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par Vyvy le 17 septembre 2007
paru en septembre 1988 chez Warner
Been beat up and battered round…. Les Traveling Wilburys. 5 guitaristes-chanteurs-compositeurs, Nelson, Otis, Lefty, Charlie T Jr et Lucky Wilburys ont avec Handle With Care signé leur premier titre…et premier hit.
Première version. Tout cela se passe durant le mois d’avril 1988, quand Nelson, Otis et Lefty vont passer une journée chez Lucky. Ça mange sûrement végétarien, mais in fine, ils se font un bœuf. Chez Lucky, tout le monde met la main à la pâte, y va de son grain de sel respectif : la recette paraît bonne mais il manque quelque chose, quelqu’un… Ce quelqu’un, ça va être le dernier frérot (tout les Wilburys se présentent comme les fils du prolifique Charles Truscott Wilbury, Sr.) Charlie Jr, et ce quelque chose, ça va être une bonne vieille galette. Leur petite trouvaille, mise sur une galette, a un tel succès auprès de cette caste à part que sont les maisons de disques que les braves fistons à Charles Truscott décident que décidemment il faut transformer l’essai… La chose va devoir être faite bien vite (10 jours pour écrire et enregistrer l’album dont est extraite la chanson ici en question), car Lucky doit partir en tournée fissa fissa sous son nom de scène, un certain Bob Dylan….
Ah mais voilà qui complique les choses évidemment. Loin d’être l’histoire d’une fratrie déglinguée, les Traveling Wilburys sont l’histoire de quelques (célèbres) potes s’amusant à faire ce qu’ils font de mieux, à savoir, du rock’n’roll…
Deuxième version [1]. Harrison veut une chanson bonus pour la version européenne de This Is Love (pire qu’une face B somme toute !), et le temps presse. De passage a L.A il appelle Jeff Lyne (qui s’occupe à produire Roy Orbison) et lui dit tout de go, « j’ai besoin d’une chanson, je vais l’écrire et l’enregistrer demain, tu peux me donner un coup de main (et accessoirement me trouver un studio) ? ». Jeff Lyne, loin de se démonter accepte (Orbison leur disant, en passant, que ça lui ferait plaisir de participer). Jeff a bien une idée pour le studio. Au fond du jardin de Dylan il y a ce petit studio dans le garage, parfait pour ce genre d’impromptus… Harrison, séduit par l’idée, appelle Bob qui rétorque sûrement, au vu de la suite, « bien sûr, venez donc ! », puis passe chercher sa guitare chez Tom Petty (ne vous inquiétez pas, c’est le dernier nom à être cité) qui, ayant eu vent de ce qui se mijote, saute sur l’occasion (« oh, je me demandais justement ce que je faisais demain ! »).
Les quelques amis réunis, ils commencent une petite jam session. Harrisson s’inspire alors d’un vieux carton… dessus, écrit l’équivalent de notre « fragile » ; « handle with care »… et voici qu’arrive l’accroche de la chanson :been beaten and battered round… Mais Harrison, s’il initie la chanson (c’était après tout lui qui en avait besoin, d’une chanson !) n’est pas le seul crédité il y travaille notamment avec Orbison, qui indique qu’ « [ils étaient] entrain de travailler dessus quand Tom et Bob passèrent et lâchèrent quelques mots ». Ecriture sérieuse et à dix mains.
