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mercredi 15 avril 2015
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par Béatrice, Thibault le 26 mars 2011
paru le 21 mars 2011 (RCA)
« Le Retour du Rock est Mort 2 : Il Revient ? (La Revanche ?) (Ou la Résurrection ?) »
« I’m putting your patience to the test », chante Julian Casablancas après cinq ans de silence, alors qu’un avion vient de décoller et que les feux de signalisation du tarmac se sont mis à clignoter furieusement en vert, rose, turquoise et orange sur un rythme disco de folie. La basse éructe puissamment, ponctuant la performance des cinq crapauds en costard qui embrasent le dancefloor de l’aéroport de Bora Bora. Le Pasoa coule à flot, le Malibu Coco aussi, grosse ambiance. Les Strokes sont de retour, pour vous jouer un mauvais tour !
Les sauveurs messianiques vraiment trop cools du rock ont viré kitsch, fluo, boombox et lunettes de Kanye West, mais ne faites pas semblant d’être surpris. Les signes avant coureurs étaient nombreux, et Julian n’a jamais caché sa tendresse pour Billie Jean ; on ne reviendra pas sur son album solo, ni sur sa participation à The Lonely Island, mais on se repassera avec délectation l’intro Freddy Mercurienne de You Only Live Once, le beat gameboy de Between Love & Hate, la rencontre improbable entre les "expérimentations" hyperboliques à la Black Holes & Revelations et le flegme laconique de Lou Reed sur Ask Me Anything ou les tentatives hispanisantes new wave et le aaaall thaat iiiii doooo, iiiis waaaitiiiiiing fooooor yooouuuuuu de Julian sur Vision of Division (quel titre à la con). En chipotant un peu, mais c’est pas le genre de la maison, on rappellera qu’Electricityscape (mais quel titre à la con) avait un beat au charley trop disco pour ne pas être incongru et sonnait carrément Muse.
La rigueur impose de reconnaître que la classe monotone du reste compensait largement ces quelques incartades dans le territoire du WTF de goût douteux - mais le WTF de goût douteux était bien présent (y a qu’à voir les titres à la con). Mais après autant d’années au ralenti et dix de retenue chic, la soupape de la distinction a pété. Les Strokes sont des children of the 80s et, la trentaine entamée, se complaisent dans la régression. Ces gentils garçons à la rébellion étouffée dans les Converses, sans rien perdre de leur coolitude innée, éjaculent tous les plaisirs coupables accumulés et... c’est salissant. Mais c’est si bon !!!
La musique est à l’image de la pochette : criarde, moche, ringarde, mais carrée et géométrique et bien rangée. En dix titres, les Strokes mettent en branle deux décennies de kitsch, de trucs pas nets et de putasseries tout en conservant le look un peu ramonien et la nonchalance propre au rockeur nouille hors quai de l’Upper West Side. Mais qu’est-ce qui différencie nos lascars de tous les groupes à l’image branchée rock qui tapotent le synthé pouet pouet comme MGMT ? Ici, aucun doute possible, pas d’ironie ni de posture, les Strokes ont mouillé le maillot, bu de la Pina Colada jusqu’à en recracher de la Margarita par les narines, shaké du booty en Panama (toujours avec les lunettes de Kanye West) puis se sont mis en quatre pour restituer la richesse de leurs expériences.
Machu Picchu (encore un titre à la con) est à coup sur le Girls and Boys du troisième millénaire, Taken for a Fool invite Macca à donner de la voix sur un inédit de Green Day, Metabolism invoque l’esprit égaré du Muse des grands (?) jours, Two Kinds of Happiness (quel titre à la con, décidément) se paye un solo vocal de Bono à 2:00 précises et You’re So Right aurait dû être le dernier single de Radiohead si ceux-ci n’avaient pas été occupés à se prendre pour les héritiers de John Cage et de Charles Foster Kane. Jamais on a pris un tel plaisir à écouter les Strokes, qui pour une fois ne sont pas ternes. Il y a à boire et à manger : un bâillement d’orang-outan satisfait lors du pont de Machu Picchu, un solo mais.... pfffff !!! sur Under Cover of Darkness (...), des fausses notes, un morceau qui s’appelle Gratisfaction (... bis), une flute péruvienne et du vocoder dégoutant sur le climax Games, des paroles vraiment à chier mais on s’en fout, Casablancas n’articule pas, de la double guitare comme on en avait jamais entendu chez les Strokes, un WOHOHOHO sur Call Me Back qui évoque le meilleur des L5, la nonchalance en plus.
Sérieusement, c’est leur premier album où les chansons se distinguent les unes des autres même pour l’auditeur distrait ! Et peut être parce qu’ils ont enregistré séparément et pris en otage l’ingénieur du son, on entend qu’il y a plusieurs musiciens, dont un bassiste. Le sequencing est un monument de dadaïsme involontaire. Pour preuve, le passage du cri d’hystérie prolongé et étranglé qui conclue Meta-bolism à l’ambiance lounge avachie et imbibée de Life is Simple in the Moonlight (quel titre etc...), ponctuée par des interventions inopinées du boulet bourré casseur de coups et un épique solo jazz-fusion-de-canapé (oui, un solo jazz-fusion, chez les Strokes). Deux vacanciers sur le point de conclure se font de l’œil au clair de lune à Malibu, Casablancas roucoule une berceuse, puis Thom Yorke déboule et couine « don’t try to stop us, don’t try to stop us, don’t try to stop us, get out of the way !!! »
C’est n’importe quoi, c’est laid, c’est génial.
Nous sommes en 2011, Radiohead a fait un album tout pourri et les Strokes sont devenus GO au Club Med. Welcome to the new decade, honey.
« Quand j’écoute Machu Picchu, ça m’évoque la fête "Caraïbes" minable dans The Social Network... » NonooStar, who else ?
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