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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 20 février 2006
paru en juin 1970 (Island Records)
Courte fut la carrière de Free, quatuor british et blues, mais éternelle demeurera leur notoriété. Et ce, en grande partie en appui sur un seul tube au riff gravé à tout jamais dans la mémoire du rock, celui de All Right Now, dernier titre de Fire And Water. « LE » disque de Free. « Free », quatre lettres, quatre mecs : Andy Fraser, bassiste teenager, Simon Kirke à la frappe sèche et concise, Paul Kossof, guitariste camé mais génial, et Paul Rodgers, chanteur magique. Sur les sept titres figurant sur cet album canon, une évidence : All Right Now est le titre le plus faible, ce qui situe d’emblée le niveau du truc.
Dès le morceau éponyme, Fire And Water, donc, on voit à qui l’on a affaire. La force de Free réside pour une grande part dans sa simplicité quasi-scolaire, sa recherche constante de la sonorité juste, au moment pile où son impact sera maximal. Il y a quelque chose de très sec dans l’exécution des riffs de Kossov, et pourtant lorsqu’il lâche la bride tout semble couler comme d’une source miraculeuse. Autre surprise : la basse. Celle-ci est mixée très en avant, parfois autant que la guitare, et se la joue parfois solo, comme sautillante et pleine de fantaisie. Elle tient véritablement un rôle moteur dans la mélodie, loin, très loin de ne constituer qu’un simple accompagnement. Paul Rodgers, quant à lui, n’est pas à proprement parler un chanteur de blues. Plutôt un immense soulman, au grain de voix qu’on pourrait presque qualifier d’idéal pour le rock : un éraillement bien présent, qui réchauffe mais ne limite en rien ni la fluidité, ni la souplesse incroyable des vocaux. J’ai parlé de magie, plus haut, et je réitère. Il y en a des caisses dans Oh I Wept, le titre suivant. L’histoire d’un mec brisé qui en a marre de sa nana et de son cœur de glace. En fait, c’était déjà à peu de choses près le thème de Fire And Water mais manifestement l’affaire est d’importance et Free enfonce le clou dans une ballade bleue lancinante et larmoyante, un serre-gorge comme on n’en fait plus parce qu’il faudrait savoir chialer avec la classe et la retenue de Rodgers. Pas donné au premier venu.
L’instant Kleenex achevé, on relève la tête pour Remember, forcément nostalgique mais au climat plus enjoué, mais à la Free, hein, donc plutôt lent quand même. On se rend bien compte à quel point les lignes de basses de Fraser sont un parfait complément non pas de la rythmique de Kirke mais bien de la voix de Paul, qu’elle seconde parfaitement pour systématiquement fermer la porte à toute éventuelle léthargie, toujours à craindre sur ce genre de tempo. Avec ce piano et le toucher délicat d’un Kossov n’intervenant que pour mettre tout le monde d’accord sur son bon goût absolu, aurait parfois presque des accents froidement jazzy. Mais il y a cette soul directement inspirée des maîtres blacks qui dégueule du gosier de Rodgers et embrase le tout. Mr. Big est un morceau phare du disque, le seul cosigné par les quatre membres. L’un des plus incisifs, également. Fraser et Kossov sont déchaînés, le second prenant d’abord son solo avant que le premier le rejoigne, unissant leurs efforts tels deux dragons enlacés montant vers les cieux. Un résultat proprement inouï qui laisse le chanteur sans voix durant plus d’une minute, avant qu’il ne se ressaisisse et ne revienne aboyer avec la grâce qu’on lui connaît. S’ensuit une ballade plutôt convenue dans la forme, Don’t Say You Love Me, mais qui prouve que décidément ces quatre-là étaient incapables de ne pas donner âme à tout ce qu’ils touchaient. Puis ce riff, ces paroles un rien misogyne mais savoureuses : All Right Now. Titre qui porte décidément bien son nom tant il est, et de loin, le morceau le plus enjoué du disque. De l’aveu même de Rodgers, cette chanson n’est pas celle qui synthétise le mieux l’essence de Free, elle n’est peut-être même pas parmi leurs dix meilleures, d’ailleurs. Mais puisque c’est le choix du public, soit, elle sera leur hymne. Peu importe : ceux qui ont pris la peine d’écouter Fire And Water en intégralité savent, eux, les vraies raisons pour lesquelles cet album reste un trésor inestimable.
Il est à noter que la réédition de ce chef d’œuvre inclut une version de Oh I Wept avec une prise vocale alternative et un mix différent inédit de Fire And Water. Les deux ont pour résultat notable une mise en avant de la voix de Rodgers, ce qui n’est pas pour déplaire. Également, cette même chanson et All Right Now enregistrées pour la BBC, l’une et l’autre sont superbes. Enfin, All Right Now dans son édition single ainsi que l’étonnante première version de ce même tube, encore plus riante que celle que l’on connaît.
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