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par Oh ! Deborah le 20 mars 2007
paru en 1980 (Fiction)
Après quelques virées à Londres et en Nouvelle-Zélande, en passant par les États-Unis, Billy Mackenzie revient dans sa ville d’origine, Dundee (Écosse), alors âgé de 18 ans et bien décidé à fonder un groupe. Il est chanteur de soul lorsqu’il rencontre Alan Rankine en 1977. Écumant les pubs d’Edimbourg le soir, et écrivant des chansons la nuit, ils composent tous les deux The Affectionate Punch sur le piano de Rankine, Mackenzie écrivant les textes.
Alan Rankine : "Nous étions à cette foutue tournée avec les Cure et les Passions mais nous n’avions aucun album de sorti, alors on s’est barré et on a dit à Fiction (qui avait déjà signé The Cure NdA) : vous nous prenez en studio ou alors vous allez vous faire foutre !". Les deux acolytes devenus inséparables, le groupe -sinon au nombre de quatre, parfois cinq, sur scène- se réduit à un duo en studio où ils travaillent cinq semaines. Rankine élaborant toute la musique et Mackenzie, le chant. Ils enregistrent d’abord une reprise de David Bowie (Boys Keep Swinging), sans demander les droits à l’artiste qui influencera The Associates, et ils invitent Robert Smith à faire des choeurs non identifiables sur la chanson A.
Le chant de Mackenzie affectionne Bowie dans ses graves et Russel Mael (des fabuleux Sparks) dans ses aigus. Finalement, ce sont les meilleurs chanteurs lyriques comme Morrissey, Bono ou encore Neil Hannon qui voueront une admiration sans limite à ce crooner triste de Mackenzie. Ceci grâce à sa manière innée et avant-gardiste de placer ses tonalités vocales inouïes avec une certaine sècheresse ainsi qu’ une retenue qui échappe peut-être à ces trois autres.
Le duo étant amateur de music-hall et de musiques en marge, il utilisera des ingrédients post-punk mais aussi glam, cabaret, et surtout il écrira des chansons pop singulières, un brin électronique, dont la production est ultra-moderne (merci Chris Parry, alors producteur de The Cure) laissant de l’espace entre les instruments du génial Rankine et de la sensualité envahir chaque note. Fine, froide et décharnée, l’instrumentation contient pourtant une dimension zelée d’un tragique sophistiqué qui accompagne les textes inintelligibles de Mackenzie. Entre la basse rauque et ascétique, la guitare souvent joviale, le rythme appuyé et la voix soit folâtre soit timide du chanteur, s’immiscent les subtilités du piano, des cordes et les insinuations d’un synthé grisé. Et lorsque ceux-ci ne nourissent pas simplement la rythmique, ils caractérisent l’ambiguïté de ce groupe tout compte fait énigmatique. Si certaines chansons ont un charme immédiat qui pourrait se résumer à une espèce de grande classe naturelle et personnifiée, qui ne devrait pas laisser indifférent un Jarvis Cocker, (The Affectionate Punch, Amused As Always, A Matter Of Gender, Even Dogs In The Wild) d’autres demandent un peu plus de temps pour être accessibles et d’autres encore, sont malheureusement plus faibles.
A Matter Of Gender évoque toutes formes de diableries totalitaires dans ses paroles tandis que Paper House et bien d’autres laissent entendre plusieurs thèmes. La confusion, l’intrigue, l’oubli, le mystère, l’abstraction. The Affectionate Punch, c’est un peu tout ça. Des choses difficilement explicables mais palpables derrière le théâtre sobre de ces chansons à la fois luxuriantes et austères, âpres et soignées. The Affectionate Punch est donc bien une frappe affectueuse. Attention ! Il existe une version remixée et réenregistrée (mais surtout ratée). À éviter. En revanche, la réédition sortie à l’occasion des 25 ans de ce premier album offre quatre excellents (et inquiétants) bonus (dont la reprise de Bowie).
Bientôt les associés allaient accueillir Mickael Dempsey (ex-membre de The Cure) à la basse, et pousser leurs chansons intelligentes dans un univers plus farfelu, coloré, synthétique et psyché, avec l’album Sulk, commercial selon l’opinion stupide de ceux qui auraient préféré que ce groupe déjà reclu et vite fait oublié, ne s’accomplisse pas dans ce qu’ils maîtrisent. Peu importe, les écossais laisseront derrière eux une œuvre originale et très influente. Et un jour, Rankine partira et Mackenzie sombrera en solo. Ce dernier, certainement désorienté par ses multiples abandons/retours musicaux, désarmé par le manque de succès mais surtout la mort de sa mère, se suicidera, en 1997.
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