Nous revoilà donc avec le Bob, face à un micro et toujours accompagné de son fidèle harem d’harmonica. Ici que voyons nous ? Un Dylan sans grande classe, à la voix bousillée, qui égraine quelques notes et gratouille un peu (mais reste, admettons le, un dieu de l’harmonica). Harrison-Nelson au sommet de son chant peut-être, d’une voix assurée et rassurante, Roy « Lefty » Orbison qui va bientôt mourir habite la chanson, Petty-Charlie Jr et Lynne-Otis (le deuxième briton de la troupe) y vont de leur indéniable talent. Bref, seul Dylan, hôte de ce barbecue si ce n’est légendaire du moins fondateur laisse à première vue à désirer. Alors pourquoi parler de ce moment de Dylan, au lieu de prendre un grand classique (ce qui a déjà été fait d’ailleurs ici et là) ou une bonne nouvelle ? Parce que Dylan comme membre d’un (éphémère) super groupe n’est pas le même que Dylan-On the Road Again (et again, et again). Dylan entouré d’amis, d’égaux (d’egos !) n’attire pas à lui toute la lumière : agréable changement et manière de se renouveler intéressante. Les Traveling Wilburys sont un moment unique dans la musique de Dylan. Dylan n’est pas central, surtout dans Handle With Care. Non, au centre d’Handle With Care on retrouve le vieil ami Harrison, celui avec lequel il signait en 71 le premier concert humanitaire, et aussi son premier enregistrement live, au travers des Concert for Bangladesh. Près de 20 ans après, les voilà qui remettent le couvert, avec d’autres convives et d’autres idées. Plus l’envie de sauver le monde, mais bien de tuer le temps, avant qu’il ne les tue, Roy Orbison le premier.
Mais revenons, je m’égare, à Handle With Care. Cette chanson est emblématique des Wilburys, et c’est d’ailleurs celle-là que vont reprendre les actuels Jamie Hoover mais surtout Jenny Lewis, amenant, comme Harrison à l’époque, la crème de son carnet d’adresse (Oberst, M Ward…). C’est une chanson faite pour s’amuser entre amis. Pas très compliqué, avec une jolie mélodie qui vous habite les méninges sans trop les remuer.
Au final la chanson, construite sur des couplets de plus en plus dézingués (In Day Care Center and Night School…oui bien sûr), reliés par des chorus portés par la voix phénoménale de Roy Orbison, saupoudrée du récurrent Handle Me With Care ou l’on entend la voix grave et bousillée (comme un Gainsbourg dirons-nous) du sieur Dylan. Sa voix, dure, déconnectée de la mélodie eighties très pop que tissent les 5 guitares, se colle aux paroles : la prudence de l’homme blessé par la vie, qui quand il tombe amoureux n’abandonne que feuille-à-feuille son énorme carapace. En quelques mots, Bob Dylan sonne beaten et battered round, aucun doute qu’il eut été shot down. Roy est là pour le miel –on parle d’amour après tout- (son tremolo sur le Looove to give, fichtre, ferait fondre la banquise si celle-ci ne fondait pas déjà toute seule comme une grande), George pour la structure, mais Dylan amène une note aigre, nécessaire à ce que la sauce prenne bien. Ce serait lui accorder trop d’importance sûrement que de dire que sans lui la chanson n’aurait pas été bien (quoique sans son garage et son hospitalité elle n’aurait jamais vu le jour). Le talent des 4 autres, et notamment celui, mis bien en avant sur ce titre de Roy et George (et de Jeff Lynne en tant que producteur), porte la chose, et les bonnes reprises du titres montrent qu’on peut faire un très bon Handle With Care sans Dylan. Oui mais…mais voilà. Le Dylan fait un peu caillou au milieu des galets. Ça roule avec les autres, ça roule, mais ça n’en devient pas pour autant aussi poli… et d’ailleurs le public ne s’en plaint pas, faisant voyager les Wilburys jusqu’au n°45 du top 100 américain… et 21 du top britannique.
Et non, cet article ne finira pas sur une citation de charts. Mais plutôt sur cette image. 5 rock stars, sans roadie, dans un petit studio, essayent d’enregistrer une chanson qu’ils viennent d’écrire en urgence (et sans grand sérieux, ils travaillent après tout pour « une chanson bonus de l’édition européenne d’un single »).
« Vous pouviez nous voir fouiller dans des boîtes à la recherche d’un câble ou d’une corde. ‘Eh, il y en avait un là ! Et merde j’ai besoin de piles pour ce truc’… c’était…rafraîchissant »
Tom Petty
[1] Les anectodes et citations proviennent de Dylan, Behind the Shades par Clinton Heylin
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