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par Emmanuel Chirache le 15 décembre 2009
Concert du 2 février 1988.
Dans le cadre d’une série sur les plus grands concerts de l’histoire du rock, voici la huitième pierre d’un édifice qui s’annonce imposant. Cette semaine, nous nous sentons d’humeur bootleg avec le tonitruant Live at the Ritz des Guns N’ Fuckin’ Roses. Welcome to the jungle, baby.
Les Guns, un grand groupe live ? Pas vraiment. Leur réputation en la matière tient plutôt aux débordements scéniques d’Axl Rose, ses invectives permanentes, ses poses grotesques (James Hetfield le surnomma "Axl Pose" durant la tournée commune avec Metallica et Faith No More), ses caprices de star, mais aussi à l’éthylisme de Slash, grand échalas imbibé de whisky qui commence November Rain en futal mais la termine en caleçon, puis cherche ses godasses pendant trois plombes avant de massacrer tranquillement l’intro de Welcome to the Jungle. Résultat, les prestations publiques des Guns finissent plus souvent au rayon fait divers ou people que dans les pages de critique musicale. Le sommet en la matière reste sans aucun doute l’émeute provoquée par Axl Rose le 2 juillet 1991 au Riverport Amphitheater près de St. Louis dans le Missouri. Au beau milieu des paroles de Rocket Queen, le chanteur pète un plomb et pointe du doigt un malheureux fan qui immortalise le concert avec sa caméra. Soudain, il plonge littéralement dans la fosse - après avoir pris soin de retirer sa super casquette en cuir - et castagne le fan en question pendant que le groupe continue de jouer le morceau. Une fois revenu sur scène, Axl lance un "thanks to the lame-ass security, I’m goin’ home !" suivi d’un jeté de micro rageur. S’ensuivit un mouvement de foule colérique durant lequel plusieurs personnes furent grièvement blessées. La star sera même inculpée d’incitation à l’émeute à la suite de cet incident.
Le "Rocket Queen Incident" à St. Louis :
La tournée dite "Use Your Illusion Tour" sera d’ailleurs tellement marquée par les problèmes, retards incessants d’Axl Rose qui décalent parfois l’arrivée du groupe sur scène de plusieurs heures, addiction des musiciens à l’alcool et aux drogues, que le guitariste Izzy Stradlin, pièce maîtresse des Guns, décida de tirer sa révérence après un concert en Allemagne. Sa récente tentative de sevrage ne s’accommodait guère il est vrai de compagnons pleins comme des outres. D’une certaine façon, ce départ signifiait d’ores et déjà la mort du groupe, qui continua toutefois d’écumer les stades cahin-caha, clopin-clopant, couci-couça, jusqu’en 1993.
Mais, car il y a un mais, les Guns N’ Roses pouvaient aussi assurer. C’est simple : à leurs débuts, Axl, Slash, Duff, Izzy et Steven incarnent le rock’n’roll. Ils le suintent par tous leurs pores comme un A-grippé transpirent ses bactéries porcines en pleine fièvre. Nous en voulons pour preuve ce show mémorable donné au Ritz de New York le 2 février 1988, disponible en CD et DVD bootlegs, le concert ayant été filmé par MTV. Et mon dieu, comme c’est frais à regarder en 2009 ! Quel plaisir de voir des rockers habillés autrement qu’en vestes cintrés, jeans slims, cravates fines, chapeau de bobos sur la tête et savates à bouts pointus aux pieds. Ras le bol des minets proprets qui sortent d’une pub pour "The Kooples" ou d’un rallye du 16e arrondissement de Paris, voilà qu’on se prend à regretter les dégaines atroces du groupe le plus dangereux du monde. Hé bien oui, sérieusement, quoi de plus dangereux que porter une veste imitation peau de crotale, un fute en skaï moulant et des bracelets de force comme Axl ? D’autres préféreront sans doute le look 100% cuir du bassiste Duff McKagan dans son ensemble automne-hiver perfecto et pantalon clouté, idéal pour un après-midi 24h du Mans ou une soirée S-M. Les plus audacieux pencheront pour la permanente hair-metal du batteur Steven Adler, alors que les plus timides se contenteront d’un blouson en cuir à franges agrémenté d’un veston en jean criblé de badges, à l’image de Slash. Avec sa casquette noire et sa chemise blanche au col relevé surmontée d’un blazer, Izzy a quant à lui carrément la méga classe. Tous seuls ils seraient ridicules, ensemble ils sont magnifiques.
