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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 31 janvier 2006
paru en janvier 2006 (RCA / Sony BMG)
Bien que leur nom puisse suggérer une origine toute sudiste, c’est bien d’Écosse que nous arrive El Presidente, formation pop-rock au look immaculé, irradiant de classe. Mais la question est de savoir si leur ramage se rapporte à leur plumage : sont-ils les phoenix des hôtes de ces bois ou bien une Nième bande de jeunes dont les prétentions arty feront glousser les jeunes débutantes dans les salons mondains durant les dix minutes de leur succès planétaire ? Ils sont cinq à vouloir apporter une réponse : Dante Gizzi le chanteur et leader, la claviériste Laura Marks, Thomas McNeice et sa basse, Dawn Zhu la batteuse, et le gratteux Johnny McGlynn.
El Presidente est un album dansant, avant toute autre chose. Un disque de club, quasiment. Il entame les ébats avec Without You, un titre aussi funky qu’efficace qui saura à n’en pas douter séduire telle ou telle marque de shampooing et ses publicitaires, qui colleront probablement une jolie jeune fille dynamique à l’image en train de s’attirer les regards envieux des copines, et les faveurs bave aux lèvres des garçons. Bref, du calibré, du joli, du sucré. La chanson suivante est Last Night A DJ Saved My Life... Ah non pardon : Rocket. Oh les vilains copieurs. Néanmoins, l’inspiration est trop notable pour n’être pas assumée, on sourira au clin d’œil et ça changera d’un simple sample supplémenté d’un beat techno et d’un riff plus vif. Et puis le refrain est geignard à souhait. Sympa. Le quintet poursuit avec 100Mph un titre qui, s’il porte très mal son nom, est délicieusement Zeppelinien, riff Pagien et rythmique Bonham-like (en moins vif, et moins puissant toutefois) de circonstance et Gizzi qui miaule à la croisée des chemins de Robert Plant et de Jack White. Turn This Thing Around, c’est du tube, du gros, avec un peu de funk, un peu à la Prince. On se servira de la rengaine Count On Me pour se prendre par les épaules, et se balancer nonchalamment de droite à gauche, et on aimera ça, même qu’on continuera un peu sur la balade 80’s If You Say You Love Me, et ses synthés nases, on en profitera même pour rouler une pelle à sa partenaire, ou pour aller se servir un autre verre et faire une pause. Hanging Around adopte quelques gimmicks hip-hop (Gizzi adore Dr Dre), pourtant McGynn tricote un excellent riff avec sa six cordes, peut être aurait-on gagné à le mixer plus en avant ? On peut parfois penser à Gorillaz sur I Didn’t Really, pour ce mélange subtil entre pop, trip-hop, et tout ce qui passe. Sauf que là ça traîne un peu en longueur. C’est à peine si Old Times suffit à nous réveiller, malgré des vocaux plus agressifs sur les premiers couplets, presque à la Michael Jackson (si, si, imaginer le chanteur se tenir l’entrejambe sur le "wouh" et ça en devient confondant). Mais trêve de plaisanterie, et retour au rock (il était temps, on est déjà piste 10). La guitare fait son retour au premier plan sur Keep On Walking, la batterie à la ZZ Top prend bien à l’estomac, et on se remet à bouger avec conviction (dommage, quand même, ce synthé...). Tant qu’on est à faire des comparaisons, Honey fait quand même vachement penser à Sunny, de Boney M, avec un rythme très ralenti et un climat plus électrique, plus lourd aussi. Le disque s’achève sur Come On Now, sur lequel McGlynn est à son avantage, et ose même un solo qui passe tout seul et qui donne envie de savoir ce que ce gars pourrait apporter sur scène, avec l’énergie live.
Ce disque et le groupe qui en est l’auteur présentent un dilemme. Oui, le disque est très agréable, très pop, très dansant, tout ça tout ça. Mais quelque chose cloche. A piocher partout, El Presidente brouille les pistes sur son identité, et l’on se demande s’il ne la perdrait pas, tout simplement, au bout du compte. On sent une sophistication certaine dans les arrangements, beaucoup de goût aussi, mais est-ce que ce disque vaut mieux que tous les tubes de la production radiophonique actuelle, mis bouts à bouts ? Que vaudra ce disque dans six mois, lorsque d’autres auront repris les mêmes ingrédients accommodés à leur propre sauce ? Difficile en effet de sentir ce qui fait la personnalité d’El Presidente, sentir où les cinq musiciens logent leur singularité. On suggèrera donc par exemple l’écoute immédiate de ce disque, avant que l’eau ne passe sous les ponts. L’auditeur prendra assurément du plaisir avec, mais il faut qu’il le prenne maintenant, sans attendre. L’autre position possible est celle du gars qui en a vu passer d’autres, des groupes doués dans l’air du temps, d’autres combos réalisant la synthèse parfaite de tout ce qui fait du bien aux oreilles à l’instant t. Mais qui ne lui survivent jamais. Ce gars-là, il attendra, quitte à jouer les pisse-froid, que le même groupe lui montre autre chose, ou qu’il lui montre aussi bien mais plus tard, après ce foutu instant t.
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