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par Béatrice le 18 novembre 2008
Depuis une dizaine de jours, tout le monde aime l’Amérique, et surtout les États-Unis. Passons sur le surréalisme de ce revirement brusque symbolisé par une unique figure emblématique (que je ne vous ferai pas l’affront de nommer ici) et la horde de supporters qui l’a portée au pinacle, détrônant le chef des vilains qui était jusque-là à la première place, mais saluons tout de même l’audace visionnaires des programmateurs du Festival des Inrockuptibles – une fois n’est pas coutume. Ils ne l’ont peut-être (sûrement ?) pas fait exprès, mais leur soirée d’ouverture, une semaine tout juste après l’effusion de liesse post-électorale qui a agité le monde, tombe à point nommée, et pourrait difficilement être davantage dans l’air du temps. N’eût été l’annulation de She & Him qui devait ouvrir les festivités, l’affiche de ce soir aurait été 100% étasunienne, avec, reconnaissons-le, un léger biais en faveur de la Côte Ouest et de New York, au détriment du Midwest, de la Bible Belt et du Sud profond. She & Him n’étant pas là, l’ouverture sera assurée par des Français, Coming Soon, mais qui sonnent trop comme des Américains pour paraître mal assortis avec ce qui semble être le thème (involontaire ou non) de la soirée.
L’Olympia, par contre, est toujours aussi parisienne, et il semble, à en juger par les accoutrement bizarres détectables un peu partout (bandeaux bariolés, peintures de guerre, plumes dans les cheveux, tee-shirt fluo), que l’essentiel du public soit venu acclamer MGMT, duo-sensation electro-pop de l’année. L’essentiel du public va donc devoir bien s’accrocher, et attendre patiemment que le reste fasse son petit numéro…
On commence avec Coming Soon, collectif de 8 membres dont on aurait pu craindre, au premier abord et après rapide passage en revue de leur Myspace, qu’il s’agissait d’une énième resucée d’americana vaguement anti-folklorisante et surtout très gentillette. En fait, et ça nous apprendra à médire, point du tout, au contraire, c’était très bien. Certes, il y a un ukulélé qui traîne dans un coin de la scène ; certes, le look à l’américaine est savamment étudié, du Stetson du chanteur dégingandé aux claviers customisés ; certes, le batteur n’a probablement pas 14 ans et on serait prêt à parier que ce n’est pas le seul mineur du groupe. Pourtant, leur concert, démarré par une reprise de Black Betty et terminé avec un chanteur qui se balade parmi les rangs de spectateurs, est plus que convaincant. Ça sonne évidemment très américain, au sens Calexico-Wilco & Co du terme, mais contrairement à ce qui est souvent le cas, ça ne sonne pas faux (et, au passage, l’accent des trois jeunes hommes qui se partagent le chant n’est pas désespérément franchouillard, ce qui aide). Même quand la grande gigue au micro fait le pantin, ça ne paraît pas surjoué, et – fait suffisamment rare chez une première partie pour être remarqué – on ne s’ennuie pas. Pour une fois qu’on ne regrette pas d’être arrivé (à peu près) à l’heure...
