Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Sylvain Golvet le 3 avril 2007
paru le 26 mars 2007 (V2)
La hype est tellement puissante aujourd’hui qu’elle guette n’importe quel groupe anglais à guitares. Difficile à eux de savoir s’en protéger, cela demande sûrement le double d”effort quand on a connu le succès avec son premier album. Les Rakes sont typiquement dans ce cas-là en ce début 2007. Deux optiques s’offraient à eux : s’en tenir à leur formule post-punk énergique, faite de récit quotidien ironique et de petites bombinettes tendues, ou se renouveler totalement en laissant de côté un genre balisé par moult groupes outre-manche. De fait, Ten New Messages se situe pile entre les deux mais pas forcement pour le meilleur.
Puis, on se dit que l’époque a eu raison des Rakes quand on apprend que le premier morceau de l’album est une commande d’Hedi Slimane, fournisseur officiel de jeunes gens « branchés mais rock’n’roll » pour la bande-son d’un de ses défilés. Heureusement, les Rakes ont gardé un minimum d’ironie salvatrice, visible dans le titre de la chanson The World Is A Mess But His Hair Was Perfect. Pourtant, la première écoute nous confirme les premières appréhensions : le groupe a laissé ses particularités au placard et rentre dans le rang. Au point que l’oreille a du mal à accrocher, et le bras appréhende à vouloir appuyer une seconde fois sur le bouton lecture. Mais bon, on l’a voulu, c’est à nous de chroniquer ce disque donc ne prenons pas ça par-dessus la jambe (d’autant qu’il faut être souple).
Les dix morceaux de l’album sont plus homogènes que Capture/Release, bien que la production ait été partagée quasi-équitablement entre Brendan Lynch (Paul Weller, Primal Scream, Asian Dub Foundation) et Jim Abbiss (Placebo, Suede, Unkle, Goldfrapp, Arctic Monkeys). Le son fait très britpop, très nineties, les couches de guitares sont compressées, les sons electros sont cheap mais tout ça sans mordant ni aspérités aucunes. Tout ça est plutôt froid et allié à des structures qui se sont simplifiées pour tomber assez systématiquement dans le refrain-couplet-refrain-pont-refrain. Cette recette a certes fait ses preuves, mais ne peut faire oublier les plus ouvertement novatrices T-Bone ou The Guilt du précédent opus. Au pire, les petites bombinettes punk auraient pû sauver l’affaire, mais rien de tel ici, faisant regretter leur reprise racée du Poinçonneur des Lilas. Au lieu de cela, un sympathique single orienté dancefloor We Dance Together, assez énergique et efficace il est vrai, en tout cas prêt à réitérer le succès d’Open Book.
Mais arrêtons les médisances deux secondes et penchons-nous sur les bons points de cet album car il en a. En effet, le groupe se révèle plus intéressant quand il laisse parler son bassiste et se repose sur une rythmique répétitive accentuée par le chant monotone d’Alan (On A Mission). Et quand le batteur est moins métronomiquement post-punk, cela lui permet de quadriller un morceau plus hargneux Down With Moonlight, avec ses agressions électroniques. Ou même un dernier morceau Leave The City And Come Home, lorgnant vers Pulp, mais à la retenue appréciable. Mais certaines prises de risques auraient méritées d’être plus parcimonieuses, sous peine de partir un peu dans tout les sens, en témoigne Suspicious Eyes, qui commence plutôt pas mal avec ses choeurs profonds, mais qui enchaîne malheureusement sur des couplets chantés par un jeune femme (passe encore) puis par un rappeur chassant sur les terres de Gorillaz (moins appréciable pour le coup).
Mais c’est toujours le même problème. Peut-on reprocher à un groupe de vouloir s’améliorer, s’affiner, chanter mieux bref de proposer autre chose ? Ou même de coller un peu plus à son environnement morose ? Certes non, mais c’est toujours dommage d’affadir son propos en se pliant au son de l’époque (qui est celui d’une autre finalement). On leur souhaiterait presque un échec salvateur qui les ferait se remettre en question et de se ressaisir loin des lumières des projecteurs qui se braqueront cette fois sur leur nouvelle coqueluche. On voit toujours mieux la lumière dans le dos plutôt que dans les yeux.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |