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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 9 mars 2010
Paru le 1er mars 2010 (Domino/Pias)
Dieu comme il est déconseillé en musique de trop attendre un disque ! Comment alors éviter une part de déception, une pointe d’agacement même : tout ce temps pour ça ? A chaque époque de trouble, de vaches maigres, de guerre, de dévastation, de crise économique ou de catastrophe naturelle, le bon peuple attend son sauveur. D’une certaine manière, le bon peuple du rock attend son sauveur depuis quelques années maintenant. Ne soyons pas chiches, un petit sauveur suffirait. Un humble inconnu, pourquoi pas ? les Archie Bronson Outfit en avaient le profil : un patronyme imprononçable, incompréhensible et impossible à retenir, un rock simple, efficace, brut, des mélodies presque pop dans un écrin garage et psyché. Une voix vibrante, hallucinée, qui chevrote un peu pour dire toute son urgence, des guitares dégueulasses mais pleines de verve et d’énergie. Ils viennent de Londres et nous ravissent tout au long de Fur, mais surtout Derdang Derdang sorti en 2006.
Aujourd’hui, le groupe vient de sortir son nouvel opus, Coconut, et force est de reconnaître qu’il ne comble pas tous les trous que l’espoir de beaux lendemains avait soigneusement creusé dans notre cœur. Heureux parti pris, les Archie Bronson Outfit ont souhaité avancer, se renouveler. Hélas, cette volonté ne fonctionne qu’à moitié tout au long d’un disque un peu monotone. La transe psychédélique qu’ils étaient parvenus à hisser vers des sommets sur leur précédent disque ne se retrouve que par endroits, sur quelques morceaux. Certes, les chansons réclament davantage d’attention que les anciennes, ce qui n’est pas pour déplaire au mélomane, cette façon de s’approprier sur un long terme ce qui se révèle peu à peu bien plus riche qu’il n’y paraissait. Voici donc un bon point. Mais les limites du disque se situe tout de même dans cette simplicité extrême des motifs mélodiques au profit de l’aspect répétitif de la musique et d’une production qui sature les guitares à l’excès et plombe la voix de Windett d’un effet perpétuel.
L’autre nouvel aspect de Coconut, c’est cette basse new wave ou post-punk qui agrémente une poignée de titres, notamment Shark’s Tooth, Hoola, Chunk... on entend parfois du Devo, du PiL, sur Coconut. Sans décevoir totalement, ce revirement fait pâlir l’étoile du groupe, qui brille désormais un peu moins sur des morceaux vaguement sympathiques, que ce soit Shark’s Tooth, Magnetic Warrior, Chunk ou Bite It & Believe It, voire ennuyeux et sans grand intérêt à l’image de Hunt You Down ou Run Gospel Singer (qui serait bien sans les effets lourdingues en tache de fond). Mais il existe quelques bonnes surprises : le dansant - enfin on se comprend - Hoola, dont le refrain joue sur des voix de femmes furtives comme des étoiles filantes. On apprécie encore la rage punk de Wild Strawberries, la frénésie bruitiste (Coconut est à n’en pas douter un disque bruitiste !) de You Have a Right to a Mountain Life / One Up on Yourself qui s’ouvre sur une cacophonie coconutienne assez jouissive, pour virer ensuite sur du garage lourd et agressif fort agréable. On retrouve alors le groupe génial qui nous avait tant fait chavirer avec Cherry Lips. Idem pour cet autre chef-d’œuvre qu’est Harness (Bliss), retour de sonorités et de riffs planants comme on les aime, sans les effets un peu trop marqués "tribaux" d’autres morceaux comme Magnetic Warrior.
Produit par Tim Goldsworthy, l’album porte donc la patte de celui qui a accompagné les LCD Soundsystem dans leur voyage post-punk. Nul doute que l’homme a pu influencer la direction originale dans laquelle se sont engagés les Archie Bronson Outfit, délaissant un peu l’efficacité garage de leurs débuts. Le résultat ne se déteste pas, mais ne se goûte que par instants. Lâchons le mot : dommage.
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