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par Emmanuel Chirache le 1er février 2011
Paru en décembre 2010 (Born Bad)
Rédiger une chronique sur un groupe qui s’appelle Cheveu est une véritable torture pour tout amateur de calembours. C’est un peu comme si on vous donnait les clés du magasin de vos rêves avec une carte de crédit illimité. Mais non, c’est trop facile, et il est décidé qu’aucun jeu de mots sur le nom du groupe ne sera écrit jusqu’à la fin de cet article. C’est barbant, mais c’est ainsi. Que dire de Cheveu ? Hé bien ce n’est pas votre groupe du dimanche soir que vous allez écouter avec votre copine, lovés sur le canapé. A priori, Cheveu est plutôt taillé pour une bonne cave de keupons qui suent la bière et sautent sur place. Et pourtant, ce trio français, des Bordelais venu à Paris semble-t-il, montre aussi une facette arty pour causes de bricolages électro signés Olivier Demeaux et de citations garage noise qui en agaceraient plus d’un. Pourtant, le projet est suffisamment fort pour dépasser ces histoires d’étiquette (du "garage lo-fi" nous apprend Libé, tandis que Télérama opterait davantage pour le "shitgaze").
Car Cheveu interpelle, c’est certain. Un son dégueulasse mais bien produit, des boîtes à rythmes à la Béruriers Noirs et Métal Urbain, une voix trafiquée entêtante et une poignée de cordes arrangées par la musicienne d’avant-garde Maya Dunietz (cf. le génial Quattro Stagioni), très vite une identité se met en place. Sous les dehors étranges et perturbants du disque, on trouve en réalité des guitares bluesy cradingues délectables, entre Captain Beefheart et Archie Bronson Outfit, qui ancrent le groupe dans la tradition des francs-tireurs du rock. Le Captain n’est pas cité gratuitement, il suffit d’écouter l’excellent The Show ! pour constater qu’il a dû influencer non seulement le guitariste Etienne Nicolas, mais aussi le chanteur David Lemoine. Si la musique du groupe se veut très répétitive et un brin industrielle, son charme organique est quant à lui bien réel, capable d’illuminer des quasi tubes tels que le superbe No Birds et ses violons, l’inquiétant et lancinant Like A Deer In The Headlights, le très réussi My First Song (qui rappelle fortement le dernier ABO, Coconut), et enfin Bonne nuit chéri, longue rêverie orientale parfaite pour clôturer l’album.
Parmi les titres les plus notables, il faut citer aussi les violents Charlie Sheen et Impossible Is Not French, beaucoup plus proches de l’esprit punk que garage. Il y a également plusieurs grosses déconnades, comme Ice Ice Baby, sorte de reprise déjantée du hit de Vanilla Ice, et l’admirable La fin au début, qui ressemble à une comptine pour enfants cauchemardesque, ou au bruit que ferait une machine démoniaque prête à vous démembrer. Superbe. Mais le meilleur morceau demeure l’ouverture de Mille, ce Quattro Stagioni hallucinant, chanson non identifiée, mélange de rock dansant et de musique de films, chef-d’œuvre total qu’il ne faut pas manquer d’écouter ! Quand on pense que certains cherchent encore les successeurs de Noir Désir... alors que sous leurs yeux des Français bousculent le rock et ses dérivés, qu’ils réinventent au fond d’un creuset aussi varié que fertile. Avec sa pochette délirante - collage magnifique d’étiquettes promotionnelles !, Mille impose une personnalité originale dans le petit monde du rock hexagonal voire au-delà, transe répétitive et bruitiste qui doit autant sa marque à Captain Beefheart, nous l’avons dit, qu’au Krautrock. Mieux encore, les Cheveu font des extensions (j’ai craqué) : ils accompagnent leur univers de vidéos léchées dont on ne se lasse pas, à l’image de ce clip tourné avec la collaboration de l’équipe du film Robert Mitchum is dead. Personnellement, je danse désormais exclusivement comme les personnages autour de 1’30"...
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