Ceci fait, l’Olympia a l’infinie bonté de nous offrir vingt minutes d’entracte (ou l’art de présenter les choses), en attendant que la scène soit dégagée et re-remplie par le matériel des Fleet Foxes. Pendant ce temps,J. Tillman, par ailleurs batteur desdits Renards, vient avec sa guitare nous gracier de trois de ses chansons. On continue donc notre errance à travers les territoires musicaux du Nouveau Monde, accompagné par ce folkeux dépressif de Seattle aux cheveux emmêlés et à la chemise de bûcheron. Puis vient la fin de la demi-heure de vingt minutes d’entracte ; extinction des feux, lever du rideau rouge, apparition de barbus sur la scène… et éclaboussement d’harmonies vocales lumineuses à couper le souffle. Ça commence fort, et ça ne va pas s’arrêter là, car les 5 messieurs derrières les instruments ont beau ne pas ressembler à grand-chose, ils fabriquent une musique d’une rare beauté, toute en fragilité et en subtilité – guitares limpides, vocaux cristallins, échos irréels, changements de rythme et revirements mélodiques oniriques.... On ferme les yeux et on sourit, parce que c’est encore plus magique que sur disque (où c’était déjà pas mal). On sourit quand ils entament White Winter Hymnal, on sourit quand ils se lancent dans la splendide Mykonos, on sourit encore quand le chanteur débranche sa guitare et quitte son micro pour reprendre Katie Cruel le temps d’un hommage à Karen Dalton. Malheureusement, et c’est là qu’on regrette que les Inrocks leur aient sauté dessus et les aient réquisitionné pour leur festival où ils n’avaient rien de mieux à leur offrir qu’une deuxième place, c’est court. Il n’y aura même pas de rappel alors que les musiciens en voulaient un autant que le public… Et là, râlons allègrement contre les programmateurs, parce que mince, un groupe capable de titiller la perfection à ce point, la moindre des choses, c’est de le programmer en dernier. Au moins, on ne risque pas que tout retombe après.
Pas que ce qui est venu après ne fût mauvais, loin de là mon propos. Mais, disons, pas vraiment à la hauteur. Alela Diane, d’abord. Alela Diane est une charmante jeune fille californienne, tendance hippie du 21e siècle – c’est-à-dire proche de la nature, attachée aux traditions et à son héritage culturel, mais propre et présentable ! Elle est sur scène avec son papa, sa sœur et sa cousine, plus un joueur de banjo – toute la famille réunie autour de la musique, ou presque ! Elle a une très jolie voix, joue très bien de la guitare, et chante de très belles chansons ; mais autant son album a une certaine âpreté rustique, autant sur scène elle tend parfois un peu trop sur une douceur presque mièvre (et par instants à la limite de la platitude). L’écueil, c’est que ça paraisse parfois un peu trop roots édulcoré, tendance "le folk américain expliqué aux enfants", même si évidemment il y a des moments d’une grande beauté, notamment cette reprise d’une chanson traditionnelle qui parle d’adultère, de jalousie et de meurtre sur une jolie mélodie toute simple. En fait, le seul vrai défaut de ce concert est peut-être de passer juste après le précédent, mais ça, c’est pas leur faute. On a du mal à comprendre en quoi Alela Diane peut être une bonne transition vers MGMT, quand on voit bien à regarder ses voisins que les fans de MGMT sont là pour se défouler, pas pour célébrer l’héritage du folklore du Far West.
Heureusement pour ceux qui attendent de pied ferme depuis plusieurs heures et se pressent pour être le plus près possible de la scène, MGMT va bientôt arriver ! Et en fait, ne leur en déplaise, de MGMT je n’aurai pas grand-chose à dire, à part que leur jeu de lumière était très intéressant à regarder, et qu’ils ont suscité beaucoup de trémoussements parmi la foule, particulièrement intéressants à contempler d’en bas, en levant les yeux vers les premiers rangs des balcons. C’est le premier groupe de la soirée qui s’est amusé avec la saturation, et qui n’a donc pas eu un son clair et plein pour rendre justice à ses mélodies qui avaient l’air bien jolies. Il y a un guitariste qui semble se laisser aller à beaucoup d’emphase, des climats musicaux souvent agréables, mais la voix a une sonorité un peu trop mécanique et surtout complètement diluée dans le reste... En fait, je me suis vite rendu compte que je n’arrivais pas vraiment à écouter. Comme si le groupe était là sans être là, faisait de la musique sans qu’elle soit véritablement présente. Mais gageons que ce fut en fait un très bon concert. Les gens ont beaucoup crié, sautillé et dansé comme des dératés (surtout au premier rang du balcon semble-t-il). Ils ont aussi beaucoup applaudi, ce qui est un signe qui ne trompe pas. Personnellement, je ne me rappelle pas vraiment la performance, à part, donc, les mouvements des rayons de lumière colorée qui tombaient du plafond. Plutôt que de diluer ce compte-rendu ad nauseum, arrêtons donc là les dégâts, et continuons gaiement à aimer l’Amérique.
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