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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 22 juillet 2008
paru en 1981 (Korova)
On connaît la chanson. On tombe sur le deuxième album d’un groupe londonien (on avait déjà aimé le premier) et on se dit que c’est pas mal, honnête. Qu’il y a des ingrédients post-punk qu’on connait déjà, mais que peut-être c’est un peu fade et pas suffisamment personnel. On remet le disque encore et encore... On fait connaissance de façon plus approfondie avec Adrian Borland, sa vie, sa musique, ses infortunes, ses textes. Et on avait tout faux. L’album est au contraire des plus introspectifs et Adrian Borland est un personnage-clé des débuts 80. Plus authentique que lui, c’est rare. Mais un artiste précieux, méconnu. Son œuvre contient des moments passionnants, d’autres bien moins, et d’autres encore qui auraient pu interpeler un public beaucoup plus large. On veut rendre hommage à The Sound.
« Here it comes, a new dark age ».
La musique de The Sound peut être comparée à celle d’un autre groupe oublié, les Comsat Angels. Elle est moins grandiloquente que celle des Chameleons, moins noire que celle de Joy Division, moins accessible que celle de U2 et peut-être moins désespérée que celle The Cure. Elle puise dans son époque, elle est comme un emblème qui réconcilie un peu tous ces groupes mythiques. C’est ce qui nous vient à l’écoute de la cold-wave de From The Lions Mouth. Un son propre à cette période, pas forcément immédiat, mais des chansons qui transcendent leur froideur pour aller vers nous.
Adrian ouvre ses plaies avec sa voix. Sa chaleur et ses éclats de voix tranchent avec la musique ultra sobre, linéaire, stricte et élégante de From The Lions Mouth. La raison d’un son si net s’appelle Hugh Jones. Producteur d’Echo And The Bunnymen et du joliment nommé Jeopardy (premier album de The Sound sorti un an auparavant), il décide ici de garder la substance, la matière première des compositions écorchées de From The Lions Mouth. Il met à nu, mais de façon radicale et sophistiquée. Il s’agit d’épurer chaque instrument, d’extirper leur pure précision, de leur donner un rôle, de l’espace et du sens. Aucun ajout. Juste un jeu de basse uni et prédominant (le squelette créé par Graham Bailey), ainsi qu’un rythme simple, une guitare sublime qui apparaît claire et sporadique. Et surtout, un synthé aux couches sous-jacentes qui diffusent tour à tour légèreté, angoisse, attente, peurs, monotonie, danger… Un franc détachement situé, entre le rêve et la réalité, entoure ces compositions d’une rare fluidité. Les parties de guitares tombent toujours à pic et celles du clavier sont indispensables. C’est Colvin « Max » Meyers qui s’en charge (il remplace le premier claviériste Bi Marshall). Et sa sensibilité rend le malaise latent de From The Lions Mouth intuitivement identifiable (Contact The Fact, Fatal Flaw ou encore Possession). Mais trop abstrait pour pouvoir vraiment le décrire. Ce serait de toutes façons un sacrilège trop impudique de le faire.
L’idéal cold-wave ? Cette « inquiétante étrangeté », c’est le Seventeen Seconds de The Sound ! On s’aperçoit d’ailleurs, à en croire les paroles de Borland, qu’il partage quelques faiblesses avec Robert Smith. La culpabilité (chez lui, la peur du jugement dernier sur Judgement), la question de la foi, la colère contenue, l’impuissance, la mort des sentiments ou leur emprise trop forte. Mais cet album n’a pas l’homogénéité, le génie ni le coté absolu du deuxième album des Cure. Simplement il joue sur des valeurs communes. Sur le vide qui en dit long. Et il est capable, dans une moindre mesure, d’emmener l’auditeur au delà des courants musicaux, en imposant des mélodies évidentes. Pour preuves, la très poignante Silent Air, ses lueurs d’espoir toutes confondues ou encore cette Judgement, rappelant un Desintegration [1] dans ses meilleurs moments, entrecoupée de montées simulant des questions vaines. Des ballades parmi les plus belles qu’il m’ait été donné d’entendre.
Cet album n’est pas parfait et à moins de s’immerger donc, il ne s’écoute pas n’importe quand, pouvant susciter quelques longueurs. Dans ce cas là, autant mettre directement les tubes post-punk aux guitares illuminées (Skeletons) ou distordues à la Gang Of Four (The Fire).
On retrouve la même volonté que dans Jeopardy : celle de surpasser ses failles, de les combattre, de s’en sortir. Possession illustre assez bien la difficulté que ça implique. Adrian, possédé, mais sans trop en faire, y décrit ses paradoxes intérieurs, et sa musique mime la guerre qui se prépare. Une guerre contre lui même.
There’s a devil in meTrying to show his faceThere’s a God in meWants to put me in my placeI’ve got to get a hold of myselfI’ve got to be in possessionThere’s a war being wagedThat’ll never be wonIt’s the struggle for possessionI’ve got to get a hold of myselfI’ve got to be in possessionAnd I’ve got to ask youWhat do you want from me ?
Musique menaçante, qui rumine. Ce n’est peut-être pas un hasard si la chanson se situe avant ce The Fire qui brandit ses guitares offensives. L’album en constante attente d’une libération s’achèvera de façon toujours plus conquérante, avec un refrain-crescendo hyper efficace et des guitares incisives.
Adrian Borland fait partie des songwriters intéressants parce qu’il a mis des parties de lui-même dans cet album. Quand il évoque la tristesse, elle est évidente. Quand la violence s’en mêle, elle n’est pas là pour combler. Heureusement, le label anglais Renascent a réédité la discographie de The Sound en 2002 (excepté Thunder Up, cinquième et dernier album), une biographie sur le chanteur a été publiée en Angleterre, et un tribute album est sorti en 2001, lui témoignant l’admiration qu’il mérite.
[1] 8ème album de The Cure
Vos commentaires
# Le 12 octobre 2011 à 12:13, par Tomcurren En réponse à : From The Lions Mouth
# Le 21 décembre 2011 à 23:25, par FrançoisD En réponse à : From The Lions Mouth
# Le 29 décembre 2011 à 02:26, par Oh ! Deborah En réponse à : From The Lions Mouth
# Le 26 janvier 2014 à 22:42, par allobroge En réponse à : From The Lions Mouth
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