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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 17 octobre 2006
paru en août 2006 (Sony/BMG)
Pas cons, les Kasabian. À clamer haut et fort que leur toujours difficile deuxième album est supérieur au meilleur des Oasis (Definitely Maybe, donc), ce genre d’hérésie, ils savent bien que chacun se prépare à haïr leur disque, et que partant de là, chacun ne pourra au pire qu’être agréablement surpris, à l’écoute. Ceci dit, avec des têtes à claques pareilles, sourires en coin et accents de petites frappes britanniques, je les aimais déja. Ils partaient gagnants, fallait juste transformer le penalty, une formalité en plein dans nos faces incrédules.
Poum, tchak, poum, tchak, Empire, titre grandiloquant (à la hauteur de son clip qui défonce les meilleurs Mylène Farmer, si on me passe la référence pas trop rock), binaire au possible, sent déja la poudre, se la joue brûlot : "Stop ! I said it’s happening again ! We’re all wasting away !", c’est de la démago à deux centimes d’euro mais on a quand même envie de foutre le feu. Shoot The Runner est taillé d’un même bois, Meighan harangue les foules, soutenu par Pizzorno de sa voix fluette (on croirait parfois entendre Rob Harvey de The Music) sur les refrains. On croit même un instant qu’un solo de guitare un peu crade va être tenté, par deux fois, mais il est vite noyé dans le maelström vocal et rythmique. On se dit que le groupe a durcit le ton, grossi le son, et que l’ensemble va s’engluer dans le lourdingue, l’épuisant. Mais non.
Parce que Kasabian, c’est les meilleurs Happy Mondays des années 2000, surtout depuis que Primal Scream préfère jouer du rythm’n’blues, ça ne tendra vers aucune subtilité, certes, mais c’est la culture rave ; si ça se danse pas, ça vaut rien. Et sur Empire, tout se danse, ou pas loin. Last Trip (In Flight), Stuntman, ça s’écoute sur un dancefloor, mouvements robotiques, yeux mi-clos noyés dans d’épileptiques stroboscopes, dégoulinants de sueur. Apnoea, c’est le morceau que les Chemical Brothers ne savent plus composer depuis Dig Your Own Hole, au moins. Et encore, il est presque moins bon dans le genre que Sun-Rise-Light-Flies, trip halluciné au son saturé exprès juste ce qu’il faut pour donner cette impression d’assourdissement propice à l’explosion cérébrale libératrice, cet instant où la musique est tellement forte qu’il n’y a pas plus la place dans nos têtes pour les idées crasses, pour aucune idée d’ailleurs, où l’on chancèle lentement sur la piste mais sans tomber, comme un balancier, parti, ailleurs, s’oublier. Kasabian connaît la musique de club sur le bout de ses doigts, Seek & Destroy largue toute amarre rock’n roll pour se lover dans l’électro pur et doux, et ça marche tellement pareil sur nous qu’on n’y avait même pas fait gaffe. Ils pourraient soudain nous jouer du biniou qu’on danserait idem et qu’on appellerait encore ça du rock. D’ailleurs, quand ils tentent un truc un peu oriental comme ça se faisait beaucoup dans la pop 60’s, sur Me Plus One, on plonge avec eux tête baissée.
J’ai dit qu’on pouvait presque danser sur tout ? Oui, parce qu’on peut pas trop, ou alors un slow, sur British Legion, un bidule acoustique qui est bien mignon mais dont je ne dirai rien de plus parce qu’il m’a gonflé, c’est pas ça que j’ai envie d’entendre après tout ça, ça plombe l’ambiance, c’est comme passer Yesterday au milieu d’une session metal, ça a beau être un chef-d’oeuvre, c’est pas le moment, ça donne juste envie de balancer sa bière dans la gueule au DJ. Heureusement, ça se reprend in extremis avec le très Beatles, justement, The Doberman, une chouette chanson de fin de soirée, qui se barre dans tous les sens à la fin, avec des cuivres, on peut faire "la la la" desssus, tout le monde danse bras dessus bras dessous, les lumières se rallument et allez hop, tout le monde dehors, allez cuver ailleurs, les gars.
Dites, vous n’allez pas faire comme tous ces gens qui ont le culot de prétendre que le premier album de Kasabian et sa hype un peu pénible était mieux, parce que c’est vraiment faux. Le groupe tire la quintessence de son style electro-rock, et en machine superbement huilée, peut se tenir bien droit sur ses acquis tout en se permettant quelques explorations annexes plutôt inspirées. Kasabian ne renversera probablement pas tout sur son passage mais saura devenir, pour quelques semaines, quelques mois peut-être, mais au moins le temps d’une écoute attentive, et par la grâce de cet Empire, le groupe qui vous emmènera le plus loin et le plus haut possible.
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