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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 30 octobre 2007
paru en mai 2007 (Happyhome Records)
Joli packaging, pochette classieuse, texte et musique chiadés, qualité sonore parfaite, voilà à quoi peut ressembler une autoproduction aujourd’hui. My Concubine n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai, puisqu’il s’agit du troisième album du groupe. Un album de haute facture pour ce duo emmené par Eric Falce et Pascale Kendall, dont les voix s’entrelacent avec bonheur sur une série de onze titres globalement réussis. De la pop française chantée en français, avec le même plaisir de jouer sur les mots et les mélodies que, au hasard, Gainsbourg.
Gainsbourg, encore lui. On chercherait en vain dans l’hexagone un groupe de pop un peu tendance qui ne serait pas inspiré par le pygmalion de Jane Birkin. C’est comme si toute la production française n’avait plus d’imagination, comme si Gainsbourg était devenu l’horizon indépassable de notre paysage musical. Et s’il fallait faire un reproche aux Belles Manières de My Concubine, ce serait donc cet excès de révérence envers le grand manitou de la pop française. Car disons-le, en musique comme dans la vie : il faut tuer le père pour exister. Or, nous en sommes encore loin, Pascale Kendall et Eric Falce peinent à se défaire de l’ombre embarrassante du couple Bardot/Gainsbourg.
Un couple mythique dont ils parviennent malgré tout à ressusciter les suaves effluves. Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter Classe Tous Risques en ouverture de l’album, un morceau délicat porté par une guitare pop, un piano voluptueux et des synthés dansants (thé dansant ?). Un peu rétro mais pas trop. Toujours dans cette veine, Le Syndrome De Gilles, allusion à Gilles de la Tourette, parvient avec humour à rendre sexy une déclaration d’amour trash :
Oh I love you petite connasseYes I love you putain de garceOh I love you salope au topOh yes I love to love you jolie cochonne
Chacun se reconnaîtra dans cette déclaration d’amour-haine parfaitement hilarante à écouter. Plus satirique, Botox Et Lifting À Jamais est une autre réussite de l’album, qui ridiculise la course effrénée vers une jeunesse perdue au rythme de vers bien tournés, comme « Sans vider son corps sans aucun séjour à Louxor/Chacun voudra être momifié avant d’être mort ». Après une Retenue plutôt ennuyeuse, Les Belles Manières De Nadine renoue avec le cynisme amusé et la pop élégante des premiers titres. Ballade éthérée et admirable, Les Sales Eaux De La Seine affirme un style plus personnel et plus original que le Vilaines Marques qui suit, trop marqué new wave.
Prouvant la grande homogénéité du disque, les morceaux suivants, Refrain Des Vieux Cons, Sept Vies ou Je Suis D’ailleurs se fondent aisément dans le petit théâtre de la vie concocté par My Concubine. Chaque chanson possède une mélodie facile à retenir et des paroles dans cette lignée poétique et décalée du reste de l’album (voir par exemple les textes de Je Suis D’ailleurs qui reprennent des titres de nouvelles de HP Lovecraft). Pour cloturer le tout, l’épatant La Surface Des Choses porte aux nues les talents du groupe pour la composition et surtout l’écriture. Indéniablement, ces quelques lignes relève d’un art fin et subtil :
On a perdu ce petit airDe rien et qui encore hierNous préservait au fond des petites narcosesCe petit air qui nous faisait voirLe monde en blanc le monde en noirEt pour tout dire que la surface des choses
Ne manque plus désormais au duo que d’écrire un requiem pour Gainsbourg, afin de se débarrasser de son influence un peu trop prégnante sur leur musique. Quoi qu’il en soit, nous attendons la suite avec impatience.
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