Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Vyvy le 29 janvier 2008
Paru le 11 juin 2007 (Rhino Records)
« The music business tends to be very serious, but not with these guys » - George Harrison
Nous voici en 2005. Jenny Lewis and the Watson Twins sortent un album remarquable, Rabbit Fur Coat. La neuvième piste, un certain Handle with Care, sur laquelle la belle de Rilo Kiley ramène tout un tas d’amis, sonne particulièrement bien. Et c’est ainsi que je découvre les Traveling Wilburys…
Et quand on découvre les Traveling Wilburys en 2005, on est parti pour être frustré. Car les deux volumes des Wilburys datent de 1988 et 1990 et n’ont pas été réédités. Ils sont donc introuvables à un prix correct. George Harrison était trop occupé par la réédition de certaines de ses œuvres pour trouver le temps de gérer le problème Wilburys, et depuis sa mort en 2001, rien ou presque n’a été fait.
Mais voilà. 2007 va être l’année des Wilburys. Le retour des rois en somme, tant le line-up des Wilburys a de quoi faire rêver. Un pionnier, Roy Orbinson, un ex-Beatles, George Harrison, le Barde de Duluth a.k.a Bob Dylan, le magicien d’Electric Light Orchestra Jeff Lynne et la belle gueule d’un Tom Petty. La réédition, sous ces nombreuses facettes et coffrets (normal, deluxe, deluxe 2 car la première est épuisée, vinyle, puis livre…) est le moment de revenir sur ce supergroupe bonhomme et sympathique, auteur de ballades drôlettes et de certaines choses un peu plus sérieuses, chantre de la chanson pas prise de tête mais diablement bien ficelée. [1]
Les Wilburys sont nés en 1988. L’histoire haute en couleurs relatant comment ils se sont retrouvés à faire Handle With Care, chanson née dans le garage de Dylan et qui passa du statut de chanson bonus pour version européenne d’un single à élément déclencheur de la formation d’un super groupe, a déjà été contée sur ces pages , donc nous allons nous concentrer sur l’après Handle With Care, après qu’Harrison fut allé voir son bon ami Mo Ostin de Warner pour lui jouer la chanson. Après que celui-ci lui eut lancé, avec moult trémolos dans la voix, « serait-ce possible d’en faire un album ? ». Oui, ce sera possible, répondirent alors les différents futurs membres, peu à peu démarchés par Harrison et Lynne. Le plus important, pour les quatre, était que Roy Orbison, qu’ils adulaient tous, se joignent à eux, et c’est à genoux qu’Harrison, dans la loge d’Orbison après un concert estomaquant de ce dernier, obtint qu’il les rejoigne. Roy Orbison, voix qui habite le rock depuis les années 50, se joignait donc à deux icônes des 60s (Harrison et Dylan), à une success story des 70s et à un gamin charmeur des 80s pour accoucher d’un groupe orchestré par Harrison.
La méthode Harrison pour faire tenir un groupe est des plus intéressantes. Prenez un tas de stars. Mettez-les dans le studio d’un copain, ou dans un coin désert, peinard. Mettez-les à l’aise. Prenez leurs manteaux et leurs egos et laissez-les dans la penderie, près de l’entrée. Conduisez-les à la cuisine. Conscient que, pour votre premier album, pour cause de tournée imminente de Dylan, vous n’avez que 10 jours, lancez un programme strict mais stimulant. Le matin, vous écrivez à dix mains une poignée d’accords, et ficelez un joli son. Après un bon déjeuner, vous regardez dans des magazines, et lancez des mots dans tout les sens. Parfois, un Jim Keltner (le batteur de studio présent sur les enregistrements et certains clips Wilbury) vous rejoint. Il est alors atterré par les âneries que de si grands songwriters peuvent lancer. Ne vous laissez pas décontenancer ! Et s’il commence à s’amuser à sortir des sons de la boîte à œufs métallique de la porte du frigo, ne souriez pas, utilisez cet instrument révolutionnaire ! Le soir, une fois les paroles finies et le dîner avalé, vous enregistrez. Avec comme principe, le premier qui chante chantera. Après 10 jours de ce traitement, vous obtenez Traveling Wilburys Vol. 1, et vous vous apprêtez à conquérir le monde.
