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par Psymanu le 11 avril 2006
paru en 2002 (Mercury Records/Universal)
Stoppez tout. Si votre discographie ne doit comporter qu’un seul élément de l’interminable œuvre solo de Rod Stewart, c’est celui-ci : Reason To Believe. Il s’agit de la réédition et de la compilation en trois CD de ses cinq premiers albums pour Mercury Record, enregistrés entre 1969 et 1974, avant que le Mod ne passe la vitesse supérieure en terme de notoriété et ne quitte le monde des génies pour celui peut être plus confortable des superstars. Clairement, la plupart (et on se pince la lèvre pour ne pas dire « la totalité ») de ce que Stewart a fait d’exceptionnel en solo est ici. Et ce qu’il a fait d’exceptionnel est un passage obligé pour quiconque se demande quelle était la plus belle voix des 70’s, dans un registre que l’on qualifiera de blue eyed soul. Il y avait Marriott, Rodgers, Farlowe peut être, quelques autres qui se reconnaîtront. Mais le boss, c’est Rod, en vérité je vous le dis.
Le premier CD propose The Rod Stewart Album (1969, aussi appelé An Old Raincoat Won’t Let You Down), et Gasoline Alley (1970). Rien moins que ses deux meilleurs disques. Le premier donne à voir un jeune Stewart fraîchement évadé (avec son compère Wood) de chez Jeff Beck, où il fut si remarquable que les notes de pochettes de Beck-Ola se permettront de le nommer « extraordinaire » (en français dans le texte). Chouette compliment de la part du guitariste, avec qui, par ailleurs le courant ne passera qu’à demi. On sent toutefois les relents de cette expérience puisque Rod y sonne parfois plutôt heavy, comme sur Blind Prayer (prestation hurlante de Rod, dans ses accents les plus sévères), An Old Raincoat Won’t Let You Down, ou I Wouldn’t Ever Change A Thing, et sur le miracle que constitue la reprise du Street Fighting Man des Stones. Totalement réinventée et meilleure que l’originale. A côté, des titres plus lents, rappelant que Rod est, comme il se définit lui-même, avant tout un « folkeux ». Man Of Constant Sorrow, ou Dirty Old Town, à l’instrumentation acoustique minimaliste, montrent à quel point Stewart s’est souvent gâché, et continue de le faire, en se noyant dans trop d’effets de studio. Le défaut de cet album, si tant est qu’il puisse être génant, ce qui n’est pas le cas, c’est ce manque de cohérence du tout. On sent que son auteur se cherche, il ne semble encore que le chanteur d’un groupe assemblé en studio, il n’est pas encore secondé comme il le mérite.
C’est fait dès Gasoline Alley, l’album suivant : parallèlement, il fonde les Faces sur les cendres des Small Faces (dont ils reprennent My Way Of Giving) emputés de Marriott, avec son pote Ron Wood. Et ce sont ces gars-là qui le suivent sur ses projets en solitaire. Avec eux, il trouve la complicité qui permet le grain de folie, et malgré la mélancolie qui se dégage des compos comme des reprises (la chanson titre est sublime, Only A Hobo à pleurer), on sent ce chaleureux copinage enfantin qui faisait le charme des Faces.
Le second CD se compose de Every Picture Tells A Story (1971), et Never A Dull Moment (1972). Le premier est le plus populaire de sa discographie. Le plus autobiographique, aussi, peut être. Il comporte en son sein le super hit Maggie May, un passage obligé de chacun de ses concerts depuis, l’histoire d’un gamin amoureux d’une prostituée. Très poétique, si si. Il comporte aussi le morceau qui donne son nom à l’album, sorte de mise en musique de ce qui fut la jeunesse de Rod Stewart, son départ du cocon familial, pour aller découvrir le monde, sa visite d’une prison française (mais oui) pour vagabondage, le tout chanté avec un enthousiasme postillonneur de pilier de comptoir. Il a vécu quelques aventures pittoresques, et il les raconte merveilleusement. Rod place ici, en plus de ses reprises bien senties (Dylan encore avec Tomorrow Is A Long Time, mais aussi Presley sur That’s All Right, ou encore (Find A) Reason To Believe de Tim Hardin ), une autre somptueuse composition, la bien nommée Mandolin Wind, que l’on peut placer dans une veine similaire à Gasoline Alley. Tout bon fan du Mod rêve chaque nuit que son idole retrouve un jour le filon de telles pépites. Never A Dull Moment n’est pas dégueu non plus. Il possède ses propres instants de bravoure, tels You Wear It Well, ou le très Faces True Blue qui part brillamment en vrac (comme il se doit de la part de ce groupe), ou encore la reprise de Twistin The Night Away de son héros Sam Cooke, signant une filiation qui était de toute manière évidente depuis le départ. Si ce disque est un peu connu, c’est que l’ensemble ne propose rien de très neuf par rapport aux trois précédents efforts, mais à l’écoute attentive il est évident qu’il est impossible objectivement de lui reprocher quoi que ce soit ni même de classer ces chansons ne serait-ce qu’un demi cran en dessous des autres.
Enfin, le troisième CD contient Smiler (1974), le cinquième et dernier album de sa période Mercury. Le moins bon, également, celui qui sent le plus la redite, ou en tout cas une sorte de lassitude. Ou bien la lassitude est-elle celle de l’auditeur ? Car il faut bien admettre que non seulement ce disque n’apporte pas grand-chose, mais en plus le déjà vu est un chouïa moins réussi qu’à l’accoutumée. Pour donner l’illusion, Rod accélère le tempo, revient aux bases, comme sur Sweet Little Rock’n’Roller et Let Me Be Your Car (en duo avec... Elton John), ou en appelle à quelques cuivres sur Sailor. Girl From The North Country ou Mine For Me annoncent aussi hélas quelques unes de ses scies à venir. Bon, le tout reste très très écoutable, c’est même excellent si on ne fait pas l’erreur d’écouter Gasoline Alley avant, par exemple. Et puis il chante toujours aussi bien. Mais que s’est-il passé pour qu’une baisse de forme soit aussi sensible ? Très simple : les luttes d’égo qui étaient déjà apparues en 1971/72 se sont faites plus vives, au point que Ronnie Lane a claqué la porte, emportant avec lui, dixit Rod lui-même, « la magie des Faces ». C’est qu’alors que Stewart cartonne en solo, les disques du groupe, eux, sont plus discrets. Rod est accusé de conserver ses meilleures chansons pour lui, ce qu’il nie farouchement. Ce genre de choses...
Ce 3e CD contient aussi quelques inédits : des ballades surtout, mais aussi le jazzy Every Time We Say Goodbye, ou le soul Oh ! No Not My Baby, et Pinball Wizzard, tiré de la version live avec orchestre symphonique du Tommy des Who.
Superbe réédition en digipack d’un matériel incontournable dans sa grande majorité, Reason To Believe est un bel objet indispensable à tout fan de Rod Stewart, ou des Faces, qui se respecte. Il fixe pour l’éternité l’Écossais au sommet de sa générosité musicale et vocale, lorsqu’il n’était pas encore complètement esquinté par le star system et autre bullshit. Écouter ces disques, et se demander, inlassablement, ce qui empêche aujourd’hui leur auteur de faire ne serait-ce qu’à moitié aussi bien. Et pourquoi il n’essaye même plus, surtout. « Sing it again, Rod ! »
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