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par Emmanuel Chirache le 19 avril 2011
La trajectoire des Kills n’est pas sans rappeler, d’une certaine manière, celle des Black Keys. D’abord apprécié par une petite élite branchée, chaque groupe est en passe depuis quelques années de devenir énorme, des mastodontes médiatiques et commerciaux. Pour les Kills, le processus a débuté un peu plus tôt, grâce à un Midnight Boom décrié par certains, mais qui contenait toutefois son lot de bonnes chansons (Black Balloon, Getting Down, Alphabet Pony), alors que les Black Keys profitent à peine d’une renommée gagnée avec Brothers paru en 2010. Duos portés sur le blues-rock et l’indie, les deux formations sont sans doute à un tournant de leur carrière. Le dernier Kills consacre encore une fois l’immense attente qui s’est créée autour du "couple" VV et Hotel, l’un des derniers rescapés parmi les sauveurs du rock du début de la décennie, puisque les White Stripes viennent de se séparer et que les Strokes semblent proches de les imiter (encore que leur dernier-né Angles n’a pas dit son dernier mot !). Entretemps d’ailleurs, White et Mosshart se sont acoquinés ensemble dans le supergroupe The Dead Weather, au point que Jack White semble aussi avoir influencé les parties de guitare de Jamie Hince sur cet opus.
Inutile de le nier, les Kills sont donc devenus un point de focalisation important de la sphère rock actuelle. Impossible de leur échapper, à moins de n’écouter que Skyrock ou de ne lire que La Tribune. Tout le monde se cramponne à leurs basques, si bien que l’habituel retour de bâton, ou "stick payback" (c’est moi qui l’invente), commence à se faire sentir, celui qui dit que finalement, les Kills, ce n’est pas si bien que ça. Allez, tiens, c’est de la merde, même. Ce serait malvenu de notre part de tomber dans ce travers. Car le problème n’est-il pas que les Kills ont toujours été un bon groupe capable de caresser l’oreille dans le sens de la cochlée, mais pas de la rendre plus intelligente ? Un groupe à durée de vie limitée, agréable mais aux épaules trop frêles pour porter sur elles tous les péchés du rock des années 2000 ? La presse s’est empressée d’en faire un géant à coup de critiques dithyrambiques (celles de Blood Pressures sont globalement excellentes), sottise qui va certainement coûter leur existence, étant donné que la pression qui pèse désormais sur les Kills risque de les faire s’effondrer. Jamie Hince et Alison Mosshart ont le mérite de produire de bonnes chansons, mêlées à de mauvaises, ni plus ni moins.
Une fois de plus, Blood Pressures ne déroge pas à la règle. On ne saurait nier le plaisir éphémère pris à écouter les meilleurs morceaux du disque, le petit gimmick de guitare sur Future Starts Slow, l’air lancinant de DNA, la mélodie à la Robert Palmer de Baby Says. Bourré, on peut même trouver des qualité à Pots And Pans ou The Last Goodbye, oui, oui. A côté de ça, on s’ennuie ferme. Il faut reconnaître par exemple que l’attrait de Satellite ne résiste vraiment pas aux secondes qui défilent. Les choses ne s’améliorent pas avec Heart Is A Beating Drum, qui n’a strictement aucun intérêt, étirant sa platitude délétère jusqu’à ce que mort s’ensuive. Que dire de Nail In My Coffin ? Pas grand chose, hélas, le titre a du mal à imprimer sa personnalité dans notre cerveau et on s’en lasse plus vite qu’une partie de bilboquet. Le pire est à venir, puisqu’il faut endurer l’atroce Wild Charms, pastiche du mauvais Lennon en solo qu’on n’écoute jamais. Heureusement que le tracklisting n’est pas trop mal fait, car ensuite une poignée de bons morceaux viennent nous sauver d’une mort certaine, jusqu’au banal Damned If She Do, pas désagréable mais d’une monotonie hallucinante.
Alors oui, rien n’est totalement raté ici, et l’on serait de mauvaise foi en refusant l’immédiateté accrocheuse des chansons des Kills. Pour autant, on peut douter de la solidité sur le long terme d’éloges presque unanimes à leur encontre. Les journalistes et amateurs qui attribuent tout de suite une chiée d’étoiles au disque l’écouteront-ils toujours dans un mois ? un an ? Pas sûr. D’autant que si beaucoup s’empressent de voir dans telle ou telle chanson un potentiel "tubesque", on peine en réalité à distinguer un véritable hit sur l’album. Les Kills en ont-ils d’ailleurs jamais composé un seul depuis leurs débuts ? A noter que Blood Pressures est aussi l’un des disques mixés les plus forts que je connaisse, avec Death Magnetic de Metallica et le dernier Puscifer. Revenons pour finir à notre comparaison avec les Black Keys. Comparaison n’est pas raison, mais une démarche comparative permet toutefois de voir à quel point le duo d’Akron a pris une dimension artistique autrement plus importante que les Kills. Car leur Brothers est supérieur en tout point à ce Blood Pressures : mélodies, soul, blues, voix, guitares, démarche, il n’y a pas photo. Même l’aspect soi-disant sexy des Kills, rabâché à longueur de chroniques ("on a très chaud", "mélodie mordante et sensuelle", "rage érotique", "Disque Cocotte-Minute, il retient une véritable tension sexuelle", etc.) fait pâle figure à côté du groove lascif et génial des Black Keys. Et "tension artérielle" comme titre, vous trouvez ça vraiment sexy ?
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