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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 13 octobre 2009
paru le 24 août 2009 (Thrill Jockey/PIAS)
Revenus de Widow City, leur précédente destination au cours de laquelle ils avaient croisé le fer avec du rock heavy et des éructations seventies, les Fiery Furnaces étaient un peu dépourvus. Le duo avait couru d’aventure en aventure depuis plusieurs années. Poursuivant sans relâche un sillon singulier, ils étaient en passe d’être submergés par les injonctions de leur imagination musicale bouillonnante. Que fallait-il à nouveau défricher pour la satisfaire ? En cela, certains commençaient à attendre d’eux des choses qui les dépassaient. Leurs nombreux albums constituaient en effet une drôle de somme, à la fois expérimentale et hautement mélodique. Ils pensaient en termes de déconstruction, fragmentation, superposition ; mais sans que cela paraisse purement conceptuel, puisqu’ils avaient ce don de l’accroche (inouï, certains disaient). Ils se savaient brillants compositeurs, mais étaient encore plus éveillés à leur destinée surréaliste. Pourtant, oui... C’était bien vrai. Après tous ces périples, les Fiery Furnaces en étaient arrivés au point où, la chose la plus folle qu’ils pussent faire, était d’écrire un disque facile.
I’m Going Away est ce disque. Il rompt l’ascension programmée de Matthew et Eleanor vers des cîmes de plus en plus abstraites. Il leur fallait raviver cette intense surprise de "la première fois". Or la rupture, pour les Fiery Furnaces, était dans la facilité. Une facilité à leur échelle, tout bêtement. Leur nouvel album est donc d’une facture simple, avec des chansons qui se suivent sans grand affolement. Il bat d’un pouls plus tranquille, presque entièrement linéaire. Le groupe dynamite encore ses compositions de quelques excentricités - on ne se refait pas. À cet égard, la chanson-titre, au grondement électrique en circuit fermé, est bien une de leur marotte bouffonne et obsédante. Non, surtout, I’m Going Away dégage une belle unité de ton ; d’un bout à l’autre, la soul et le rock sont incarnés dans des couleurs pleines et sensuelles. C’en est presque vieux jeu. Il n’y a plus d’effets électroniques, l’instrumentation est dégagée. Rondeur, sensualité. Sur une poignée de titres, on imagine même assez nettement le duo réuni dans un studio défraîchi, aux couleurs crème, et ce serait en une fin d’après-midi toute chargée de moiteur et de rayons déclinants, qu’ils se seraient mis à jouer claviers et tempo de The End Is Near ou Ray Bouvier. C’est là ce qu’on entend par facilité. Ce serait l’album-hommage des Fiery Furnaces à leurs passions musicales adolescentes, de Al Green à Beefheart.
Sauf qu’en pointant dans ce sens a priori rétrograde, I’m Going Away livre un peu plus que cela : il ravive également le souffle mélodique du duo. Plus modeste et attachant, celui-ci brille à coup de piano vivace, d’arrangements vrillés de guitare, de rengaines pétillantes (Charmaine Champagne). On se relâche, on se délecte d’un refrain tel Keep Me In The Dark. Les Fiery Furnaces se sont autorisés à écrire de véritables chansons, ces petites choses essentielles à la pop music qu’ils commençaient à négliger. Et comme celles-ci sont simplement brillantes, il n’y a rien de plus aisé que les aimer sans arrière pensée. Sans se soucier du fait qu’ils auraient pu encore se surpasser dans le registre, même si c’est le cas. Peu importe, ce disque de chansons faciles renferme une des plus belles du groupe, leur première à être réellement émouvante. Lost At Sea s’impose dans l’instant, merveille de mélancolie abondante. Son motif de piano semble ravi à des heures qu’on suppose proches de l’aube. D’une rythmique solide pour tenir l’émoi, au solo de guitare à l’air suppliant, jusqu’à la voix d’Eleanor qui jamais n’a eu cette teinte lointaine, insondable... fallait-il attendre tout ce temps pour que le duo se révèle sous ce jour ? On peut le croire. Incorrigibles formalistes, c’est aujourd’hui en se laissant aller que, peut-être, ils ont trouvé une première faille dans leur système. Une fibre de romantiques.
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