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mercredi 15 avril 2015
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par Milner le 10 mai 2006
paru le 2 juillet 2002 (WEA)
A ceux pour qui les hurlements surchauffés et trop facilement répétitifs du rock commencent par ne plus rien signifier, ceux pour qui, depuis peu The Strokes n’est plus qu’un soleil synthétique, ceux à qui l’effervescence progressive donne envie de vomir, ceux pour qui le dégoût représente l’ultime refuge à l’ennui de vivre, à ceux-là, enfin, pour qui les Stones sont tout et qui ne peuvent se résigner à leur fin toute proche, à ceux-là ... il reste peut-être The Jesus And Mary Chain.
L’art de ce groupe si particulier est éminemment facile à recevoir. Pour schématiser, nous dirons qu’il consiste en de splendides mélodies sur une rythmique simpliste le tout gorgé de guitares fuzz, de reverb et de feedbacks (notions nobles dans le milieu du rock). Composé principalement de William et Jim Reid, deux frangins marginaux, le combo venu d’Écosse servit dès ses débuts la cause du minimalisme rock avec un effectif réduit et une technicité limitée. Car, il est nécessaire de rappeler qu’en 1984, la musique en général s’était sévèrement sclérosée et ne répondait quasiment plus qu’aux seules attentes de la chaîne de télévision MTV, répertoire grandiloquent de vidéo-clips incongrus pour des compositions fourre-tout destinées à satisfaire le grand public. Ainsi, il n’était plus question de rock, trop primal, trop frustre pour les oreilles devenues décidément trop sensibles le virage de la new wave passé. Ce que réfutaient en bloc nos Britanniques qui, aussi bornés qu’un premier ministre, passaient outre les modes et les conventions pour lancer un zest salvateur de rock’n’roll mâtiné à leur sauce, c’est à dire sous très forte influence de Suicide, The Velvet Underground, Ramones et plus surprenant, The Ronettes.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette compilation posthume de l’intégralité de leurs singles est indiscutablement la meilleure carte de visite que le groupe puisse présenter. Rien qu’à l’écoute des premiers morceaux, la musique balance. Point n’est besoin d’une savante acuité pour la décrire. Entendre des titres comme Never Understand et son final psychotique ou l’impeccable Blues From A Gun le prouverait à un sourd. L’habile dosage entre les influences de la veille et celles du jour présent restitue un répertoire riche, trépidant (Rollercoaster, Reverence et Far Gone And Out concoctées sous inspiration Madchester) que le groupe composait pratiquement dans l’indifférence générale, une fois la secousse du premier album (Psychocandy) retombée.
Comme leurs illustres aînés, The Jesus And Mary Chain s’appliquait à reproduire une formule musicale qui se devait d’épouser les tendances du moment. Comme nombre de groupes à formules (AC/DC, Status Quo, Ramones, Iron Maiden), se renouveler n’a pas toujours été chose aisée mais pour des raisons qu’un être suffisamment censé ignorera sûrement encore longtemps, les frangins se vautrèrent lamentablement et laissèrent passer injustement leur chance. Pourtant, le groupe n’a pas chômé et en quinze années de carrière a essayé de se tailler une place à travers la vaste scène rock ; au final, nul doute qu’ils y sont parvenus, ne serait-ce qu’a posteriori. Car, plus à l’aise pour composer les chansons que les albums, il faudrait un jour expliquer la jouissance que l’on peut ressentir à l’écoute des perles que représentent Just Like Honey et Darklands ou aux frissons que peuvent procurer les autres titres comme le sévèrement burné I Hate Rock N Roll ou son opposé moins flashant I Love Rock N Roll. Sans conteste, le bijou du lot se nomme Sidewalking et incarne à merveille le son de nos Highlanders : boîte à rythme, son de basse des plus crades, mélodies incroyables, jeu de guitares vénéneux ; un titre reconnaissable entre mille, une classe remarquable.
Ainsi va la vie de nos jours : aduler Indochine et Black Rebel Motorcycle Club alors qu’on entend dire que le passé ne doit pas étouffer les inspirations contemporaines. Le rock de The Jesus And Mary Chain est comme l’Hydre de la légende : coupez-lui la tête, elle repousse dans les secondes qui suivent...
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