Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Thibault le 9 décembre 2008
paru le 27 juillet 1979 (Atlantic Records)
Pour un groupe de hard-rock, la conquête du monde se fait très souvent selon deux stratégies, héritées des deux grandes formations du début des seventies, Led Zeppelin et Deep Purple. Première voie d’accès au trône : une ballade-plus-soft-que-le-reste-mais-avec-un-solo-qui-fait-mal, pour réconcilier grand public et fans obtus (Stairway To Heaven, ou les horreurs Still Loving You, November Rain, etc.) Second chemin : un riff ultime, qui deviendra un classique pour les apprentis guitaristes (Smoke on the Water). Dans les deux cas le guitariste est roi, il dévore souvent l’espace au détriment de ses petits camarades. On serait tenté de mettre AC/DC dans la seconde catégorie, les vedettes restant les frères Young, Angus (guitar hero monté sur ressort) et Malcolm (riffeur inlassable), leur morceau emblématique Highway To Hell un cas d’école du gratteux en herbe, blablabla. Seulement, lorsqu’on s’y penche de plus près, on se rend compte que cela est très réducteur. Bien sûr, AC/DC est une machine à riffs sensationnels, mais lorsqu’on écoute Highway to Hell, le titre, puis l’album, on entend qu’AC/DC est un groupe à chansons. Ce qui est très rare dans le petit monde hardos, et mérite donc quelques explications.
Il faut d’abord s’entendre sur chanson et morceau. On pourrait spéculer pendant des heures, analyser, s’arracher les cheveux pour sortir une théorie valable deux minutes avant de la jeter à la poubelle aussi sec. Pour s’épargner un tel débat, rien ne vaut un bon exemple. Les Beatles font des chansons, ils recherchent la mélodie, les arrangements, n’utilisent pas leurs instruments comme le feraient les Pink Floyd. Qui eux font des morceaux, ambitieux, aux structures complexes, avec breaks, solos, envolées, variations de vitesse... Deep Purple, nourri d’influences classiques (Bach notamment) fait des morceaux, tout comme Led Zeppelin dont la musique largement empreinte de sonorités arabisantes et celtiques est ponctuée de breaks catapultes, de changements d’ambiances, d’introductions, etc. On ne saurait en dire autant d’AC/DC. Il suffit de comparer Girls Got The Rhythm avec Highway Star, Kashmir ou Dazed and Confused pour voir la différence. AC/DC est à la recherche du riff non pas pour lui-même, parce que ça sonne bien et qu’en superposant les autres instruments on peut arriver à un bon morceau, mais utilise ces riffs pour faire des chansons. Les guitares rugissent mais ne vampirisent pas l’espace, et elles ne sont pas un vague support pour une ligne de chant quelconque. Highway To Hell est un album rythmé et structuré par les guitares et le chant. La voix de Bon Scott est très en avant et impose la dynamique du morceau, les guitares servent davantage à souligner ses intonations, se plaçant parfois en retrait (écoutez pour vous en convaincre les démentiels Touch Too Much et Night Prowler), plutôt qu’à cracher du riff frénétiquement. Bien sûr, cela reste du hard-rock, les mélodies chantées ne sont ni d’une grande complexité ni d’une grande richesse. Mais elles sont toutes redoutables, d’une efficacité incroyable.
Ce qui est une petite évolution dans le style des Australiens. Évidemment, on pourra nous objecter que rien ne ressemble plus à un titre d’AC/DC qu’un autre titre d’AC/DC. C’est en grande partie vraie, mais il y a cependant des nuances significatives entre leurs albums, des nuances qui expliquent pourquoi Highway To Hell reste leur disque le plus connu. Sur leurs précédents albums, les guitares dévoraient tout, cramant les amplis comme l’espace. [1] De l’aveu même d’Angus Young, Let There Be Rock et Powerage sont nées de jams en studios. Sur des morceaux comme Riff Raff, on peine à entendre Bon Scott sur les refrains, dont la voix est couverte par un déluge de guitares. Les premiers disques d’AC/DC sont riches en tueries nucléaires, on ne saurait que recommander leur écoute, mais ils manquent de souffle. C’est ce qu’a très bien vu Robert Mutt Lange, producteur d’Highway To Hell, qui donne des conseils à Bon Scott pour mieux chanter, et qui met davantage en avant la batterie et la voix au mixage. En somme, il corrige les petites imperfections qui encrassaient les rouages de la Ferrari australienne. Et pour assurer la première place, il exploite à fond une idée que le groupe avait déjà développée (sur les titres The Jack et Problem Child notamment), celle des refrains à trois, où les chœurs portent Bon Scott au sommet. Le résultat de ces quelques changements permet à AC/DC de réaliser ce après quoi il courrait depuis cinq tentatives : un disque ultime, l’un des seuls albums de hard-rock à proposer des chansons, et rien d’autre que cela. Une formule reprise au millimètre sur l’album suivant, Back In Black, vendu à plus de quarante millions d’exemplaires à ce jour. Qu’on se le dise, si AC/DC a conquis la terre, c’est parce qu’ils ont cessé le jam, et qu’ils n’ont plus subordonné la recherche du riff éternel à la chanson.
[1] Véridique : pendant l’enregistrement de Whole Lotta Rosie, sur l’album Let There Be Rock, l’ampli d’Angus se mit à brûler de surtension, ce qui n’arrêta pas le groupe, qui trouvait dommage d’arrêter une prise si bien partie pour si peu !
Vos commentaires
# Le 24 mai 2014 à 18:23, par Blaise En réponse à : Highway To Hell
Il me semble qu’Highway to Hell, enorme album au succès justifié, marque l’entrée d’AC/DC dans l’age "adulte", raisonnable du groupe rock, l’age où la production modère la créativité. Highway et son successeurs seront placés sous ce signe, mais encore plein de la fraicheur des précédents albums (Powerage et Let There Be Rock sont absolument géniaux selon moi).
Merci de nous avoir remis cet album à l’oreille.
Blaise
www.monhistoiredurock.blogspot.com
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |