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par Yuri-G le 24 novembre 2009
C’est un choix de la plus haute importance. Qu’allons-nous écouter pour trouver le sommeil ? Avant de s’engouffrer sous les couvertures, il arrive qu’on hésite longuement. Éviter le trop rythmé, le trop luxuriant, le trop imprévisible… il s’agit d’être patient et minutieux. Enfin, la sélection est prête. Voici un aperçu, forcément décousu, du rêve qui s’ensuit, lorsqu’à minuit la lecture s’enclenche.
Lazy Calm - Cocteau Twins (Victorialand, 1986)
0h01 : L’entrée en matière se veut délicate, enveloppante. Immédiatement, elle est l’appel au plus complet relâchement. De douces guitares en ondes ouatées, un souffle de saxophone nous intiment le départ dans une zone étrange. On se trouve aux portes d’un royaume dont les contours s’échappent dans les nuages. C’est toute la magie de la dream pop qui se recueille dans cet envol : battements, effleurements, formules mystérieuses.
Paper Bag - Goldfrapp (Felt Mountain, 2000)
0h07 : La torpeur s’installe. Il ne faut pas l’apeurer avec une cassure indésirable. Donc… atmosphère sensuelle, engourdie. On poursuit la plongée dans un fantasme de western. Morricone dirige, John Barry orchestre, la vamp au chant caressant s’immisce dans le rite. Nous voilà arrivé dans une cabane perdue en plein désert. Le crépuscule s’infiltre dans les rainures de bois poussiéreux et dessine des rayons irréels, tandis qu’au dehors les revolvers s’apprêtent à siffler. Mais on quitte la scène avant l’ultime ballet.
Impressions Of Susan - John Fahey (Days Have Gone By, 1967)
0h11 : Un saut dans le train qui filait à travers les plaines. Le rêve s’est-il installé ? Disons qu’il commence à s’élaborer. Juste le temps de se raccrocher à la porte d’un wagon de marchandises. Il passait par là, longeant les rails bordés de bois profonds. À l’intérieur, on remarque l’odeur de la paille, les planches miteuses. Et un vieillard, serrant une guitare contre sa poitrine. Il compose un folk ancestral. Les notes pleuvent sous ses doigts bruns, et dessinent un peu plus ce paysage. Son débit constant accompagne le cahot du train. C’est le rêve de l’Ouest oublié.
Great Days For The Passenger Element - Autolux (Future Perfect, 2004)
0h17 : Le fragile équilibre du sommeil. Nous voilà de retour à la surface, en un instant, ranimé par les fluctuations de la musique. Le coupable est un morceau aux prémisses acoustiques. Berceuse à la voix éthérée, mais : la chanson génère peu à peu une pesanteur anormale. Pourquoi ces coups de batterie découpés, cette évolution de claviers se brouillent jusqu’au grondement ? Avec eux, notre torpeur est sur le fil, et pourrait basculer dans une dimension inquiétante.
The English Motorway System - Black Box Recorder (The Facts Of Life, 2000)
0h22 : Bon… de la candeur. Pour replonger. Enfin, elle n’est pas dénuée d’ambivalence. Cette patine de tintements sixties, de chœurs lascifs, de brume rétro-futuriste nous mène où elle le veut. Petite voix minaudant, qui nous susurre des mots d’amour (à moins que ce ne soit des horreurs) tandis que la Cadillac file sur le gravier anglais. La nuit est parsemée de lueurs passagères, toutes des Cadillac qui filent ailleurs.
Symphonique #6 - Moondog (Moondog, 1969)
0h27 : Dans la Cadillac, la radio passe des standards jazz. Et le trajet se poursuit à vive allure. La petite voix penchée sur notre nuque ne parle plus d’amour. La musique, pourtant d’humeur nocturne et apaisante, lui inspire la dispute. Bientôt, elle vocifère des reproches. C’est une dispute un rien comique qui enfle, toujours sur le même thème. À vrai dire, la musique qui l’accompagne n’est plus du jazz. Elle en avait la couleur mais a dérivé vers un orchestre obsédé, sifflant un motif inlassable. Coup de volant sec, on se gare en précipitation et abandonne la voiture.
Laura Palmer’s Theme - Angelo Badalamenti (Music From Twin Peaks, 1990)
0h30 : Sur le bas-côté, il fait terriblement froid. Il y a une grande zone en friches qu’on arpente en courant. L’air est humide et pressant, comme s’il formulait quelque menace. Nuit totale, dans laquelle on ne trouve personne si ce n’est cette rengaine au clavier, sourde, qui colle à chacun de nos pas… Un mystère se tapit quelque part, au loin, tout près. Soudain, la lumière d’un hameau, et le clavier verse dans l’euphorie de la résolution. Espoir, espoir ! On se précipite vers l’habitat qu’on espère accueillant, sans oublier que le clavier a repris sa rengaine et promet quelque mystère innommable.
Make My Sleep His Song - Broadcast & The Focus Group (Broadcast & The Focus Group Investigate Witch Cults Of The Radio Age, 2009)
0h35 : La porte, cette porte évidemment battante, elle laisse entrevoir une chevelure d’encre. Quelqu’un chante à l’intérieur. On a le choix : faire irruption au milieu d’un fatras de draps rouges emmêlés, soulevés à l’horizontale par une brise de marais, laquelle ne parvient pas à gommer l’élégance gothique et victorienne se dégageant du tableau - ou retour à la case départ. On contemple ces noirs cheveux sur ce fond rouge des draps. Cette mélodie est ensorcelante… Mais non, il faut partir à nouveau. Le rêve bifurque. On se saisit de la main de la chevelure d’encre et part.
A Pure Person - Lim Giong (Millennium Mambo, 2001)
0h38 : Mégalopole, la nuit. Notre groupe d’amis se perd dans l’extase d’une nuit de week-end mais une femme nous accompagne. C’est elle qui nous guide dans ce dédale de galeries marchandes où nous nous trouvons : désert, traversé de couleurs feutrées. Seuls les haut-parleurs témoignent d’une activité, eux qui diffusent une pulsation béate. Il n’y a personne au monde, plus que nous et cette electro aux bribes asiatiques qui effleure nos mouvements, les dirige. Les mèches d’ébène se balancent avec lenteur devant nos regards. La femme se retourne. Elle nous dévisage.
Don’t You Cry - Richard Hawley (Truelove’s Gutter, 2009)
0h43 : C’est le dernier arrêt. Sur un sofa de velours, la femme est allongée. Nous sommes lové contre elle. La soirée s’est fini ainsi, chez elle. Elle murmurait lentement et nous n’écoutions pas. Son visage opalin était si proche. Il y avait cette musique épurée jusqu’aux larmes qui nous parvenait, et c’était la plus belle que nous ayons jamais entendu. Effectivement... Le soleil se levait. Plus rien ne s’est dit. Nous avons dormi sans plus rien nous dire.
An Ending (Ascent) - Brian Eno (Apollo : Atmospheres & Soundtracks, 1983)
0h53 : ...........
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