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Rubber Factory

Rubber Factory

The Black Keys

par Thibault le 16 décembre 2008

4

paru le 7 septembre 2004 (Fat Possum)

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A première vue, les Black Keys ne sont pas particulièrement excitants. Un duo guitare / batterie en provenance d’un bled du fin fond de l’Ohio, et répertorié à la case « blues-rock-garage-indie-roots-minimaliste », cela présage de disques sympathiques mais de rien de transcendant. Leur premier album The Big Come Up (2002) va dans ce sens ; du rock sale, spontané, pas génial mais agréable, très fortement influencé par les Stooges et le vieux blues. Pourtant, avec l’album suivant Thickfreakness on sent que les Black Keys en ont sous la semelle. Bien qu’encore peu dégrossi, leur second opus montre plus d’ambition, de travail. Les morceaux s’allongent, les parties de guitare se complexifient, le son reste encore un peu brouillon mais le groupe est sur la bonne voie. Et c’est logiquement avec leur troisième album que Daniel Auerbach (chant et guitare) et Patrick Carney (batterie) ont pu montrer la véritable étendue de leur talent. Rubber Factory, sorti il y a un peu plus de quatre ans, reste une très belle réussite, l’album qui a révélé les Black Keys à un public plus large, tout en leur donnant une stature de vrais compositeurs avec un style propre.

Rubber Factory s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs, toujours enregistré et mixé avec du matériel rudimentaire dans le garage de répétition, par les soins de Patrick Carney. De fait, l’album sonne très live, mais il ne manque pas pour autant de richesse. Les Keys ont pris leur temps, et réussissent à concilier recherche sonore et esprit garage. Concises et sans fioritures, leurs chansons sont néanmoins touffues ; Dan Auerbach sort différents sons de sa guitare, toujours dans des teintes fuzzy, mais avec suffisamment de nuances pour ne jamais lasser ni tourner en rond. Il n’hésite pas à rajouter des overdubs pour donner plus de profondeur au son, comme sur Girl Is On My Mind ou le single 10 A.M. Automatic où se répondent et se suivent plusieurs riffs rauques, mais tous différents, avant de finir le titre sur un solo saturé simplissime et ultra efficace. Sur Aeroplane Blues il fait jaillir des scories de notes tordues dans un final crépitant. Ici et là ce sont des motifs de slide guitar, comme deux solos dévastateurs sur l’excellent Just Couldn’t Tie Me Down ou de longs tirés sur la ballade The Lenghts. A la batterie Patrick Carney n’est pas en reste, il développe un jeu percutant et varié, où se succèdent frappe proprement écrasante (When The Lights Go Out, qui évoque assez John Bonham), fracas de cymbales et de caisse claire (les remuants Grown So Ugly et Aeroplane Blues) et rythmes vaudous (Just Couldn’t Tie Me Down, Stack Shot Billy). C’est cet équilibre entre la lancinance, le côté hypnotique du blues et le punch plus mordant du rock qui est le socle de Rubber Factory.

Mais les petites touches qui font la différence, ce sont ces influences pop et soul que l’on retrouve tout le long de l’album. Les Keys font d’ailleurs une reprise d’Act Nice and Gentle des Kinks. Cette influence se retrouve surtout dans le chant de Dan Auerbach, qui donne une autre dimension à des textes blues assez simples et classiques. Sa voix fiévreuse et ses mélodies entêtantes donnent du corps à des paroles qui seraient sans saveur dans la bouche du premier péquin venu. La maîtrise de son phrasé et de son souffle sur The Desperate Man ou All Hands Against His Own est assez épatante et montre bien les qualités d’interprète du guitariste barbu. Il faut aussi reconnaître qu’il ne manie pas mal la plume, signant une très bonne chanson outlaw, avec un Stack Shot Billy qui évoque beaucoup Johnny Cash.

Stack Lee had himself an evil brain
Loved his gun and his sweet cocaine
But Stack got quiet when the shadows fell
Knew soon enough that he’d burn in hell

Et on ne peut qu’apprécier le texte de 10 A.M. Automatic, excellente description des lendemains de fête et des nuits glauques, une fois passé le flot éthylique bas du front.

What about the night makes you change
Oh from sweet to deranged
What about my voice tells you
Who’s been wrong to you ?
 
You’ve got pains
Like an addict
I’m leaving you
You’ve got pains
Like an addict
10 A.M. automatic

Au final, Rubber Factory s’avère être un excellent disque, plus riche qu’il en a l’air au premier abord, qui tient parfaitement le fil du temps alors que les précédents volets de l’œuvre des Black Keys pouvaient lasser. Il est le premier petit coup de chef d’une série de trois très bons albums avec ses successeurs Magic Potion (un poil plus rock que blues) et Attack & Release, l’une des très bonnes surprises de l’année 2008. Dan Auerbach devrait sortir un album solo décrit comme un mélange de « soul, country et de psychédélisme » dans le début de l’année 2009. A la vue de ses dernières productions et de son talent, on peut espérer d’excellentes choses.



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Tracklisting :
 
1. When the Lights Go Out (3’23")
2. 10 A.M. Automatic (2’59")
3. Just Couldn’t Tie Me Down (2’57")
4. All Hands Against His Own (3’16")
5. The Desperate Man (3’54")
6. Girl Is on My Mind (3’28")
7. The Lengths (4’54")
8. Grown So Ugly (2’27")
9. Stack Shot Billy (3’21")
10. Act Nice and Gentle (2’41")
11. Aeroplane Blues (2’50")
12. Keep Me (2’52")
13. Till I Get My Way (2’31")
 
Durée totale : 41’43"