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par Sylvain Golvet le 10 avril 2007
paru le 5 mars 2007 (Labels)
Vous avez remarqué ? Dans les westerns, les séries B ou les films de cape et d’épée, le méchant, le traître, le bad guy arbore toujours une pilosité exacerbée du visage. Bouc, barbe, moustache, cheveux longs, Nick Cave s’en est offert une panoplie et l’a offert à trois de ses Bad Seeds ou Mini-Seeds (Warren Ellis aux violons, claviers et guitares, Martin P. Casey à la basse, Jim Sclavunos à la batterie) pour ce projet qui aurait pu être un film de Peckinpah : Grinderman. Comme si l’excès de poils reflétait une envie d’en découdre, un besoin primitif de se frotter aux bas instincts de l’homme, l’Australien ajoute à son œuvre un disque furieux, grinçant, jouissif, tout en guitares fuzzy crachantes, caisse claire martelée et claviers dissonants.
Construit comme l’errance de personnages louches de ville en ville, d’un désert à un autre, l’album passe de considérations lubriques en proclamations de supériorité. Comme dit dans Honey Bee (Let’s Fly To Mars), « We are the undefended » et ils ne veulent surtout pas être excusés. La bande de bad guys veut avant toute chose être crainte, respectée comme étant la meilleure (Get It On). Mais leur voyage n’est pas sans frustrations. Classique chez le solitaire, surtout quand il est flanqué d’un rictus repoussant et d‘envies malhonnêtes, notre héros a le No Pussy Blues. Ses envies lubriques lui font pousser des Whoo ! et des Damn ! à glacer le sang des récalcitrantes. Car la femme est la principale préoccupation des quatre furieux, toujours prêt à quelques ruades (Depth Charge Ethel, Honey Bee,...) sans s’interdire de fondre devant une innocente beauté (Electric Alice). Mais quand le cow-boy doit partir, c’est avec nonchalance et indifférence, ne montrant que la seule chose qui importe c’est de garder son indépendance, sa liberté de solitaire (« Go tell the woman/That we are leaving » ). Quand vient l’heure de se reposer en plein désert, c’est les yeux dans le vague et rêvant de lieux inaccessibles (Man In The Moon) et le lieu se transforme en contrée hostile quand les rêves deviennent cauchemars et un combat avec ses propres démons. Puis c’est l’heure de repartir sur les routes droites de l’ouest, pour aller se payer une bonne tranche de fun en emmerdant les bonnes gens et vivant sa vie d’errance à 1000 à l’heure (Love Bomb).
De l’aveu de Cave, cette escapade en petit comité énerva Mick Harvey, l’arrangeur guitariste des Bad Seeds, vexé de ne pas la contrôler. C’est sûrement pour cela que l’aventure revêt tant des allures de récréation, ou des enfants turbulents auraient libre cours à leurs jeux destructeurs et leur imagination débridée, et cela sans surveillance. De même, on constate une absence de piano, cordes et autres sons soyeux chers à Harvey. Même Warren Ellis, dont la réputation de bruitiste n’était pourtant plus à faire, n’utilise son violon que pour le triturer à l’excès, en se lâchant par ailleurs sur des solos d’orgue tout à fait envoûtants (Electric Alice). Cave lui-même a troqué son piano de crooner pour empoigner sa guitare (son fusil ?), attribut bien plus phallique et symbole de pouvoir.
En jouant ce rôle de rustre à baccantes, Nick Cave semble s’être amusé et nous aussi. Il faut l’entendre éructer des Bzzz Bzzz sur Honey Bee (Let’s Fly To Mars), comme si sa santé mentale en dépendait. Le disque agit comme un défouloir à pulsions, comme un gamin qui vient d’apprendre des insanités et qui pourrait les sortir impunément sans réprimandes. À cinquante ans cette année-là, il retrouve les délires bruitistes de Birthday Party, le son décharné de Kicking Against The Pricks, et les imprécations de possédé de Babe I’m On Fire, les quinze minutes épiques de Nocturama. Il y poursuit aussi ses obsessions d’Ouest américain après avoir signé le scénario de The Proposition, western australien malheureusement encore inédit en France. Certes peu subtil en termes d’écriture et de mélodie, avec quelques morceaux dispensables (Grinderman, Go Tell The Woman), le disque forme un tout cohérent et va probablement servir de remontant en vue de l’enregistrement du prochain Nick Cave And The Bad Seeds. C’est bon Nick, tu peux raser ta moustache, on le sait que t’es un dur !
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