Car les Traveling Wilburys arrivent au point nommé pour tous ses membres… Jeff Lynne a passé les années 80 à produire, ça le démange. Harrison n’a pas été dans un groupe depuis les Beatles et, auréolé par le succès de Cloud Nine, se sent d’attaque, Tom Petty est séparé de ses Heartbreakers, Bob Dylan a un peu de temps avant de partir en tournée, et Roy Orbison est amusé par la proposition. Les années 80 n’ont pas été très clémentes pour Orbison, Lynne et Dylan, et les Wilburys vont marquer une certaine renaissance, un moment spécial où la musique redevient quelque chose qu’on fait entre amis, à l’arrache, pour s’amuser. Bon, après il faut avouer que si les Wilburys n’avaient pas eu leur prolifique passé, le résultat n’aurait sûrement pas été le même…
Parlons-en enfin, du résultat, en tout cas d’une partie, sa première en la personne du Vol. 1. Nos stars d’alors se cachent ainsi derrière leurs pseudos Wilburys. Sur la pochette, une photo vieillie et flou, et dans les crédits des remerciements à Olivia Harrison et Barbara Orbison sont les seuls moyens d’identifier nos compères. Le single Handle With Care ne réussit pas si bien que ça aux US, mais l’album y montera jusqu’en #3, ce qui pour la pluspars des membres du groupe ne s’était pas produit depuis très longtemps. Cet album, intitulé « Volume 1 » (admirez la logique d’Harrison) car il n’était pas prévu d’en faire un autre, recèle de petites pépites de pop-rock plus ou moins intemporelles, où tout le monde met la main à la pâte. Orbison, qui n’hésite pas à taquiner/remettre à leur place ses camarades/fans transis, leur annonce un jour qu’il est le seul véritable chanteur du groupe, ce à quoi les autres ne trouvent rien à dire, tant la voix d’Orbison habite autrement les chansons. Not Alone Anymore, chef d’œuvre mené par cette voix, est une jolie preuve du talent du bonhomme, que l’on retrouve par touches dans des bridges et refrains sur tout le disque. Harrison, qui, avec Jeff Lynne, produit ce premier opus, a lui aussi trouvé sa voix. Sur Handle With Care, mais aussi sur Maxine que l’on retrouve en bonus track (avec des overdubs de son fils Dhani), sa voix sonne claire et pure, légère et mûre, et son jeu de guitare tout au long de l’album rappelle qu’il sait bien se débrouiller avec sa six-cordes. Dylan lui, est assez inégal vocalement. Lorsque sa voix le lâche, on peut se dire qu’il amène ce petit côté rouillé et déraillé qui donne un peu de piquant à ce qui aurait pu autrement être un peu trop lisse et joyeux (Like A Ship - titre bonus- ou Congratulations sont de bon exemples), mais Dirty World est un vrai plaisir tant sur cette piste il retrouve une de ses meilleures voix. Le disque est un joli mélange d’influences, de sonorités. Heading For the Light ou le début de Congratulations sonnent Harrison, avec ce son rond et soyeux qu’il développe depuis All Thing Must Pass. Tweeter And The Monkey Man elle, aurait été principalement écrite par Bob avec Petty, et ses paroles recèlent nombre d’allusions à Springsteen, quand bien même Orbison et Dylan le nieront plus tard en interview. Au final, on se trouve avec un album enchaînant sonorités et ambiances radicalement différentes. Ainsi, Rattled sonne tournant des années 50, et permet d’entendre Orbison rugir (une piste donc très spéciale), tandis que Last Night, la piste suivante, a des relents de cocotier, cocktails et chemises à fleurs.
En décembre 1988, Roy Orbison meurt d’une soudaine crise cardiaque. Quatre jours plus tard, les Wilburys filment le clip d’End Of The Line (que l’on trouve sur le DVD). Lors des parties de chant d’Orbison, sa guitare figure sur un fauteuil à bascule. Les Wilburys, et bien au-delà, font alors le deuil d’un musicien exceptionnel, que le Volume 1 avait fait (re)découvrir aux plus jeunes.
