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par Aurélien Noyer le 25 février 2008
Paru le 25 juillet 1980 (Atlantic Records)
Et si la mort de Bon Scott était finalement et paradoxalement la meilleure chose qui soit arrivée à AC/DC ? Oubliez ce que disent les fans depuis plus de vingt ans. Oubliez les jérémiades du genre "Ils venaient de sortir un excellent album, ils étaient en route vers la gloire mondiale et ils perdent leur chanteur.". Mais il suffit de regarder l’histoire. Bon Scott meurt étouffé dans son vomi, le groupe recrute Brian Johnson et fonce en studio enregistrer Back In Black, qui va donc devenir le plus grand succès du groupe : certifié 22 fois album de platine par la RIAA, 42 millions de copies vendues dans le monde (soit le deuxième album le mieux vendu de tous les temps), et une poignée d’hymnes à stades de plus.
Et par rapport à l’album précédent, qu’est-ce qui a changé ? Fondamentalement, pas grand chose... La formule est toujours la même : un hard-rock simplissime, de forte ascendance Chuck Berry, avec une structure, à peu de choses près, immuable (couplet-refrain-couplet-refrain-solo-refrain), des paroles qui flirtent avec les clichés habituels (le sexe, la biture et le satanisme). Seul le chanteur a changé. Et même si certains trouveront un tel procédé mauvais esprit, comparons le défunt Bon Scott et le bien-vivant Brian Johnston. Le premier était un show-man totalement extravagant, n’hésitant pas à monter sur scène en tutu, chantant d’une voix très particulière ressemblant à celle de Dylan qui aurait soudainement décidé de s’exploser les cordes vocales à énumérer ses différentes maladies vénériennes sur fond de riffs saturés. Le deuxième ne se sépare jamais de son uniforme "marcel et béret", assure le show sans forcément faire n’importe quoi et si sa voix ressemble à celle de Bon Scott, elle n’en est pas moins beaucoup plus lisse et classique.
Et donc à la question fatidique "lequel de ces deux chanteurs vous parait le plus approprié pour chanter au milieu d’un stade ?", la réponse est évidente. Brian Johnson, de par son côté plus consensuellement viril et son professionnalisme, présentait une version soft et grand public du malade mental Bon Scott.
Cela dit, il faut bien avouer que le succès d’un tel recrutement n’allait pas de soi en 1980 et il aurait été honteux et très dangereux de faire comme si rien ne s’était passé. En conséquence de quoi Back In Black ne pouvait pas faire l’impasse sur la mort de Bon Scott. L’album s’ouvre donc sur le titre Hells Bells : quatre coups de cloche, un riff très lent en forme de marche funèbre, l’image est assez claire. L’Enfer accueille celui qui chantait "I’m on the way to the promise land/I’m on the highway to hell". De la même façon, la pochette noire de l’album porte le deuil du chanteur.
Mais sans donc oublier le défunt Bon Scott, Back In Black joue aussi la carte du groupe qui parvient à surmonter l’épreuve avec la chanson Back In Black dont les vers I got nine lives, cat’s eyes abusing every one of them and running wild ou ’Cause I’m back on the tracks and I’m beatin’ the flack. Ainsi le groupe parvient à s’attirer doublement la sympathie des fans : "leur chanteur est mort, mais ils lâchent pas l’affaire".
Cela dit, pour sympathique et courageuse que soit l’entreprise, elle n’aurait pas fonctionné si la qualité des titres n’avait pas été à la hauteur du message véhiculé par le titre et la pochette. On peut pardonner à un groupe de continuer sans son chanteur, mais seulement à la condition que cette perte ne change rien au groupe. Or musicalement, il serait difficile de distinguer Back In Black de son prestigieux prédécesseur, le célèbre Highway To Hell. Même groupe, même producteur... Et puis, après le succès de Highway To Hell, le groupe n’a plus qu’à creuser le sillon et avec Hells Bells, Back In Black et dans une moindre mesure Shoot To Thrill, on ne parle plus d’un sillon mais d’une tranchée. Et puis, il y a You Shook Me All Night Long, LE tube de l’album, la chanson qui reste peut-être de l’avis des fans la meilleure chanson d’AC/DC.
Aussi, après un hymne à la biture (Have A Drink On Me) plutôt courageux vu que Bon Scott s’est noyé dans son vomi à cause d’un coma éthylique, peuvent-ils fanfaronner leur amour du rock avec un Rock’n’Roll Ain’t Noise Pollution, préfigurant le For Those About To Rock (We Salute You) qui suivra l’année suivante.
Et pour ne rien gâcher, l’album bénéficiera d’une aide plutôt inattendue, puisque le titre Let Me Put My Love Into You s’est retrouvé sur la liste des "Filthy Fifteen" (les Quinze Dégueulasses) du PMRC, le Parents Music Resource Center fondé au début des années 80 par Tipper Gore dans le but "d’éduquer et d’informer les parents" à propos de l’augmentation du nombre de paroles de chansons sexuellement explicites, excessivement violentes ou glorifiant les drogues ou l’alcool. Sous la pression du PMRC, l’album Back In Black dut donc arborer le fameux sticker "Parental Advisory" qui devint rapidement rapidement un label de qualité pour tous les gamins un peu rebelles.
Et plus de vingt-cinq ans plus tard, Hells Bells sonne merveilleusement bien, ne souffrant d’aucun des défauts habituels des productions eighties. Le groupe avait fait le pari de s’en tenir à la simplicité et à l’efficacité, un pari payant qui leur a permis de sortir un mètre-étalon du rock, un de ces très rares albums qui auraient pu tout aussi bien avoir été enregistrés hier ou dix ans avant, un disque véritablement intemporel.
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