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par Gilles Roland le 15 novembre 2011
Au commencement, une mitraillette. A la batterie, le chat envoie de courtes salves à la caisse claire. Un tir de sommation ? Non, l’exécution aura bien lieu et elle se fera à l’aide d’un flingue. Mais attention, Kiss ne parle pas de tuer quelqu’un mais seulement de tirer un coup...
C’est Paul Stanley alias Starchild qui a écrit la chanson. La précision est importante car dans Kiss, le quetard notoire c’est Gene Simmons. Vous savez, le Démon, celui qui tire la langue et qui crache du sang (et cela à n’importe quelle période du mois). C’est de notoriété publique, Gene Simmons, avant de se faire passer la corde au cou il y a peu de temps (et devant les caméras sinon c’est pas rigolo) aimait bien tringler à tort à travers. Un peu à la manière de Poelvoorde dans son dernier film : "Tu vois moi avec les femmes, je me focalise sur la quantité, pas sur la qualité. La qualité je m’en fous mais je fourre du boudin". Il aurait été donc logique que ce soit lui qui ponde des paroles comme celles de Love Gun. Et bien non, c’est bien Paul Stanley l’auteur de ce brûlot fiévreux, qui depuis sa parution en 1977 (sur l’album éponyme) est devenu l’un des classiques du groupe new-yorkais.
Car Paul Stanley aussi a toujours aimé profiter des avantages en nature offerts par les hordes de groupies, qui bien souvent n’attendaient pas le démaquillage pour se jeter sur leurs idoles. La réputation en la matière de Stanley n’est d’ailleurs plus à faire, et Love Gun de confirmer qu’en plus d’être un redoutable amant, le sieur est également un grand poète, à la prose aussi maniérée qu’une bonne grosse assiette de saucisse purée (aucun rapport).
I really love you babyJe t’aime vraiment chérieI love what you’ve gotJ’aime ce que tu as
Jusqu’ici, rien de notable. Le rock a toujours puisé son inspiration dans les histoires d’amour. Et si ce sont souvent les peines de cœur et les love story contrariées qui ont nourri les carnets des rockeurs éplorés pour ensuite déboucher sur des tubes fédérateurs, ce n’est pas la même salade chez Kiss. Et ce pour un simple et bonne raison : aucune nana normalement constituée ne saurait opposer de résistance à l’un des membres de Kiss. Idem pour ce qui est de mettre fin à une bluette. On ne quitte pas un membre de Kiss. C’est lui qui vous quitte.
Let’s get together, we canSoyons ensemble, nous pouvonsGet hotAvoir chaudNo more tomorrow, babyPas de demain chérieTime is todayAujourd’hui c’est le momentGirl, I can make you feelCherie, je peux te faire ressentirOkay
L’assurance et la haute estime de soi transpirent par ces vers. Vers que n’aurait pas reniés Raimbaud. Kiss annonce la couleur sans détour.
No place for hidin’ babyPas d’endroit pour se cacher babyNo place to runPas d’endroit pour s’enfuirYou pull the trigger of myTu presses la détente sur monLove gun, (love gun), love gunFlingue d’amour, Flingue d’amourLove gun, (love gun), love gunFlingue d’amour, flingue d’amour
Voilà, nous y sommes. La métaphore est suffisamment parlante et sur scène, il n’est pas rare que Paul Stanley joigne le geste à la parole en mimant avec la main un coup de feu. Combien de groupies du premier rangs furent touchées au fil des années par la balle d’amour imaginaire de Paul ? Nul ne sait. Paul, par contre, doit avoir une idée du nombre de celles qui ont tâté du flingue dont la chanson parle.
You can’t forget me babyTu ne peux pas m’oublier babyDon’t try to lieN’essaie pas de mentirYou’ll never leave me, mamaTu ne me quittera jamais chérieSo don’t tryAlors n’essaie pasI’ll be a gambler, babyJe serai un joueur babyLay down the betÉtablit la miseWe get together, mamaNous nous réunissons chérieYou’ll sweatTu transpireras
Des vers qui sentent le vécu à plein nez et qui établissent des règles du jeu bien claires et emblématiques du mode de vie ancestral de toute bonne rock star qui se respecte. Toutes, par contre, n’assument pas la chose. Jon Bon Jovi par exemple qui chante l’amour sur un lit de roses mais qui, une fois le moment crucial passé, n’a pas dû rappeler beaucoup des donzelles qui ont brossé son torse velu, pour leur proposer de partager des pancakes autour d’une tasse de thé bien chaud.
Après, on pourra (et on devra) souligner le caractère très machiste, voire carrément misogyne d’une pareille poésie. Certes, c’est tout à fait le cas. Les quatre Kiss sont d’ignobles porcs assoiffés de sexe, qui, durant leur longue carrière, n’ont guère daigné accorder plus d’importance que nécessaire à leurs admiratrices, une fois passées leurs coucheries dénuées de sentiments. Même si aujourd’hui, tout ce joli monde est casé, les chansons, elles, restent, telles des vestiges inoxydables d’une époque nourrie de beuveries sexuées et d’orgies imbibées.
Alors que fait Kiss, et plus spécialement Love Gun, dans une rubrique dédiée en partie aux textes des chansons ? La réponse coule de source. On parle de rock and roll. Un genre qui, s’il englobe des artistes-poètes plus subtils et cérébraux que Kiss , comprend aussi une ribambelle de sales gosses qui ont fait de la devise Sex, drug and rock and roll un vrai mode de vie. Les Mötley Crüe, Aerosmith, Guns N’ Roses, Sex Pistols ou Poison, qui firent les beaux jours des adolescents avides de brutalité outrancière dans les années 70-80 et 90 et qui aujourd’hui sont regardés de haut par une intelligentsia qui se réclame de l’influence d’un rock élitiste. Des groupes au goût parfois douteux, aux tenues flashy et à la langue pendue, qui ont largement contribué au prestige d’une musique désormais intemporelle. Et dans le genre, Kiss est un monument. Pour ses paroles, comiques ou/et scandaleuses, pour son attitude bigger than life ET pour sa musique.
Et c’est aussi et surtout pour cela que Love Gun (on y revient) est un hit imparable. L’un de ceux qui vous prend aux tripes dès les premières mesures et qui ne relâche son étreinte qu’une fois la toute dernière note exécutée.
La partition de Love Gun n’a rien de compliquée. Quelques power chords et un solo qui grimpe vers les aiguës pour s’achever dans un déluge de notes en forme de bouquet final. Une façon comme une autre de symboliser l’orgasme. Du bout des doigts... on prend son pied.
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Nous laisserons au lecteur le soin d’apprécier l’ironie de la chose.
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