Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Vyvy le 5 décembre 2006
paru en octobre 2006 (Bella Union)
À une époque où Montréal ne signifiait pas encore « eldorado rock ayant donné naissance à des merveilles telles Islands ou Arcade Fire » mais bien « coin paumé où des gens à l’accent bizarre ont produit Céline Dion », dans la déjà lointaine décennie 90, la ville mettait bas un petit groupe charmant, qu’elle nomma The Dears, tant ils étaient mignons. Depuis cette lointaine époque, autour du chanteur et âme du groupe, monsieur Murray Lightburn, tournent les chéris, le groupe changeant si souvent de visage que Murray en est la seule constante. Depuis 2004 (et donc après le très apprécié No Cities Left de 2003), cinq petits dears accompagnent Murray dans ses pérégrinations, ajoutant chacun un petit quelque chose (quelques cordes vocales) voire un grand quelque chose (à savoir deux synthés et une batterie) à la seconde livraison dearesque, Gang Of Losers.
Faufilons-nous maintenant dans ce disque, entrons chez ces chéris et écoutons leur dernière œuvre, transe garantie. Dès les premières notes de Sinthro, envolées scintillante vers des cieux embrumés, une atmosphère, embaumante, légère et pourtant chargée de tant de sons, s’installe... Refusez le métro. Reniez le train, n’ayez que pitié pour le bus, ce groupe ne s’écoute du dessous de sa couette ou, là bière au bec, dans une salle enfumée.
À défaut de bière, et surtout à défaut de groupe présent en chair en os dans votre humble chez soi, une écoute ou plutôt (soyons francs) maintes écoutes effrénées vous permettent, de recréer chez vous un petit peu de magie.
Pour se faire, rien de plus simple. Approchez-vous délicatement de votre chaîne, susurrez lui quelques mots à l’oreille, et si elle n’obtempère pas, appuyez sur « open ». Placez-y religieusement l’album au préalable séparé de son rouge linceul, et faites « play ». L’ambiance sus-citée s’installe et suscite presque immédiatement une fermeture des yeux et un hochement habité de votre tête tandis que tout votre corps se meut par lui-même au sons de la voix de Murray, et des tourbillons sonores s’en suivant. C’est magique et ça marche à chaque fois.
Voyez plutôt. Sur les cendres de Sinthro s’élance le Ticket For Eternity et vous voici, une minute plus tard, à bondir dans tous les sens, hurlant, susurrant, "The world is really gonna love you" avec Murray et sa bande "I hang out with nothing but pariahs, evryone has had their fun with me, but the world is really gonna love you". La chanson n’est pas encore trop planante (votre critique arrive encore a garder les pieds sur terre) ce qui lui permet d’être encore en état d’apprécier si ce n’est à sa juste valeur, au moins, autant qu’elle le peut, la splendide suivante Death Or Life We Want You qui à partir de bases étonnamment proches de Song 2 des hibernants Blur nous élève dans un brouillard épais, mais si doux...
Prenons un peu de recul vis-à-vis des mélopées Murrayiennes. Ce serait négliger le groupe en tant qu’entité réelle que de ne parlez que des prouesses de « Morrissey noir » du sieur Murray, les chorus et les synthés des deux présences féminines du groupe conférant un cocon duquel il peut mieux s’étendre. Retournons maintenant sur terre, ou plutôt, dans ce petit coin indéterminé où l’on se love à l’écoute de ce disque. Un quidam venant à passer à ce moment de l’album (Hate Then Love )décrirait l’auditeur comme un « charmant zombi marmonnant "I swear I swear I swear to you" le sourire au lèvre et l’œil un peu terne. »
Plus que de la simple pop symphonique (ce qu’ils font aussi, et de la meilleure), les Dears arrivent à toucher une corde profondément enfouie, à faire fourmiller les tympans et sautiller les heureux écoutants, de la voûte plantaire au cuir chevelu. Ils sont comme leur pochette, riches et complexes, s’étendant sur tant de niveaux que chaque écoute amène de nouvelles sensations.
Les chansons, par leur caractère enivrant, ont tendance souvent à ne pas laisser assez de place aux paroles, monceaux de désespoir régulé, de contemplation négative, d’acceptation perverse d’une vérité qui effraie. Le meilleur morceau de l’album, le très planant Fear Made The Whole World Go Round se débrouille ainsi avec seules quelques lignes de textes, une profusion de notes et d’atmosphères changeantes et les titres suivant suivent la même trame. Extase et sourire niais, l’écoute des Dears laisse de graves marques sur l’organisme, mais comme le chante si bien Murray : "I need this song"...
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |