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mercredi 15 avril 2015
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par Giom, Alexx le 10 juillet 2005
Bonjour, je suis François Floret, programmateur de La Route du Rock, il fait beau, les oiseaux chantent et les canards sont là, il y a même des pêcheurs qui ont chopé un gros poisson !
B-Side : Première question : Content de la prog de cette année ?
François Floret : Oui, on est très content ! Après, tous les ans c’est pareil, il y a toujours des regrets. Chaque année, l’objectif est toujours de faire la prog idéale. C’est comme tous les fans de musique qui font des compiles sur une cassette ou un CD, sauf que nous, on a la chance de pouvoir le faire en live. La prog du festival est donc notre compile de l’année. Mais cette année, on est super content même si c’est vrai qu’on a raté des groupes qui normalement devaient venir chez nous et qui ont eu la mauvaise idée de partir au Japon ou apparemment le yen est plus intéressant que l’euro. (rire) Par exemple, il était prévu qu’Arcade Fire vienne chez nous, mais ils font deux dates à Tokyo et Osaka au moment du festival. C’est assez fou, on était déjà près de les faire l’année dernière avant que ça explose. Dès l’écoute de leur démo, ce qu’ils faisaient nous plaisait bien, on trouvait qu’il y avait du talent. Bloc Party, Kasabian étaient prévus aussi et partent au Japon. Mais bon, on va pas se plaindre, ce qu’on a est déjà très bien !
BS : Comment se font les choix de groupes en général ? Il y a-t il une certaine évolution de la prog depuis le début ? Peut-on parler de virage électro ?
FF : Il n’y a pas de calcul en ce qui concerne l’évolution de la prog. Alban et moi, qui faisons la programmation, on essaye de mettre sur papier les groupes qu’on voudrait et on en discute ensemble. D’ailleurs, on pense souvent aux mêmes. Ensuite, on affine le tout, si par exemple, sur toute notre sélection, on a que de la découverte, on essaye alors d’étoffer avec des valeurs sûres. Cette année par exemple, on aurait pu se dire qu’il y avait trop de rock et pas assez d’électro. Mais on n’a pas changé, car on ne voulait pas faire de l’électro pour de l’électro. Même si on a cherché à un moment un artiste électro pour conclure le vendredi, on n’a pas voulu forcer les choses, et finalement, on a choisi National, qui n’est pas spécialement un groupe fait pour finir une soirée mais ils nous ont agréablement surpris à Bourges et on est très content de les faire. Tout ça pour te montrer qu’il n’y a pas de véritable calcul. On amène chacun nos idées.
C’est peut-être vrai qu’à la fin des années 90, on a fait plus d’électro mais ça vient du fait qu’il y avait plus de bons groupes. Enfin, peut-être que l’année prochaine sera qu’électro ! Mais ce qui compte dans nos choix, c’est la qualité et le fait que les groupes doivent être bons d’un point de vue scénique. A moins d’être des sacrés bonhommes comme RJD2 qui fait tout tout seul ou DJ Shadow, mais lui, j’en parle même pas, c’est notre dieu vivant ! C’est l’une des personnes qui caractérise le mieux La Route du Rock au niveau de sa façon de vivre la musique. En plus, c’est un gars vraiment adorable.
BS : Comment se passe les relations avec les autres festivals français ? Est-ce que vous vous entendez pour avoir des affiches les plus complémentaires possibles ou est-ce la guerre pour obtenir les groupes ?
FF : En fait les échanges positifs se font surtout avec des festivals qui ne sont pas trop nos concurrents. On échange des idées. Ca marche bien aussi quand les autres festivals sont éloignés. Par exemple, on travaille avec Benicàssim. On peut avoir des offres communes, c’est comme ça cette année qu’on a programmé The Cure. En fait, on a créé un réseau avec des festivals plutôt étrangers. Au mois d’août, à part nous, il y a Rock en Seine, avec qui on est clairement concurrents même si ils prétendent le contraire. De toute façon, on n’a pas leur force de frappe financière ni leurs relations, ce sont des promoteurs, ils ont tout leur catalogue à disposition, on ne peut évidemment pas lutter. Au niveau des autres festivals avec lesquels on travaille, il y a le Oyo Festival en Norvège par qui on a pu avoir Sonic Youth, Rock aux Arènes en Suisse et aussi quelques festivals anglais...C’est des échanges d’idées, des renseignements sur les groupes qui tournent, ceux qui sont dispos...En plus, beaucoup de festivals étrangers n’ont pas le même système qu’en France où, si tu veux un artiste, tu es obligé de passer par une agence. A l’étranger, ils contactent directement les groupes, ce qui va beaucoup plus vite.
BS : D’où est venue cette envie de créer un festival rock en 1991 dans une période musicale qui peut maintenant sembler un peu moribonde ?
FF : C’est le résultat de quelques années d’influences diverses. Moi j’ai été bercé par Lenoir sur Antenne 2 à l’époque avec Les Enfants du Rock. Toute la scène Pop-Rock était représentée dans l’émission de Lenoir qui s’appelait Rock Line. J’ai alors découvert plein de trucs : The Smith, New Order... En plus à Rennes, il y avait les Trans Musicales ! Tout était réuni pour avoir cette envie de faire quelque chose. En 1989, on a commencé par monter la radio rock Canal B à Rennes. Et puis en 1991, lors d’une rencontre avec un malouin que j’interviewais dans mon émission, on a décidé de créer ce festival. Le nom La Route du Rock, on ne le supporte pas, c’est nul, mais maintenant qu’il est rentré dans les mœurs, on doit le garder ! En arrivant à la mairie en leur disant qu’on voulait créer un festival, ils nous ont dit : « ok, mais il faut nous donner un nom, vous avez une journée. ». On a fait un brainstorm et quelqu’un a sorti : « Il y a la Route du Rhum, on peut appeler ça La Route du Rock ! » C’était la pauvre blague débile mais c’est comme ça qu’a été trouvé le nom. En fait, Rock Tympans l’association, existe depuis 1986, elle a organisé plein de concerts comme celui de Radiohead à leurs débuts devant 100 personnes ! Enfin, à un moment, on a abandonné la radio pour se concentrer sur le festival sans avoir comme objectif que ça devienne un truc aussi important.
BS : Quelles ont été les étapes du développement de La Route du Rock pour qu’on puisse en arriver à un grand festival ?
FF : Au début, les trois premières années, le festival avait lieu en février dans deux salles malouines. A ce moment là, le festival cherchait son identité artistique. La deuxième année, on a décidé de faire un festival de rock francophone. Et puis parallèlement, on avait monté une soirée qui s’appelait Ici Londres qui avait une programmation pop-punk avec des groupes comme Therapy. On a alors vu qu’on était plus marqué par cette famille musicale. Enfin, on a pu décoller quand Lenoir nous a appelé au moment où il a quitté son partenariat avec les Eurockéennes de Belfort, festival qu’il jugeait alors trop commercial. On l’a donc rencontré et il nous a dit qu’il voulait soutenir un événement estival. Il nous a demandé ce qu’on pouvait lui proposer comme projet. On s’est alors fixé sur la mi-août et puis un jour un disquaire de Dinard nous a conseillés d’aller voir un fort à l’abandon du côté de Châteauneuf. Stéphane et quelqu’un d’autre y sont allés et ont craqué tout de suite. Ensuite, on a du décider la mairie qui était un peu dubitative, mais, notre coup de chance, c’était que le secrétaire de mairie était un auditeur de Lenoir. Il a alors rassuré la mairesse en lui disant que ce qu’on faisait était plutôt de la famille des Beatles, ce qui l’a rassurée. (rire) On a quand même fait un concert test dans le fort en août 93 avec Noir Désir. Tout a fonctionné et on a pu faire la quatrième édition dans le fort en août 1994, c’était sur une seule soirée. En 95, il y en a eu deux, puis trois en 96. On en est donc ensuite resté sur cette formule.
BS : On a entendu parlé du projet d’un festival hivernal. C’est toujours d’actualité ?
FF : Oui, à fond ! Au départ, on voulait faire un truc en rapport avec les sports d’hiver, mais les choses qui se font sont plus dans un esprit différent en rapport avec des marques de sports de glisse. C’est pas vraiment ce que l’on recherche. Pour l’instant, on a le projet de faire quelque chose à Saint Malo en février. On attend le feu vert de la mairie. Ca semble parti pour qu’on commence en 2007. Ce serait au Palais du Grand Large, où on pourrait utiliser toutes les salles, et à L’omnibus. Ce serait une mini-Route du Rock. Les musiques assez calmes seraient au Palais et celles plus « rentre dedans » à L’omnibus. Il pourrait y avoir 5000 personnes sur deux jours, l’objectif n’étant pas de faire des gros chiffres mais de proposer des artistes rares. On pourrait même faire un package week-end en partenariat avec la SNCF puisque le TGV doit arriver à Saint Malo en décembre. Ca pourrait attirer les parisiens. Mais pour le moment, ce projet n’est qu’un embryon.
BS : Pendant toute l’année, combien de personnes travaillent sur le projet Route du Rock, en comptant les bénévoles ?
FF : A l’année pour le moment, on était que deux, Alban et moi. À partir du mois de mai, les premiers stagiaires arrivent. Cette année, on va essayer d’embaucher deux stagiaires de l’année dernière, ce qui fera une équipe de quatre. A partir de mai donc, avec les stagiaires on est une équipe de dix personnes. Après, sur le terrain, il y a environ 65 intermittents du spectacle et cinq régimes généraux et puis 650 bénévoles. Ca fait du monde !
