des noms savants - comme toutes les jams en fait - le groupe ne craint pas un seul instant de passer pour ridicule. C’est tout le contraire ! Il prend un malin plaisir à contourner des conventions qui se sont durcies et figées avec le temps et, quitte à faire faillite et amuser la galerie, Battles joue son atout à fond et sait que la déception que peut procurer EP C/B EP sera balayée par ses flamboyantes prestations scéniques. Un luxe rare de nos jours. Le pire, c’est que cette folie et le refus d’intégrer les normes commerciales d’un disque sont contagieuses, même les imprimeurs de l’album s’y essaient puisque les tracklistings des disques ont été involontairement inversés...
Un album surprenant, déconcertant mais qui fait un bien monstre et mérite évidemment qu’on s’y attarde toujours un peu plus.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |