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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 30 janvier 2007
paru en 1980 (Korova Record)
Saluons tout d’abord le travail des producteurs de l’époque, comme ici Hugh Jones (Echo And The Bunnymen) qui (comme Chris Parry ou Martin Hannett) rendit grands, intenses et nouveaux bon nombre de sons de cette époque. Ce premier album de The Sound n’est pas épargné puisque son globe sonore est parfaitement mis au service de ces compositions à fleur de peau, instables, épineuses, presque rebutantes et faisant mine de leur échec à venir. Mais surtout : damnées, comme leur chanteur-compositeur.
Parce que sans avoir le pouvoir ou l’osmose sonore d’un Unknown Pleasure, le son de Jeopardy convoite la même lignée, le même charme, la même tension désenchantée. Il s’aiguise par des traits charbonneux, des coups d’épées salingues, des claviers trempés dans l’acide, des textes mirobolants d’affliction, de perdition comme de combats personnels. Adrian Borland n’est alors pas encore déclaré comme schizophrène, mais ses duels intérieurs se font déjà sentir dans sa musique rouillée, passablement battante, orpheline, irascible, sur le qui-vive. Can I learn to live with what’s trapped inside ? dit-il dans l’excellente I Can’t Escape Myself. Son timbre rappelle parfois celui de Ian McCulloch (qui lui même rappelle Bono) et ce n’est pas trop de dire que Borland y met toute son émotion fulminante. Profondément attaché à entretenir une texture garage, le groupe divulgue néanmoins ses touches nuancées de clavier comme des tâches de cyanure, apportant à la plupart de ces chansons abruptes et urgentes, une fragilité bancale, pour ne pas dire un rock boiteux. Missiles est représentative : le danger approche, il se fait désirer. Rarement un refrain n’aura eu la force, l’impact tragique de cette rage absolue, aux multiples émotions impératives. Situé au coeur de l’album, le morceau aboutit fatalement vers un chaos de lames de guitares mêlées aux insidieuses menaces du synthé toxique. Stupéfiant.
Le quatuor anglais publiera par la suite cinq autres albums pour se dissoudre en 1987, laissant Borland dans une profonde tristesse, continuant cependant la musique en solitaire. Encore un destin tragique pensez-vous ? Un vendredi d’avril 1999, le chanteur était en train d’enregistrer, au plus mal, mais passionnément, son dernier album solo (Harmony And Destruction), promettant de soigner ses psychoses après le peaufinage de ses précieuses sessions du lundi. Au lieu de ça, il se jeta sous un train. Ce qui n’a pas (encore) permis au groupe d’être encensé. Et puis de toutes façons, c’est trop tard. Borland, après avoir engendré ses cinq albums solo et ceux de The Sound, tous bourrés de sincérité à cran et pas moins d’intérêt artistique, aurait mérité l’aumône depuis bien longtemps.
Pourtant, dès Jeopardy, autant de désarroi que de volonté à ne pas croire en cette fin, pointait dans l’esprit du chanteur :
The seconds split so slowThe minutes I can’t kill (...)Try to find my placeSometimes I get so nearI journey aimless daysBut always end up hereLost in the white-out, I’m under the snowThe more I struggle, the further down I goHalf-dead, but I hope it’s not too lateTo take some action and CHANGE MY FATE.
Pour toutes ces choses, pour ces mélodies concises, ces sonorités sèches et sulfuriques, pour la personnalité sensible de son auteur, The Sound s’avère être un des groupes majeurs du post-punk. Parfois simplement punk (Heyday), les chansons ne flânent pas et s’envolent impunément, à la fois dynamitées et décadentes. À part peut-être la ballade nébuleuse Night Versus Day et l’étrange ou mystérieuse Unwritten Law aux dépressions latentes. La musique même de Jeopardy n’est pas vraiment mélancolique, elle est combattive. Et ses textes l’illustrent. Partout, des phrases appellent à se ressaisir (You’ve gotta believe in a heartland/ Resist ! Resist ! Resistance !/ We stab at our faith, to keep it alive/We will wait for desire).
Bien qu’obstiné, Jeopardy est un plaisir caché, cassable, vulnérable, et lorsque vient Desire en dernier lieu, on ne s’étonne pas de trouver un morceau de mélodie désorientée et peu convaincante, toute l’impasse de cet album juste un peu inégal mais plein d’un courage qu’on aurait bafoué. Une vigueur éreintée. Une sorte de désillusion imminente.
Vos commentaires
# Le 26 janvier 2014 à 22:49, par allobroge En réponse à : Jeopardy
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