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par Kris le 27 juin 2006
Chanson au propos a priori évident, It Ain’t Me, Babe nous révèle si l’on en doutait encore des qualités stupéfiantes de songwriting de Bob Dylan.
On ne présente plus Bob Dylan (espérons...), et on ne présente presque plus une de ses chansons phares, It Ain’t Me, Babe. Dernier titre de l’album Another Side Of Bob Dylan sorti en 1964, It Ain’t Me Babe semble être une innocente chanson d’amour enfin plutôt de non-amour, dédiée à on ne sait quelle conquête de Dylan, mais une fois de plus, le grand Zimm’ n’est pas si transparent et cette apparente simple ballade folk peut nous réserver quelques surprises...
Première lecture évidente, Bob Dylan a écrit cette chanson d’expérience personnelle, à propos d’un homme qui ne semble pas pouvoir aimer une femme comme elle le souhaiterait ou comme elle l’aime. Propos non pas d’un homme qui s’enfuit, fuyant son rôle, fuyant son engagement, mais d’un homme assumant ses responsabilités vis-à-vis d’une femme avec laquelle il s’était engagé. Tout n’est que question d’intégrité, de vérité. Elle l’aime, mais lui ne peut lui offrir cet amour qu’elle aimerait recevoir en échange, préférant être franc, probant justement que l’amour doit venir des deux côtés de la relation. On sent l’envie de ne pas blesser, ce côté désolé de ne pas ressentir le même sentiment réciproque, il lui souhaite de trouver la personne qui lui correspond, mais que cette personne n’est malheuresement pas lui.
But it ain’t me, babe,No, no, no, it ain’t me, babe,It ain’t me you’re lookin’ for, babe.
Cette chanson a été reprise quelques années plus tard par le couple Johnny Cash - June Carter, et ces deux-là illustraient à point nommé ce propos tenu et entretenu par Bob Dylan.
Mais si on connaît finalement peu Bob Dylan le sentimental, on connaît en revanche beaucoup plus Bob Dylan le révolutionnaire. Et à bien y regarder, cette chanson apparemment commune ne déroge pas à la règle.
Go melt back into the night, babe,Everything inside is made of stone.There’s nothing in here movingAn’ anyway I’m not alone.You say you’re looking for someoneWho’ll pick you up each time you fall,To gather flowers constantlyAn’ to come each time you call,A lover for your life an’ nothing more,But it ain’t me, babe
Cette femme dont l’intérieur est totalement fait de pierre, n’est autre que la Statue de la Liberté, symbole de l’Amérique, symbole du patriotisme. Gravé dans la pierre, l’amour patriotique, la soumission à la nation est finalement quelque chose qui n’est pas compatible avec le tempérament et les objectifs de Dylan. Cette nation souhaite récupérer sans obtempérer cette emprise sur tous les patriotes, un "We Want You" permanent tirant sur la corde sensible du patriotisme. Seulement Dylan ne l’entend apparemment pas de la même oreille :
I’m not the one you want, babe,I’m not the one you need.You say you’re lookin’ for someoneNever weak but always strong,To protect you an’ defend youWhether you are right or wrong,Someone to open each and every door
You say you’re lookin’ for someoneWho will promise never to part,Someone to close his eyes for you,Someone to close his heart,Someone who will die for you an’ more
Clairement, le patriotisme vu par Dylan est une soumission totale à la nation, quelles que soient les raisons, quelles que soient les circonstances et les raisons, le patriote se doit de donner corps et âme, se soumettre aux mille et une nécessités de la mère patrie. Ce qui semble clairement inconcevable pour l’indomptable Bob Dylan et fait donc signifier l’incompatibilité des objectifs et des notions de valeurs.
De plus, à cette époque dans les années 60, Bob Dylan, succès grandissant, était surnommé The Voice Of A Generation, ayant fait de lui une icône, un porte-parole désigné. Mais Dylan ne voulait pas se donner autant d’importance, préférant rappeler qu’il n’était qu’un chanteur, auteur-interprète de chansons qui trouvent des portées incomparables certes, mais qu’il ne demeurait qu’un artiste. Il ne voulait pas se mettre trop en avant, ne voulant pas trop se révéler et endosser un rôle trop grand pour lui, qui ne lui va pas. Cette chanson paru sur album qui sortira un an après l’assassinat de Kennedy est peut-être un message implicite à ceux qui voulaient faire de lui ce qu’il n’est pas, ce qu’il ne voulait pas être. Se donner trop d’importance, est-ce peut-être là ce qu’il ne pouvait donner mais que l’on espère de lui, cet amour inconditionnel d’un public qui voit en lui un leader alors que lui ne se voit qu’en tant qu’artiste et refuse de se donner une envergure supérieure qui ne lui conviendrait pas.
Qui sait finalement ce que Dylan voulait réellement signifier au travers de cette chanson ? Une rupture amoureuse ? Une chanson anti-patriotique et anti-nationaliste ? Un message à une génération qui le vénère ? Peut-être tout à la fois, peut-être aucun... Bob Dylan est un personnage dont le mystère s’étend jusque dans les plus anodines de ses chansons, et dont l’envergure est immense, quoiqu’il puisse en penser. Le Zimm’ sera toujours là, no matter what.
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