04 The Soft Moon - Circles by liar_avicenna

Un simple regard sur la pochette, minimale, géométrique, arty, suffit pour le comprendre : nous avons affaire à un hommage aux années 80 avec The Soft Moon, dont le nom évoque également le lyrisme désabusé du post-punk et de la new wave. En effet, le groupe du tout-puissant Luis Vasquez cherche à ressusciter cette période sombre et lumineuse à la fois, où, dans l’ombre de la triste variété internationale, des artistes singuliers projetaient quelques rais de lumière entre les interstices. Nommés Section 25, Cabaret Voltaire, Front 242, Neu ! ou Joy Division, ces groupes divers ont donné naissance à une tradition de musique de synthèse, dont les rythmes tribaux cachent mal les accents alors si modernes et électroniques qu’elle semble post-apocalyptique. Forcément, The Soft Moon, à l’instar des fabuleux A Place To Bury Strangers, est parfois accusé d’être un simple mais talentueux tribute band des eighties. Et pourtant, quel raccourci !

Certes, le futur vu par The Soft Moon, c’est déjà celui des années 80, celui de The Cure et de Killing Joke. Mais il y a tout de même ici de quoi prendre une claque, quand bien même on se contenterait de croire que The Soft Moon est le Pornography de l’an 2010. Quelques détails laissent penser qu’on ferait mieux de profiter de l’instant dans ce qu’il a d’unique. Pas de voix, ou presque, ne vient d’ailleurs entacher le moment, contrairement aux groupes références que nous avons cités. Chez The Soft Moon, le caractère répétitif des mélodies est aussi bien plus systématique, plus jusqu’au-boutiste que chez leurs aînés, et ce n’est pas un hasard si un excellent titre de leur dernier EP s’intitule Repetition.

C’est pourquoi le disque ressemble parfois davantage à un remix de Trent Reznor ou à certains titres d’acid house particulièrement hypnotiques et réussis. En tournant en rond à un taux de bpm qui frise la syncope, les morceaux de The Soft Moon rendent carrément dingues, dans le bon sens du terme. Presque pas de déchet, depuis Breathe The Fire jusqu’à Tiny Spiders, et quelques points d’orgue : l’étonnant Circles, au rythme marqué et martial, entre claquements de bottes et bruits industriels. Derrière tout cela, des cris inquiétants transpercent la nappe sonore qui berce de sa houle un tympan déjà conquis. Ce ne sont ni ces cris ni les crissements dissonants qui surviennent ensuite qui parviendront à réveiller le dormeur, bientôt assoupi dans un bien-être préfigurant l’extase.

L’instrumental suivant, Out Of Time, est sans doute le plus marqué par les influences eighties, cette guitare/basse qui vrombit, cette batterie robotique, ces échos, et même quelques sons suraigus rappelant les ondes Thérémine façon maison fantôme... La ballade suivante est moins intéressante, et il faut attendre Parallels pour retrouver un titre franchement envoûtant. Tout comme pour Breathe The Fire ou Circles, on peut se délecter du son froid et hypnotique de Parallels sans pour autant être un fin nostalgique du post-punk ni même un fanatique du genre. Il suffit d’aimer les expériences psychédéliques, dans le sens où la musique confine vite au trip sous acides jouissif. Mais sans acides. A cet instant du disque, l’auditeur est pris dans les mailles du filet, envasé jusqu’au coup, capturé par la toile de Luis Vasquez : We Are We est une tuerie, Sewer Sickness un torrent de brutalité, Tiny Spiders un tunnel sans fin dont on ne souhaite pas s’échapper.

Il y a aussi un aspect cinétique dans la musique de The Soft Moon, qui conviendrait parfaitement à des scènes d’angoisse ou d’action. En répétant un motif auquel il ajoute quelques éléments furtifs qui altèrent l’ensemble, Vasquez permet à l’auditeur d’imaginer un tourbillon d’images dans son esprit. Le résultat, c’est une musique qui impose à l’auditeur sa force et son rythme, mais lui laisse la possibilité de vagabonder comme dans un rêve. En 2011, The Soft Moon a sorti un EP, Total Decay, qui reste dans la lignée de son prédécesseur. Il faut surveiller de près la suite, car elle pourrait se révéler passionnante.