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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 17 août 2010
sorti le 5 octobre 1993 (Capitol Records)
On dirait que pour compenser ses jours de trop lourde luminosité solaire, la Californie exporte parfois des mots d’une étrange obscurité, mêlés d’ambiances intimistes et lancinantes. Bien sûr, la chaleur enivrante de leur quotidien ne peut être dissimulée. Elle engendre même des mélodies dont les grosses vapeurs s’échappent du vide glacial séparant chaque instrument de Mazzy Star.
Un duo : Hope Sandoval dont la voix littéralement hantée se pose délicatement sur les ballades folk comme elle se noie dans les effets psychés signés David Roback. Les autres musiciens alternent selon l’humeur et le concert. L’influence des Jesus And Mary Chain est vaguement remarquable, notre chanteuse d’une langueur et d’une senualité innées ayant participé au cinquième album de ces derniers ensorceleurs. D’ailleurs, elle vit avec William Reid. Ajoutez à cela quelques pincées d’orgue et un tambourin aussi présent qu’une caisse claire, et vous obtenez encore une formation psyché dark de plus. Oui, mais justement, ces groupes ont une fâcheuse tendance à se fondre dans l’anonymat et Mazzy Star fût un des plus doués. En plus, So Tonight That I Might See est sans conteste un des cinq meilleurs albums des années 90.
Absolument tous les morceaux ici sont d’une beauté lénifiante à la lenteur extrême jamais ennuyeuse. Au contraire, c’est plutôt l’ultime particularité de ces américains, leur obsession à s’immerger totalement dans un rythme linéaire et obsédant, de suivre un cheminement clair, intacte, lorsqu’il n’est pas barbouillé de brume bleutée, leur victoire d’arriver là où d’autres peuvent nous user sans pitié. Mazzy Star écrit en 1993 une dizaine de slows intoxiqués comme on rêvait d’en entendre depuis longtemps. Classe, nonchalance et romantisme sans manières, impression d’un espace comblé par des fragments sonores lointains et presque mystiques. Un plaisir lascif qui s’échappe de cette maussaderie naturelle toujours complaisante mais jamais maladive.
On succombe face à cette guitare torturée remuant sa noise en second plan, dans un profond mystère, séparée de tout (Mary Of Silence), ou face à ce blues morne, massif, puis déstructuré (Wasted). Partout, la batterie claque dans le vide, le chant est flegmatique au possible, comme perdu au milieu de nul part, et ses échos mirifiques, comme flottants, sont à tomber par terre. L’œuvre se termine sur un des plus beaux hommages aux Velvet. Du grand minimalisme envoûtant.
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