Inutile de le nier, vous le savez aussi bien que moi : ces types ont beau ne ressembler à rien, ils en jettent. Le pire, c’est que la musique est à l’avenant. Un rock sauvage, brut, interlope. Oui, les Guns N’ Roses sont interlopes. Attention, ce terme ne signifie pas que les musiciens entretiennent entre eux des rapports sexuellement ambigus, soyons clairs. Non, le groupe représente le rock dans ce qu’il a de plus louche et d’équivoque, sorte de déchaînement d’énergie spontanément subversif qui a puisé dans la frustration et la rancœur toute sa force. Indéniablement, les Guns parlent aux damnés de la terre. Leurs chansons sont emplies de cette insolence colérique, de ce ressentiment haineux qui fomentent les révoltes et nourrissent les insurrections. Il suffit d’écouter le It’s So Easy d’ouverture pour s’en rendre compte. Axl Rose - seul être humain capable de chanter avec un cancer du larynx congénital - y est formidable de désinvolture hautaine, remuant tel un serpent, scandant des paroles menaçantes comme on apostrophe un ennemi, le doigt pointé vers le public pour lui lancer "I see you standin’ there ! You think you’re soooo cool, why don’t you just..." C’est Steven Adler qui, derrière ses fûts, termine la phrase et crie un "Fuck off !" à peine audible sur la bande mais clairement identifiable en vidéo. Un pur bonheur. Le morceau lui-même est une tuerie, depuis l’intro basse/batterie en roue libre jusqu’au refrain plus calme en passant par des couplets monstrueux de puissance.
Ce qui frappe à l’écoute, c’est tout d’abord la phénoménale qualité des compositions d’Appetite For Destruction, qui prennent un nouveau relief ce soir-là au Ritz de New York. Débuté sur un tempo d’enfer, le concert ne faiblit jamais et se poursuit notamment par un Outta Get Me totalement insensé. Les guitares d’Izzy et Slash produisent un son acéré et puissant qu’on ne leur connaissait pas, tandis qu’à la batterie Steven Adler prend visiblement un pied d’enfer, et nous avec lui. Son pied, Axl Rose le jette de son côté en l’air dans une sympathique chorégraphie french-cancan... à ne pas manquer. Après un très bon Sweet Child O’ Mine, les Guns nous offrent ensuite leur meilleure version connue de My Michelle, cette douce intro si parfaite tranchée dans le vif par un putain de riff et le cri perçant d’Axl : "Your daddy works in porno, when your mummy’s not around..." A cet instant, le groupe joue en état de grâce. La voie royale est ouverte pour les pépites Welcome to the Jungle, Nightrain, Paradise City, enfin Rocket Queen. Tendus comme un seul string, les Guns semblent en totale osmose. Pendant le break de Rocket Queen, Axl allume sa clope avec celle de Slash puis un fan tente de parler à ce dernier en montant sur scène. Le guitariste s’en amuse et sourit. Plus tard, une fille grimpe à son tour et enlace le chanteur, qui continue de danser tranquillement : l’ambiance est bon enfant. Quelques années de plus, et Axl mettra un pain dans la tronche de tout ce qui tente de s’approcher de lui... Pas de délire parano pour l’instant, nous sommes en 1988 et le groupe peut profiter de ces moments de communion avec le public. L’atmosphère est baignée de sueur et de fumée, tous les musiciens terminent le concert à oilpé (sauf Izzy, bien sûr !). Une vraie partouze de décibels, un concert d’anthologie. Bordel, mais pourquoi n’étais-je pas à New York en février 1988 ? ha oui, j’étais en CE2 dans une école primaire de banlieue parisienne. Putain de CE2, il m’aura pourri la vie, celui-là.
Vos commentaires
# Le 26 janvier 2012 à 23:28, par Yngwie En réponse à : Live At The Ritz
# Le 12 février 2012 à 23:49, par v6arese En réponse à : Live At The Ritz
# Le 30 octobre 2012 à 08:34, par DonMarlon07 En réponse à : Live At The Ritz
# Le 29 janvier 2013 à 14:01, par roger En réponse à : Live At The Ritz
je crois que la spontanéîté d’une gratte qui sonne faux comme les cordes vocales de keith Richards c’est justement tout l’âme du rock n’ roll !
Le même avec les notes au diapason, ça serait chiant à mourir, un peu comme du "rock" "des minets proprets qui sortent d’une pub pour « The Kooples » ou d’un rallye du 16e arrondissement de Paris"
Non pour moi c’est le meilleur concert jamais donné par les GNR et peut être un des meilleurs de l’histoire du rock n’ roll
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