Que vont faire les Wilburys ? Ils se séparent plus ou moins, tant l’appartenance aux Wilburys n’avait jamais été très contraignante. En 1989, Tom Petty enregistre son chef d’œuvre Full Moon Fever où figurent moults Heartbreaker et Wilburys, mais, dès avril 1990, revoilà les Wilburys en studio. Sans Orbison, et sans remplacement, les désormais quatre Wilburys travaillent au Wilburys Vol. 3.
Pourquoi volume 3 ? Pourquoi d’autres pseudos Wilburys (ainsi, Lynne passe de Otis Wilbury a Clayton Wilbury) ? Pourquoi Traveling Wilburys d’abord ? Une réponse rapide serait, parce que George. Et c’est cette réponse que l’on favorise dans la réédition, parce que George a fait son George. Si l’on veut s’enfoncer dans les détails, plusieurs versions existents. Wilburys viendrait de l’argot de studio développé par Lynne & Harrison, et ferait allusion soit à une certaine sorte de câbles, soit à des couacs obtenus pendant l’enregistrement. "Traveling", parce que le "Trembling" qu’Harrison proposait au début ne convint pas. Pourquoi ces pseudos, pourquoi ce changement ? Parce qu’autour des Wilburys s’était tissée une extravagante légende, abreuvée par les notes de pochettes de Michael Platin [2], et que c’est un autre groupe de Wilburys qui enregistrait. Parce qu’un hypothétique Vol. 2 aurait été perdu ! Parce qu’un bootleg de versions alternatives du Vol. 1 s’appelait déjà Vol. 2. Parce que Full Moon Fever ayant été un grand moment de collaboration, pouvait servir de Vol. 2. Parce que George trouvait ça marrant. Cher lecteur, faites-vous votre propre opinion sur la question…
Revenons aux choses sérieuses, ce volume 3. Il commence en trombe avec un She’s My Baby au gros son de guitare saturée de Gary Moore invité sur ce titre. Il enchaîne sur Inside Out qui, en plus de pouvoir se vanter d’avoir des paroles plus qu’étonnantes (Look out the window/ The grass ain’t green/ It’s kind of yellow/ see what I mean ?), est le titre des Wilburys qui rend le plus grâce au talent du jeunot du groupe, à savoir Tom Petty. Les voix de tous les Wilburys se mêlent et s’entraînent, en faisant un des titres les plus aboutis du répertoire Wilbury. Dylan est aux commandes du titre suivant, commençant royalement à l’harmonica If You Belonged to Me. L’album continue son petit bonhomme de chemin, avec des hauts et des bas, enfin surtout un bas, Seven Deadly Sins, qui reste assez incompréhensible. Tout en haut, on trouve sans contestation possible le splendide New Blue Moon et le génial Wilbury Twist qui ferait se déhancher un cul-de-jatte. Les deux pistes bonus sont elles aussi de très bonne facture. Elles ont servi à l’époque aux cris d’alarme d’Olivia Harrison sur la situation des orphelins roumains, qui, à la chute du mur, se retrouvaient complètement abandonnés. Nobody’s Child a été composé à la Wilbury, à savoir qu’entre le jour où Olivia demanda à son époux une chanson, s’ils avaient le temps, et l’enregistrement de celle-ci, moins de 48h se sont écoulées. Mais la chanson qui clôt cette Traveling Wilburys Collection n’est pas une pièce Wilburys, mais la face B du single She’s My Baby, une reprise du tube daté de 1961 de Del Shannon, qui se donna la mort en 1990. Runaway, version 2007 (avec un solo de clavioline remplaçant le duo guitare-harmonica) est un petit bijou qui à lui seul motiverait l’achat du coffret, et j’exagère à peine.
Que dire de plus ? Les deux albums, accompagnés d’un DVD où figurent les cinq clips du groupe et un sympathique reportage sur les dessous du groupe, sont enfin de nouveau disponibles. En plus d’être disponibles, ils sont accompagnés de quatre titres bonus d’un très bon niveau… "Hallelujah !" s’écrie le fan. "Pourquoi pas", se dit le curieux... et il aurait tort de se priver.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |