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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 9 septembre 2008
Paru le 12 septembre 2008 (Warner)
Après un St. Anger peu inspiré et réalisé dans une ambiance exécrable, la planète metal attendait avec impatience le nouvel opus de la plus grande formation du genre, communément appelée Metallica. Sentant le vent tourner et la révolte des fans gronder, le groupe a voulu balayer devant sa porte. Résultat, le fidèle béni oui-oui Bob Rock est lourdé de la production, laissant la place à Rick Rubin, et le projet artistique prend une toute autre une direction. Pour mieux repartir de zéro, James, Lars, Kirk et Robert ont tiré les enseignements des frustrations, tensions et angoisses que le documentaire Some Kind Of Monster avait mis à nu. En résumé, finie la composition à l’arrache dans le studio d’enregistrement, finies les velléités de démocratie participative à la con, fini le jeunisme à deux balles ("pas de solo, ça fait ringard !"), et surtout finis les The Unnamed Feeling, les Shoot Me Again, les Purify et autres Dirty Window, qui nous faisaient presque regretter Load et son hard rock sympathique. Si St. Anger, speed et virulent, devait nous prouver que Metallica en avait toujours (une putain de vengeance pour les fans hardcore qui n’avaient pas digéré Mama Said et Hero Of The Day... c’était de la country pour faggets, non ?), Death Magnetic devra se charger de nous montrer que les musiciens n’ont pas égaré leur talent dans un mini-van sur une route d’Europe ou d’Asie pendant le Wherever We May Roam Tour de 1993.
Or, le disque laisse dans un premier temps perplexe. Les mélodies sont certes moins immédiatement accrocheuses que celles de St. Anger - qui devenaient hélas vite lassantes, néanmoins elles s’avèrent beaucoup plus riches et pénétrantes. Certaines finissent d’ailleurs par creuser leur profond sillon dans l’esprit de l’auditeur, sans toujours le convaincre parfaitement. Il reste alors comme un goût d’inachevé sur les papilles, qui disparaît parfois au fil des écoutes. Une chose est sûre : à force de persévérance, le disque gagne méchamment en efficacité. Au rayon des bonnes nouvelles, Lars Ulrich a retrouvé un son de batterie correct et Kirk Hammett ses bons vieux solos (lesquels n’ont pas encore récupéré tout leur génie). Autre agréable surprise, la présence de l’instrumental Suicide & Redemption ravive en nous l’heureux souvenir des jours anciens, sans égaler pour autant The Call Of Ktulu ou Orion. Le disque s’inscrit malgré tout dans une relative continuité avec St. Anger, c’est-à-dire un metal très rapide et bourrin. Ici, pas de morceaux heavy aux tempos plus lents et amples, pas de For Whom The Bell Tolls ni de Harvester Of Sorrow. Dommage. Bien sûr, le groupe a pris soin d’insérer deux ballades au répertoire, à savoir The Day That Never Comes et The Unforgiven III. Et pour la première fois sans doute, Metallica chute sur un exercice dans lequel il a pourtant toujours brillé (cf. Fade To Black, One ou Nothing Else Matters). En effet, aucune de ces deux chansons ne parvient à se hisser au niveau de leurs prestigieuses aînées, malgré des similitudes évidentes entre One et The Day That Never Comes par exemple.
A l’heure où nous parlons, plusieurs excellents morceaux sortent du lot et forcent le respect comme That Was Just Your Life (notamment pour les petits motifs de guitare aigus avant et après le solo), le fabuleux The End Of The Line et son riff d’intro proche de celui trouvé par Tom Morello sur Bulls On Parade, Broken, Beat & Scarred, All Nightmare Long, Cyanide et Judas Kiss, soit plus de la moitié de l’album. De vraies et authentiques réussites fondées sur des parties de guitare agressives parfaites pour le headbanging. La voix de Hetfield ne parvient pas toujours à moduler de façon aussi intéressante que par le passé, mais reste puissante et concernée. Très clairement, le groupe a voulu retrouver l’esprit qui l’animait dans les années quatre-vingts, ce qui explique qu’on découvre ici ou là des références à d’anciennes chansons. Aussi le deuxième riff (après une minute) de The End Of The Line provient-il directement d’un break de Master Of Puppets. De même, l’intro de Judas Kiss ressemble à s’y méprendre à celle de Leper Messiah et Lars Ulrich martèle ses fûts sur My Apocalypse avec la même cadence que sur Damage Inc. (cette dernière semble aussi avoir inspiré All Nightmare Long). En réalité, Death Magnetic n’échappe pas à la terrible règle des albums de Metallica : il est taillé avant tout pour la scène et non pour l’écoute de salon. C’est pourquoi on se gardera bien de tout jugement définitif avant l’épreuve primordiale du live et le travail du temps.
Quant au grand pape de la production metal Rick Rubin, le moins qu’on puisse dire c’est que sa pierre n’apporte pas grand chose à l’édifice Metallica. Assez maladroitement, l’homme qui ressuscita Johnny Cash tente surtout de faire sonner les four horsemen à la manière de Slayer. Pas forcément une bonne idée. On aurait préféré un son crade et spontané à la Kill’em All, en plus travaillé. En soi, la qualité de l’enregistrement est irréprochable, mais il manque une plus-value d’invention au niveau du contenu. Une carence d’autant plus vive que la durée des chansons tourne en moyenne autour des sept minutes, ce qui contraint l’artiste à un véritable effort d’imagination. Bref, Death Magnetic n’est pas exempt de tout défaut, loin de là, mais il s’impose comme le meilleur album de Metallica depuis dix ans. D’ores et déjà disponible en téléchargement illégal à cause d’un magasin français qui le vend sous le manteau depuis début septembre, le disque a d’ailleurs reçu un accueil plutôt chaleureux de la part des fans. Interrogé au sujet du piratage sur une radio américaine, Lars Ulrich ne semblait pas perturbé par le phénomène, au contraire. Le signe d’une confiance en soi retrouvée ?
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