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Live A Saint Etienne

Live A Saint Etienne

Mickey 3D

par Psymanu le 5 septembre 2006

4

paru en 2004 (Virgin)

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Après un parcours sans faute long de trois albums que pour une fois, le grand public eut le bon goût d’embrasser, Mickey 3D, à présent quatuor (commencée à deux avec Michael Furnon et Aurelien Joanin, l’aventure voit l’arrivée de Najah El Mahmoud puis de Gregory Romestein), donne le 11 octobre 2003 un concert au palais des Spectacles de Saint-Etienne. Prestation "à domicile" en forme de petit évènement pour un groupe en plein ascension, dont l’enregistrement et la publication dans sa version CD nous intéresse ici.

Mickey 3D, autant le dire, ça ne paye pas de mine. D’ailleurs, moi je n’y croyais pas, à ce que la magie perçue à l’écoute de leurs trois premiers efforts trouve un second souffle en live. Enfin, sur une grande scène, en tout cas. C’est qu’il n’y a pas de vigueur dans le physique bougon de Furnon, qui, s’il se défend du moindre leadership, demeure tout de même le frontman de la formation, sa voix, l’interface entre la musique et son public. Et puis, ce sont ses textes à lui qu’il s’agit de faire décoller, et avec ses minces capacités vocales encore. Qui plus est, le groupe nous a habitué à son côté "bricolo". Et ça, le style "home made", si ça sonne souvent très frais en studio, ça s’effondre neuf fois sur dix en live, sous le poids de sa propre vacuité. Si si, cherchez, y a plein d’exemples. A moins, bien sûr, à moins... A moins que les chansons, sous leurs atours mineurs, n’en soient de bonnes, auquel cas l’épreuve du public en révèlera la force brute, ou le charme désuet, ou le tragique sous le mignon, leur vérité, en somme. Et de fait, c’est un peu tout ça, Mickey 3D. J’aurais dû leur faire confiance.

Un bref bonsoir à la foule, Michael Furnon, air mi-concerné mi-consterné, comme à son habitude, prends la température et promet du rock. Ouf, il ne plaisantait pas. Tu Dis Mais Ne Sais Pas est sec comme un coup de trique, asséné avec une conviction qui met tout de suite de bonne humeur. Le public est déja conquis : des vivas comme une fin de set, sauf que ça ne fait que commencer. Et bon sang, ça swingue, en fait, Mickey 3D. Ouais, vous pouvez vous marrer, mais ça se vérifie tout le temps, et même sur les morceaux les plus lents : on ne peut que dodeliner de la tête en sautillant sur Ça M’étonne Pas, à qui Najah prête son timbre doucement féminin, contrepoint parfait de celui de Michael. Ma Grand-Mère tangue dans un doux ruisseau de mélancolie, on se laisse glisser et on est bien. C’est Respire, le tube radio, qui est chargé de nous sortir de notre douce torpeur. Le rythme, finalement, n’est jamais franchement endiablé, mais il n’est jamais absent. Aucune platitude, à aucun moment. Aurélien Joanin est aussi jovial que précis et efficace. Ses facéties rieuses tranchent avec le caractère pince sans rire de son chanteur. Ils forment un duo dont la complicité, de celles qui sentent les conneries d’éternels ados, les mondes refaits au coin du feu, l’alcool et l’herbe partagés, est palpable à chaque instant, quand bien même ils n’échangent que peu de regards le concert durant. Ils sont ces deux potes inséparables qu’on invite en soirée parce qu’ils sont marrants, dont on rit à chacune des piques, mais tout en étant soulagé de n’être pas cible de leurs brillants sarcasmes.

Car s’il est régulièrement mené de façon amusante, le propos est des plus sérieux. Ils parlent en termes simples des misères de notre société, mais des vraies, de celles qui touchent même ceux qui ont du pognon : celle du coeur et celle du cerveau. Pour nous les vomir dessus, afin qu’on puisse en contempler chaque morceau avec dégoût. Mickey 3D nomme, décrit, se fait prophète du pire pour donner envie de s’en prémunir. Par exemple, Le Grand Jacques n’a rien à envier à la variation des Wampas sur le même thème, et avant eux s’il vous plait. Et le groupe, sibyllin, ne se prive pas de rappeler, puisque le live leur permet de l’ouvrir efficacement et directement vers son auditoire, que le gars en question fut élu avec nos voix à nous, et, allumeur, qu’on doit donc bien l’aimer, au fond. On rit, mais jaune. Et on y réfléchira. Ce qui est d’ailleurs l’immense qualitéde la musique et des mots de Mickey 3D : la remise en perspective acusatrice. Comme Renaud, à l’époque, quand c’était le bon temps, pour lui. On peut se sentir merdeux sur Les Gens Raisonnables, sur La France A Peur, qui est plus que jamais brûlante d’actualité, sur Mimoun, aussi, parce qu’énoncés par Furnon, sa gravité, sa voix monocorde mais assurée, le ton sévère, on se dit qu’on n’aurait pas aimé s’entendre dire tout ça, ses petits yeux noirs dans les notres.

Finalement, le seul instant de pureté, la seule chanson dénuée de toute ironie, c’est Johnny Rep. Une part d’enfance du groupe, une chanson belle et simple, pleine de naïveté qui fait du bien, dont l’impact est démultiplié par le fait que ce soir, Mickey 3D aussi "joue à la maison", en terre stéphanoise, lieu des hauts faits d’arme du footballeur en question. On imagine un gamin prononcer les mêmes mots en dribblant entre les boîtes de conserve sur un terrain vague. Ca fait chaud, ça rend nostalgique. Une voix sincère, une gratte, un sifflement, et une des meilleurs friandises qui soient passés en radio (dans sa version studio livrée ici en bonus) cette année-là.

Le concert s’achève dans l’électricité, le groupe fait la peau à ce foutu J’Ai Demandé A La Lune qu’il a lui-même engendré, naïvement, avant d’en perdre tout contrôle. Puis ils surprennent une dernière fois avec un tube des Beatles, I Saw Her Standing There, chanté faux mais on s’en fout, on est bien, avec eux, et c’est tellement plein d’enthousiasme qu’on prend son pied de toute manière. Mickey 3D, par ce Live A Saint Etienne, donne une leçon d’humilité. Prouve que les choses peuvent être simples, mais belles et fortes, que rien ne sert de hurler pour emplir une oreille consentente, qu’on peut créer une intimité avec une foule, lui parler, entendre ses réponses. Échanger pour le meilleur. J’avais rien compris, décidément. Mickey 3D est définitivement un grand groupe.



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Tracklisting :
 
1- Tu Dis Mais Ne Sais Pas (3’40")
2- Demain Finira Bien (2’29")
3- Ça M’Etonne Pas (3’11")
4- Les Gens Raisonnables (3’43")
5- Ma Grand-Mère (3’23")
6- Respire (3’47")
7- Les Enfants (4’00")
8- Johnny Rep (3’10")
9- Le Grand Jacques (2’05")
10- La France A Peur (5’29")
11- Là (2’58")
12- La Peur (3’01")
13- Plus Rien (3’32")
14- Mimoun, Fils De Harki (3’23")
15- Amen (3’45")
16- J’Ai Demandé A La Lune (3’15")
17- I Saw Her Standing There (4’20")
18- Johnny Rep (version studio) (3’15")
 
Durée totale : 62’26"