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mercredi 15 avril 2015
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par Béatrice le 14 février 2006
paru le 30 janvier 2006 (Domino / PIAS)
Propulsés sous les projecteurs par quelques démos balancées dans l’océan numérique, les Singes de l’Arctique font probablement partie des groupes qui ont connu l’essor le plus rapide, puisqu’il leur aura fallu à peine 6 mois pour passer de l’anonymat complet au statut d’emblème national (quoi, j’exagère ?), et ce grâce à la seule magie du téléchargement. Un peu à la traîne pour la deuxième fois dans l’année (Arcade Fire, quelqu’un ?), les médias musicaux se sont empressés de faire monter la chantilly, les ont proclamés héritiers des Clash, des Smiths, d’Oasis ou des Streets, phénomène générationnel, et tout un tas d’autres merveilles que les Monkeys n’auraient certainement jamais osé imaginer. Encore plus à la traîne, Inside suit bêtement le troupeau et pond aussi son article - sans aller jusqu’à proclamer les quatre de Sheffield héritiers des Clash et des Smiths, parce que même la mauvaise foi a ses limites.
Force est de constater en tout cas que, quand bien même cet album serait (peut-être) le "5e meilleur album britannique de tous les temps" (NME dixit), sa pochette est franchement laide (désolée pour le monsieur dessus). Son titre aussi d’ailleurs. Plutôt de mauvais augure quant à la musique. D’autant plus qu’à l’écoute du premier titre, on serait tenté de penser que le contenant se veut simplement représentatif du contenu... Guitares pas très discrètes, harmonies inexistantes, mélodies difficiles à repérer (et pourtant on les cherche), auxquelles s’ajoutent une production toute en lourdeur et sans subtilité aucune qui fait regretter les démos, qui , au moins, possédaient une spontanéité qui leur conférait une certaine fraîcheur... même si le riff est assez entraînant et la voix intéressante, on a du mal à trouver l’ensemble mélodieux, agréable et enthousiasmant. Le titre suivant, bien que ce soit le multi-platiné single I Bet You Look Good On The Dancefloor, n’éveille pas tellement plus l’intérêt (ou alors,seulement le temps de l’intro et des premiers vers), et il va en être ainsi de la plupart des titres de la première moitié de l’album. En effet, si on excepte Fake Tales Of San Francisco, titre nerveux et ironique, paraissant sortir de nulle part, qui ressemble vraiment à une vraie chanson (à peu près) produite, le souvenir qu’on garde des six premiers titres est surtout celui d’une bouillie de refrains et riffs accrocheurs voire racoleurs et de slogans appropriés ("Get on your dancing shoes/ You sexy little swine" ou bien "What do you know ?/ You know nothing/ But I’ll still take you home"). Alors oui, tout ça va vite, a une certaine efficacité et peut être à petite dose un excellent antidote aux réveils difficiles, mais cela s’appuie presque exclusivement sur une production monolithique, sur une rythmique saccadée et sur le flow certes assez impressionnant d’Alex Turner, ce qui tend à peser et à lasser un peu... Tant et si bien qu’à la fin de Still Take You Home, on commence à sérieusement envisager d’arrêter le disque avant l’indigestion.
Conscience professionnelle oblige, on poursuit et... heureuse surprise , la chanson suivante, Riot Van, malgré un titre qui laissait présager le pire, s’avère être une petite balade acoustique, toute simple et délicatement mélancolique, qui réconcilie un peu avec le groupe. Et curieusement, après ce titre, tout semble beaucoup mieux passer ; on commence à distinguer des chansons aux structures plus délicates, plus travaillées et plus diverses, et on a enfin l’impression d’écouter un véritable album... Même si Maybe Vampires Is A Bit Strong But... rassemble pas mal de lieux communs ("Ce sont des méchants requins les gens du bizness qui veulent se servir de nous pour s’enrichir et nous jeter à la poubelle dès qu’on ne leur rapportera plus assez d’argent"... non, on n’avait jamais entendu ça avant ! ) et a des relents désagréables de la première moitié du LP, Mardy Bum et When The Sun Goes Down (anciennement connue sous le titre de Scummy, abandonné car grossier...) ont un charme certain. Sur ces quelques titres, on a l’impression que le guitariste a enfin compris qu’il n’était pas obligé de jouer toujours sur toutes les cordes en même temps, et ses arpèges acérés, associés à la voix d’Alex Turner qui se fait plus sensible et posée, ne sont pas sans évoquer les Libertines (auxquels il est quasiment impossible de ne pas penser à l’écoute du refrain de Mardy Bum) ; le groupe semble aussi s’être rendu compte que les breaks à répétition et les rythmiques trop saccadées sont irritants à la longue, et les utilise avec (un peu) plus de parcimonie, ce qui fait que l’ensemble gagne en fluidité. Là, on se dit que les quatre Singes ont peut-être effectivement un potentiel de chroniqueurs du quotidien désoeuvré de la jeunesse anglaise... même s’ils auraient probablement gagné à le laisser se développer encore un peu. From The Ritz To The Rubble (un des rares titres sur lesquels on entend distinctement tous les instruments !), avec ses intonations hip-hop, et A Certain Romance, dernière et probablement meilleure chanson de l’album, qui évoque un drôle de croisement entre les arpèges incisifs des Libertines et les mélodies élastiques d’Hot Hot Heat, permettent de quitter l’album avec de meilleurs dispositions à son égard que quand on l’avait abordé... Tout en se demandant ce que les journalistes du NME avaient bien pu ingérer pour le placer devant les Beatles et les Kinks dans leur classement.
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