BS : Quant à toi, peux-tu nous dire comment se passe ton année de programmateur de la Route du Rock ?
FF : En fait à partir de début juin, ça commence à bien s’accélérer. C’est comme un travail saisonnier, il y a un moment où tout est très concentré. Entre juin et août, on est dans le rouge. Après, en septembre, vient tout ce qui concerne la comptabilité, ça déborde souvent jusqu’à octobre. Mais c’est vrai que de novembre à avril, c’est plutôt calme même si il y a quand même plein d’affaires courantes à gérer. Mais c’est justement dans cette période plus creuse qu’on cherche à développer d’autres activités. Enfin, pour le moment, on refusait de se lancer dans quoi que ce soit avant d’avoir assaini les comptes de Rock Tympans. Dès qu’on a un temps mort, on l’utilise donc pour essayer d’améliorer les choses. Mais on ne va pas se plaindre, on vit de notre passion et plein de gens aimeraient sûrement être à notre place. Enfin, on a toujours le réflexe de remettre en cause les choses, chaque année par exemple, on essaye de revoir l’organisation du festival. L’important est d’essayer, en fonction des moyens qu’on a, de faire bouger les choses.
BS : Et pendant les trois jours du festival, quel est ton rôle ?
FF : Il n’y a pas une seconde de repos. C’est vrai qu’au bout d’un moment, si tu prends pas sur toi, tu peux vite devenir un peu nerveux. Sur trois jours, le plus dur est de hiérarchiser les problèmes. J’essaye aussi de déléguer au maximum. Ma philosophie est de faire confiance aux gens. Pendant le festival, je donne par exemple aux stagiaires de vraies responsabilités. Chez nous, en stage, on ne fait pas de copies et du café. Ce fonctionnement nous permet aussi de bien être concentré sur des choses que personne ne peut faire à notre place. Mon boulot est surtout lié au relationnel, je vais voir les institutionnels, les partenaires...je les accueille. Ca c’est le côté paillettes, mais il y a aussi le côté coulisse puisque, en tant que directeur, je suis responsable devant un juge si il y a un problème. Je dois donc tout le temps vérifier que tout va bien au niveau de la sécurité. En fait, je vérifie que mes directeurs techniques ont bien tout vérifié. Mais en général, il y a pas trop de soucis puisqu’ils sont parmi les meilleurs. Pour résumer, mon boulot sur les trois jours est de contrôler que tout ce qui est prévu fonctionne. Je mets tous dans les tuyaux avant les trois jours et pendant le festival, je mets de l’huile si vraiment ça ne va pas. C’est plein de petites choses...Mon avantage est que je peux vérifier tous les secteurs puisque je suis passé par toutes les étapes en tant que bénévole avant. J’ai donc une certaine légitimité pour trancher.
BS : En revenant en arrière sur toutes ces éditions de La Route du Rock, un coup de cœur et un coup de gueule au niveau des artistes invités ?
FF : Évidemment mon coup de cœur c’est DJ Shadow, je le répète, mais c’est un mec merveilleux. Après il y a eu d’autres moments merveilleux. Par exemple, il y a eu le concert de Gus Gus en 1997 qui était une sacrée claque. Le premier concert d’Interpol m’avait aussi beaucoup plu. Portishead et P.J Harvey en 1998. Cette année là, j’étais avec Yann Tiersen à la fin du bouleversant concert de Portishead devant 12000 personnes. Il devait passer après eux pour l’un de ses premiers gros concerts. Un copain lui a dit en lui mettant la main sur l’épaule : « Dis donc, après ce concert de Portishead, va falloir être punk ! ». Tiersen lui a répondu : « Compte sur moi ! » Il s’est pas démonté et il a fait un magnifique concert au piano. Et puis les coups de gueules, Primal Scream en 2000, forcément, qui annule la veille alors qu’on avait présenté ce groupe comme étant totalement dans l’esprit de La Route du Rock avec leur électro-rock, un peu punk avec un côté branleurs. On a donc appris la veille qu’ils ne viendraient pas, ça nous a un peu scié les pattes. Sigur Ros aussi a annulé peu de temps avant. En plus on leur a demandé de revenir cette année et ils ne font pas trop d’efforts. On peut aussi les mettre en coup de gueule.
BS : Dernière question, qu’est ce que tu écoutes en ce moment qui sort du lot ?
FF : Sébastien Schuller qu’on écoute en boucles et qui sera présent cette année. Sinon, je sui un fan des Polyphonic Spree, présents également. Sinon, hors programmation Route du Rock, tu me prends au dépourvu, faudrait que je regarde dans la bagnole ! (rire)
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