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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 18 avril 2006
paru le 14 juillet 2003 (Mute Records)
The Warlocks devait être le nom du groupe de Lou Reed si Andy Warhol ne l’avait pas changé en Velvet Underground. On ne cachera donc pas l’influence que ces derniers suscitent sur le groupe ici présent. Mais à l’écoute de Phoenix, de ses guitares aux sons âpres, notamment l’effet wawa sur-électrifié, on se dit que c’est plutôt le premier Stooges que les Warlocks ont écouter religieusement.
Même s’ils se complaisent de vivre dans un passé salement psychédélique, les Warlocks ont pour eux bien plus que des références. Et malgré la tendance actuelle au rock passéiste, le groupe n’a pas vraiment de place dans le cœur de la masse revival, sans doute parce qu’ils n’ont ni la fougue, ni l’enthousiasme requis. En revanche, ils ont beaucoup de personnalité et on peut dire (si le terme est encore possible) que les Warlocks sont marginaux. Certains membres cultivent leur plaisir des sonorités bariolées et autres soirées funestes depuis bon nombre d’années, notamment en compagnie des Brian Jonestown Massacre. Si ceux-ci sont reconnus grâce au film Dig ! et à sa nouvelle légende égocentrique, Anton Newcombe, les Warlocks, eux, restent encore sur le chemin d’un destin fragile et désabusé, guidé par Bobby Hecksher, chanteur complexe et complexé. Pourtant, parmi cette scène californienne, il semblerait que la musique des Warlocks soit la plus intéressante.
Avec Phoenix, le groupe va jusqu’au bout de ce que l’on peut faire avec peu d’accords mais beaucoup d’imagination pour un psychédélisme noir, fuligineux et obsédant. Si les premières écoutes peuvent détacher l’auditeur de cet afflux sonore rugueux et parfois saturé, leur musique, réputée pour être imbibée de substances illicites, devient vite elle-même une grosse drogue en puissance. Impossible de se démêler de ces touches lumineuses troublées par une canicule de vapeurs moites et de fuzz grinçants, admirablement produits pour ne pas ternir les envolées limpides. Impossible de s’échapper de ce marasme à la sécheresse ambrée dégageant de fines et superbes mélodies envoûtantes. Impossible d’oublier cette voix elle aussi à mi-chemin entre douce et nasillarde.
Ici, l’alchimie s’opère à sept. Deux batteries, trois guitares, une basse et un orgue omniprésent. Hormis le fait que les batteries exercent un jeu identique, aucun instrument n’est moins harmonieux et perceptible qu’un autre. Les chansons sont d’une cohérence atmosphérique étonnante et s’il ne fallait en retenir qu’une sous la torture, ce serait peut-être Cosmic Letdown, concentrant en elle tout ce que les Warlocks ont de plus sorcier, lourd et hypnotique. Malgré son aspect halluciné, le groupe ne pratique pas son art avec béatitude. Phoenix a des couteaux orangés sur sa pochette. Il tranche entre plaisir planant et guitares tonitruantes. Jubilation montante anéantie par un espoir dégringolant. Même des tubes purement rock’n’roll comme Shake The Dope Out donnent envie de tout abandonner, de s’affaler et simplement d’écouter.
Phoenix s’impose comme un album culte du rock psychédélique. Il transcende le genre grâce à ses ambiances mutantes, soigneusement sales, cloîtrées, volets fermés, brisant leur soleil californien dont les aiguilles parviennent encore à s’immiscer. Phoenix porte son nom comme les sept créatures élèvent devant elles de grands flambeaux noirs, aux flammes meurtries. Un triomphe vain.
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