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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 17 janvier 2006
sorti le 2 janvier 2006 (RCA / Sony BMG)
On n’appréhende pas un disque des Strokes comme n’importe lequel de ceux que les dizaines de groupes en “The” nous proposent chaque mois. Parce que c’est par eux que tout est arrivé, si l’on peut dire. Dans les brumes d’un buz bigger than everything, émergent au début des années 2000 cinq gosses de riches sapés comme des princes du rock, Converses aux pieds, pile assez négligés pour faire peur aux vieilles dames, mais largement assez classes pour faire saliver d’envie n’importe quel ado féru de cool-attitude. Plus grave : les fumiers arrivent direct avec de très bonnes chansons, et ce, s’il vous plait, avec des guitares et une basse et une batterie. Oui, comme "avant", dans les règles de l’art du rock. Dès lors, le déluge. Chaque rock critic qui se respecte mise tout sur eux... avant de tout reprendre en se disant que non, quand même, tout ça ne pouvait être qu’une arnaque, un bref instant de grâce dans la pure tradition des one-shot et puis s’en va ou puis s’embourbe. "Comme à chaque nouveau groupe, quoi", direz-vous en haussant les épaules. Oui, c’est un peu vrai, mais subsiste un "mais". Le successeur de Is This It, Room On Fire, est très bon aussi et, comme on ne crache pas sur un amour passé, on ne brûle pas les Strokes. Et on n’ose pas écrire avec quelle impatience on attend ce troisième album, et à quel point on l’aime déjà. Parce qu’on les aime encore.
Et tout de suite, dès les premières secondes, des sueurs : "Oh, mon Dieu, ils ont repris I Want To Break Free de Queen !" Frayeur de courte durée, on se calme, c’était juste l’intro de You Only Live Once, et on est immédiatement rassurés. Que dire d’autre que ce que l’on a déjà pu lire partout ? Oui, le son a grossi, oui, la voix de Julian Casablancas est à présent mise à nu, et bien en avant. C’est que les Strokes sont en train de devenir gros. Face à ce genre de truc, fatal à Dieu sait combien de groupes, deux attitudes possibles : se replier et s’enfermer dans ce que l’on croit être "son style", ou bien assumer et se laisser grandir. Après avoir douloureusement opté pour la première solution sur Room On Fire, la deuxième prévaut sur ce nouvel essai. C’était palpable dès le single : Juicebox, s’il est un état des lieux plutôt acerbe des implications de leur nouveau statut, lorgne vers le métal FM dans ce qu’il a de plus séducteur. Les premières notes de Heart In A Cage sont de la même veine. La musique des New-Yorkais semble dépoussiérée, plus claire. On prend alors mieux la mesure de ce que chacun des membres apporte à l’ensemble. Moretti remplit un espace que Valensi illumine avec une parcimonie redoutablement efficace. La section rythmique sort évidemment elle aussi gagnante de ces nouveaux choix en terme de production. Et Julian d’accepter enfin qu’il est la star du groupe, en même temps que son moteur. Cette façon si particulière qu’il a de chanter comme s’il se foutait de son propos, comme s’il était si crevé qu’il pouvait tomber dans le coma à chaque instant, et cette manie de hurler soudain comme s’il venait de se rendre compte qu’il fallait en mettre un coup, avec cette diction de saoûlard postillonneur. Il porte d’ailleurs à lui seul l’étrange et expérimental Ask Me Anything, aux violons samplés, de sa voix de Lou Reed rajeuni. Les Strokes ont réussi l’exploit de devenir accessibles aux grandes masses sans pour autant se défroquer. Electricityscape risque d’empêcher Muse et consort de dormir un bon moment et a le potentiel pour déplacer des stades. Une chanson belle et pop. Fear Of Sleep est celle que U2 a échoué à composer pour How To Dismantle An Atomic Bomb. De même, on peut penser à Blondie sur On The Other Side. Il n’est plus question de renier un éventuel succès populaire en saccageant ce que l’on sait faire de beau et de pur, juste pour rester avec les minorités cool et bien pensantes. Et si celui-ci arrive avec le déchirant Ize Of The World, ce sera tant mieux pour nous et tanpis pour l’underground. Pour les grincheux nostalgiques, les Strokes montrent qu’ils sont encore capables de composer Red Light et 15 Minutes.
Et de trois, donc, dans la discographie des New-Yorkais. Dans le lot, pas un déchet. Et surtout pas celui-là. Un nouveau son pour un nouveau groupe, quasiment, et les Strokes de prouver que sur le même terrain, ils valent bien un Franz Ferdinand et enfoncent les autres. Ceux qui se sont engouffrés dans leur hype à eux pour finalement en ramasser plus que quelques miettes. S’il était temps que l’un de ces groupes montre vraiment qui est le boss, autant que ce soit celui qui a craqué la première allumette au dessus du baril de poudre.
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