Sur nos étagères
Still The Same

Great Rock Classics Of Our Time

Still The Same

Rod Stewart

par Psymanu le 5 décembre 2006

1,5

paru en octobre 2006 (Sony-BMG)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Rod Stewart. Un récent album. Un retour au rock, ils disaient. Et lui aussi. On frémit, on vibre. Alors comme ça il y revient, après tout ce temps ? Après la variété, puis le jazz, ces American Song Books, et le cancer aussi mais ça il n’y est pour rien, voilà qu’il déboule à nouveau pour tenter de reconquérir un public qu’il a perdu depuis tellement longtemps qu’on ne sait même plus vraiment qui c’est, son public. Voire d’en séduire un nouveau.

Mise en situation, condition préalable. Oublier. Faire comme si l’on avait pas entendu de sa bouche qu’à son âge ça ne sert plus à rien de se prendre la tête à composer des nouveaux trucs, que ça ne se vendra pas. Comme les derniers McCa ou Elton John. Que ce qui compte pour lui c’est les ventes, et pas la qualité intrinsèque. Méthode Coué, se dire que c’est une facétie, une boutade, que merde, c’est Rod Stewart, Gasoline Alley, le Jeff Beck Group, les Faces, toutes ces belles choses. D’avant. Rester objectif, sans a priori, ou en tout cas, pas négatifs. Écouter Still The Same, la musique, son chant, et rien d’autre, dégagé de tout ce qui met les nerfs en pelotte et la boule dans la gorge. Faire comme s’il n’y était pas, ce foutu poignard dans notre dos. Depuis tant d’années... Putain mais qu’est-ce que tu nous fais, Rod, qu’est-ce que tu te fais à toi, surtout ? Qu’est-ce que t’as à te rouler par terre comme ça, dans la boue, avec tes costards neufs, puis à nous regarder de haut malgré tout, après ? Mieux vaut prévenir le lecteur : cette chronique ne sera qu’une longue jérémiade nostalgique de son auteur.

Bon, le coup du retour aux bases, au rock, il n’est pas le premier à le faire, et sur le papier ça sonne plutôt alléchant. Et inespéré. Mais dès le Have You Ever Seen The Rain de Creedence Clearwater Revival, c’est la douche froide. Mon Dieu, mais qu’est-ce que c’est que ces arrangements ? On navigue déja dans les eaux putrides de la FM la plus glaciale. Ce qui pourrait n’être pas si dramatique, parce que ce qui compte surtout, c’est que le timbre papier de verre de Rod reste le même et mette le feu à tout ce bordel. Las... Sûr qu’il chante mieux sous sa douche le matin. Conviction ? Zéro pointé. Il pose les mots bien dans le tempo, c’est bien carré, bien propre. Aucune folie, un synthé Bontempi-style qui nappe l’ensemble. Et c’est l’ennui. Déjà. Rod fredonne le rock en pensant à autre chose. Une insulte. Il semble avoir gardé les mêmes attitudes que sur les American Song Books, sauf que la juste mesure, la pondération, tout ce qui sied aux classiques du jazz ne marche plus lorsqu’il s’agit de rendre hommage à un art qui vit se déchaîner tant de forces insensées. Puis finalement, ça n’est même pas le fait qu’il chante doucement qui pose problème, il l’a déjà fait auparavent, et de quelle manière, Only A Hobo, de Dylan, tu te souviens, m’sieur Stewart ? Mais quelque chose ne passe plus, c’est comme voir deux lèvres bouger sans entendre le moindre son. Puisqu’on parle de Dylan, tiens, on trouve If Not For You, sur la galette. Un titre qui commence bien, pourtant, avec une guitare aux sonorités presque Faces, en intro, avant que les requins de studio ne foirent le bordel en oubliant que la musique, c’est aussi une affaire de feeling et que pour faire du bon boulot, il faut un minimum se casser le bol. Et Rod d’apporter une nouvelle preuve de ses égarements vocaux. I’ll Stand By You fonctionne un peu parce que cette chanson possède ce fluide magique qui en ferait encore un bon slow quand bien même le pire orchestre balloche se risquerait à en donner une interprétation. Day After Day, aux premières notes, renvoie à Gasoline Alley (soupir et étoiles dans les yeux). Classe ? Non : très vite, des chœurs sirupeux s’en mèlent, la rythmique se fait toujours plus conventionnelle et on s’enlise. Curiosité : Missing You reprend les mêmes arrangements que le Every Breath You Take de The Police, qui fut jadis reprise par Puff Daddy sous le titre... I’ll Be Missing You. Silence pesant et toussotements gênés dans l’assistance. Bon, on ne va pas passer au crible chaque chanson de cet album parce qu’elles sonnent toutes pareilles ou presque, et parce que ça fait trop mal de descendre en flêches aussi enflammées ce que l’on a tant aimé.

Tout au plus, on peut noter le symbole de l’impasse dans laquelle Rod Stewart s’est engouffré. C’est It’s A Heartache, cette scie rabâchée jusqu’à la nausée par l’infâme Bonnie Tyler. Tel un serpent qui se mord la queue, l’Écossais tente maladroitement de sonner comme Bonnie qui elle-même se voulait une Rod Stewart au féminin. Et cet amer constat : Miss Tyler faisait du meilleur Rod Stewart que Rod lui-même n’en fait aujourd’hui.

"Still The Same". "Toujours le même". Tu parles. Bullshit, mensonge éhonté. Ce disque qui aurait pu, qui aurait du être celui de la leçon à coup de botte dans le derrière aux jeunes générations n’est qu’une preuve de plus que la grâce rock’n roll vient puis s’évapore, au fil du temps, même chez ceux qui semblaient en être pourvu jusqu’au plus infime atome. Aujourd’hui, le vieux mod se ferait défoncer par n’importe quel chanteur de karaoké qui aurait bu une bière et écouté le Jeff Beck Group avant de prendre le micro, si n’était encore ce timbre dans lequel résident à présent les toutes dernières étincelles de l’art qui fut le sien. Et elles ne sont pas follichonnes. Finalement, ce Still The Same est son meilleur disque depuis des décennies, et ce qui rend bien compte de l’étendue du désastre. Quel gâchis. Rod Stewart est de ces amours perdus dont on espère toujours secrètement, et un peu honteusement, qu’à la prochaine revoyure, on saura déceller dans ses yeux, intacte, cette lueur qui se mellait à notre reflet, ce lien lumineux qu’on voulait indéfectible, ce diamant qu’on pleure encore d’avoir vu se briser. Et que tout repartira. Comme avant, comme ça n’aurait jamais dû cesser d’être. Pour fatalement tomber sur ce regard vidé de soi, celui qui signe la fin, qui dit que plus rien ne pourra plus jamais exister d’autre qu’une simple courtoisie, tout au plus le partage de quelques souvenirs, qui fait se demander ce qu’on a bien pu faire de mal pour ne plus compter à ce point, pour lui. Et Rod Stewart ne fera plus jamais l’amour à nos oreilles.



Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom



Tracklisting :
 
1- Have You Ever Seen The Rain (3’12")
2- Fooled Around And Fell In Love (3’48")
3- I’ll Stand By You (4’29")
4- Still The Same (3’38")
5- It’s A Heartache (3’32")
6- Day After Day (3’07")
7- Missing You (4’18")
8- Father And Son (3’36")
9- The Best Of My Love (3’44")
10- If Not For You (3’36")
11- Love Hurts (3’47")
12- Everything I Own (3’06")
13- Crazy Love (2’42")
 
Durée totale : 46’18"