Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Antoine Verley le 9 novembre 2010
Paru le 5 juin 2003 (Elektra)
« On parle bien du même ? » Mais oui, oui, c’est la même pochette, le même nom d’album, et, semble-t-il, le même groupe. L’affaire réclame un rapide topo.
Contexte : 2003. On parle ici du plus grand groupe de metal de tous les temps, qui, après 4 albums dont la puissance inhumaine fédéra les aficionados du Brütal, divisa en 1991 avec un Black Album mollasson qui fut néanmoins gage d’un succès commercial sans précédent pour le groupe. Les fans, avec l’étonnant masochisme qu’on leur sait, pardonnèrent évidemment à ‘tallica la régression des hypotendus Load (1996) et Reload (1997), ainsi que la récré passéiste de Garage, Inc (1998). En 2001, Metallica franchit la ligne jaune en pondant cette horreur pour la, ahem, bande originale de Mission : Impossible 2 (où ils figurèrent aux côtés de Limp Bizkit. No comment). Nous revoilà en 2003. Le groupe entre en studio avec la ferme intention de rompre avec leur image durement acquise de brontosaures grabataires en privilégiant la puissance qui fit leur succès. Mal semble leur en avoir pris.
Si l’album est mauvais ? On aimerait que ce ne soit que ça : il est carrément raté. Un album de metal simplement mauvais, disons, d’Evanescence, est insupportable, indigeste, mais demeure fidèle à son idée d’un bout à l’autre. St Anger, en revanche, est un album égaré, mal composé (remplacez Jack Black et Kyle Gas par James et Kirk, vous aurez un aperçu du processus d’écriture de l’album), les notes se suivent sans souci de cohérence et la proverbiale puissance de Metallica tourne fatalement à vide. Quant aux tentatives mélodiques qui parcourent l’album, exercice auquel le groupe semblait rompu (au hasard : le solo d’Hetfield sur Master Of Puppets…), elles sont d’une froideur rarement égalée. Oui, parce que pour ne rien gâcher, le tout a été salopé par une prod ignoble : Ulrich semble alternativement martyriser des tôles ondulées ou des bongos, c’est dire si sa caisse claire est ici une des plus lamentables fautes de goût de l’histoire de la batterie. Rayon riffs, seul celui, sympatoche, de Dirty Window trotte encore dans la tête dix minutes après l’écoute, on osera avouer que c’est peu pour un groupe qui décochait des Blackened et des Dyers Eve quelques 15 ans auparavant. Les solos, eux… Tiens, quels solos, au fait ?
L’état de Metallica semblant définir la tendance générale du metal, est-ce une surprise si la production décennale du genre fut, à l’exception de quelques irréductibles (la surprenante scène sludge par exemple), prise d’assaut par ça et promue par des pisse-copies épiscopales (le genre qui parle de « métal », comme ça, avec un putain d’accent aigu !!!) ?
À présent, risquons un effort d’abstraction, et écoutons St Anger hors de son contexte, de la genèse de sa création, et faisons comme si il n’était pas conçu pour être un album de metal classique et n’avait pas entaîné cinq ans de ténèbres sur le monde. Il sonne, au fur et à mesure, plutôt effrayant. Et si la force de cet album résidait précisément dans ses défauts, la vacuité absolue de son écriture, son excessive froideur, l’aridité de ses mélodies ? Son atonalité n’est plus chiante mais bel et bien un moteur de l’ambiance quasi-industrielle n’offrant aucun répit à l’auditeur, aucun point d’accroche mélodique tangible. En écoutant St Anger (baffles à 11, of course), on est comme ballotté dans un ouragan métallique par sa violence gratuite et impitoyablement froide. Le riff de Frantic ne sonne alors plus comme une fiente des businessmen friscains en manque d’inspiration, mais chaque note est un clou planté dans un glacial cercueil de fonte sans espoir de retour. L’intro moisie de Some Kind Of Monster n’est plus une tentative ratée de nouveau Thing That Should Not Be, mais le grognement prédateur d’une sale bestiole embusquée… Bref, une pression constante, difficilement soutenable à l’oreille non exercée.
Evidemment, les membres de Metallica n’avaient sûrement pas cette idée en tête en franchissant les portes du studio, et nous n’apprécions donc l’album que pour ce qu’il n’est pas censé être. Mais qu’importe, après tout ; Metallica a, comme les Shaggs en leur temps, créé une œuvre d’art ouverte et vivante par accident.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |