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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 23 juin 2009
paru le 18 mai 2009 (Tee Pee/Differ-ant)
Que dire de l’inquiétude qui nous frôle avant la sortie du cinquième album d’un a priori bon groupe actuel (quand il va jusque là... ratage potentiel dès le deuxième à vrai dire). Les déceptions deviennent routine. On ne voit pas pourquoi les Warlocks échapperaient à cette règle. D’autant que leurs albums défilent et on s’attend toujours à du Warlocks. Manifestement, Bobby Hecksher ne laisse aucune autre possibilité. Le mec fait strictement partie de ceux qui inlassablement se battent dans la même catégorie. Celle des collectionneurs, des maniaques, ou de ceux qui creusent leur propre sillon, qui ne changent pas d’un iota. Mais pas exactement comme Jacques Dutronc ou les Ramones. Comme un gros loser solitaire. Le premier n’est que solitaire et les seconds ne sont que beaux perdants (de leurs vivants). Bobby endosse les deux, et ne délimite son univers qu’à lui-même, son périmètre vital, ses disques adorés, le site des Warlocks. The Committee to Keep Music Evil. Tous les ans, un membre du groupe se barre, un autre revient. Et puis un jour, une mauvaise parenthèse de la vie d’Hecksher intervient pour l’enfoncer. Cambriolage, solitude, repli sur soi... Heavy Deavy Skull Lover semblait être la dernière cartouche grillée par le chanteur intoxiqué. Une spirale noire l’aspirait dans ses triangles sybilliques. Un album trop confus, dégurgité de façon terrassante et moins réfléchie ou soignée par rapport aux œuvres précédentes. Un album notable mais inégal, bout de vie et soif de mort au bord de la route arpentée par l’artiste hermite. A titre de comparaison, The Mirror Explodes est la route.
Une nouvelle bassiste, Jana Risher, intègre le groupe. Il ne reste plus qu’une seule batterie mais trois guitares refont surface, tenues par Bobby, JC Rees (enfin revenu !) et un nouveau, Ryan McBride. Depuis Surgery (2005), les Warlocks ne font plus vraiment de singles, n’espérant plus. En plus, le groupe est passé de Mute à Tee Pee Records depuis l’album précédent. C’est un fait flagrant que Bobby Hecksher fait comme il l’entend, sans compromis. Peu importe si ça sonne trop machin ou que ça évoque trop bidule. Il le fait, au croisement de la passion et du désenchantement. Alors, même si ses préférences vont vers des sphères maintes fois exploitées, ou vers des sentiments visiblement démodés, faut vivre avec, et surtout en extraire le meilleur. Pas évident de persister dans le genre chansons plombantes et dark-psychédéliques. Trois accords répétés infiniment dans le Miroir des âmes absorbées, dansant autour des flammes de l’obscurité. Les Warlocks sortent leur album le plus abouti et cohérent depuis Phoenix. Nettement plus atmosphérique, il se dirige vers des contrées shoegaze où le coté purement expérimental devient secondaire face à la précision mélodique sous-jacente. Où la matière ultra-répétitive prend la forme d’un cylindre écliptique empli à la fois de lignes droites et de guitares tout en filigranes incandescents. Et si l’inventivité des Warlocks laisse à désirer, ils viennent de composer un album dont l’écoute provoque une fuite vers une évasion pyramidale, à la fois taciturne et universelle, en espérant que ce soit un aller-simple.
L’album le plus rond, le plus hypnotique des Warlocks. Rarement un son aura été plus dense, servant de base pesante à de sempiternelles hélices qui suivent leurs trajectoires comme des satellites, sans avoir le besoin de recourir aux éternels chaos noisy finaux qui limitaient certaines chansons des Warlocks. Moins de bruit blanc, plus de maîtrise. Superbement produit, chaque élément est parfaitement distinct, surtout les liserés tièdes et brasillants exercés par les effets de JC Rees. Comme au temps de Phoenix, sans toutefois atteindre son niveau de créativité guitaristique. On sait que Bobby se dit chanteur "par défaut", sa voix est ici clairsemée, soit grave, soit enfouie sous les couches de reverbs, leur donnant une couleur assez fascinante. The Mirror Explodes tourne au ralenti, sa rythmique mime une certaine indolence et ses mélodies des perditions assez ostensibles (Standing Between the Lovers of Hell), une mélancolie noire qui n’est plus d’actualité (You Make Me Wait), plutôt romantique, assez lasse, mais moins étouffante que sur Heavy Deavy Skull Lover. Au cœur de l’album, une complainte velvetienne magnifique (There Is a Formula to Your Despair), rappelant notamment Mazzy Star avec ses notes d’une guitare diaprée sur fond de toms étouffés. Les quelques arrangements sont feutrés et délectables, la mélodie est indélébile. Un classique de la lovesong dont il est toujours criminel de se priver. Et puis il y a la meilleure plage atmosphérique du disque (You Make Me Wait), qui, foisonnante et irradiante, ensorcèle de par ses premiers accords nocturnes, ses mouvements et aspirations flegmatiques. Plus rythmé, Frequency Meltdown, ses notes séraphiques et sa basse ondulante rappellent les plus beaux crescendos de Surgery. The Mirror Explodes s’écoute comme un ensemble de chimères côtoyant parfois des tréfonds nébuleux d’une sombreur luminescente. La musique tourne, on s’abandonne. Les reflets se dédoublent, les miroirs se confondent. Si de nombreux groupes s’essaient aux longueurs psychédéliques, peu parviennent à maintenir l’amateur dans cet état de non-attente et d’apesanteur, l’amplitude de The Mirror Explodes se suffisant à elle-même, en tant que simples traversées miroitantes et réduites à l’essentiel émotionnel.
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