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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 12 décembre 2006
paru le 10 octobre 2006 (Warner)
Le deuxième album d’Arkol, groupe manceau de cinq jeunes gens avides de "rock’n’roll made in France", vient de paraître, trois ans après Vue Imprenable. C’est long, pour un jeune combo, mais ça donne de quoi mûrir son propos et sa musique. Il paraît.
Comment appréhender ce disque ? Car On aurait Dit Qu’On Était Bien constitue un dilemme pour tout auditeur se posant tout de même un minimum de question sur ce qu’on lui donne à gober. Un soucis de point de vue à adopter, de niveau auquel se placer, même. On pourrait facilement jouer sur les mots en s’exclamant qu’il n’existe qu’un seul point de vue possible : le bon. Sauf que. Autant le dire tout de suite, il fait partie de ces œuvres qu’on a envie de haïr, spontanément. Faut dire, déjà, qu’être cueilli à froid par le populisme démagogique (pléonasme, OK) de la brochure, ça retranche sur la défensive. Je cite : "Quiconque ne sait pas ce que c’est que de vivre dans 15m², se faire larguer par sa nana, ou pointer à l’ANPE ne saisira peut être pas de quoi parle Julien (le parolier/chanteur, NDLR)". Ca veut dire quoi, ça ? Que si t’adhères pas, ben t’es un nanti qui n’a jamais rien connu ? Que si au contraire tu sais bien de quoi il retourne, tu ne peux qu’aimer Arkol ? Merde, je suis déjà exclu du débat parce que je ne me situe nulle part là-dedans, ou au maximum à la croisée de ces chemins. Même pas consensuellement mou, je me place juste dans le camp de ceux qui trouvent ça trop facile. Et puis, il y a ce titre, On aurait Dit Qu’On Était Bien. On lit bien là-dedans la volonté de jouer les faux naïfs, clin d’œil à l’assistance, pour dénoncer un monde qui nous en fait baver, on l’aura compris, mais si, les 15m², tout ça, vous savez bien. Mais c’est franchement du déjà-vu, cette posture, le genre de truc casse-gueule qui nécessite une foutue personnalité et du talent à revendre pour faire passer la pilule, et par le bon trou, s’il vous plaît.
Ça, c’est pour l’enveloppe, les atours. Après, il y a la musique en elle-même, tout ce qui compte, ou presque, mais c’est quand même dommage d’avoir à lutter à ce point pour insérer le disque dans la platine. La faute à qui, ceci dit ? "C’est pas moi, c’est eux qui ont commencé." Na. Et paf, problème, dès les premières minutes. La question du point de vue à adopter, "the come back of the revenge". Une intranquillité de chaque instant et hélas un frein à main à maintenir relâché, en permanence, pour votre serviteur. Je fais quoi ? Je tente de retrouver toute ma naïveté face à ces petites chroniques du quotidien, je jouis de la spontanéité des mélodies, de la fraîcheur de l’ensemble ? Alors, autant le dire tout de suite, c’est comme ça qu’il faut le prendre. Normalement. Mais comment garder le cerveau débranché aussi longtemps ? Le quotidien, on en a vite fait le tour, c’est même ça qu’on lui reproche, sa douloureuse routine. Alors, comment rester zen face à la récurrence des allusions guillerettes au frigo qu’il est vide et qu’on a pas de sous même qu’on peut manger que des pâtes et qu’on étouffe à force zut, quoi (écoutez, je ne mens pas, vous n’avez qu’à feuilleter le livret et compter, c’est hallucinant) ? Parce qu’à un moment, t’es obligé, forcément, de remarquer que ça tourne en rond, et que même si la forme d’un disque s’y prête, ça n’est pas ce qu’on lui demande. Et puis si on veut dénoncer, faut tailler, à un moment donné. Faut que ça fasse mal, obligé. Or ici, rien de tel. Des textes Calimero. "C’est trop injuste", puis point barre. "Oui, bon, et alors ?" Assorti d’un gros glaviot à la face de l’interlocuteur, là, je ne dis pas, ça passerait tout seul, mais il le faut, ce petit supplément-là, condition sine qua non. Faut vous dire, messieurs, qu’Arkol se revendique de Renaud. Sauf que Mr Séchan, lui, du temps de sa flamboyance et même encore aujourd’hui, sporadiquement, tailladait, lacérait, ou bien picottait (non monsieur, je n’ai pas dit "picolait", encore qu’on conseillerait presque aux membre d’Arkol de s’y mettre à fond), au minimum. Faut que ça gratte, par endroit, pas que ça glisse tout seul, parce que ce qui glisse tombe par terre, à la fin, et puis on marche dessus et on l’oublie. Peut-être qu’ils s’en moquent, eux, après tout. Mais moi, ça me fait mal au cœur, qu’on s’époumone pour que dalle, qu’on brasse des mots qui ne rencontreront rien ni personne.
Je vous demande pardon ? Je n’ai pas parlé de la musique ? Ah oui, pardon, je me suis laissé aller. Alors Arkol, sur ce On Aurait Dit Qu’On Était Bien pratique un petit garage rock sans aucune prétention, merci à lui, qui se laisse fort bien écouter. Le riff de J’Ai La Haine rappelle un peu Lust For Life. Le groupe dit trop écouter les Strokes, ça n’a rien de si évident à l’écoute, quoi que certaines sonorités puissent en effet s’en rapprocher, comme sur Tout Le Monde Est Un Con, pour l’exemple le plus notable. Fait Divers, est très dans l’air du temps, avec une rythmique un peu disco sur les refrains. C’est comme J’Aimerais, c’est efficace, et ça vaut tout un tas de groupes en The qu’on supporte sur MTV parce qu’on ne pige pas les paroles en "angliche", mais là, pas de chance, ça nous cause, et pas très bien. Le meilleur moment du disque, c’est Mon Grand-Père, une petite ballade acoustique, pour qui sied cette fois parfaitement l’ambiance dilettante et la simplicité des textes. La mayonnaise prend, mais ça ne sauve pas des eaux, ça ne sauve pas du reste.
J’ai tout essayé, pour ne pas le détester, On Aurait Dit Qu’On Était Bien. J’ai échoué, lamentable, sur les touches de mon clavier. Mais maintenant qu’il est l’heure de conclure, je me dégonfle, et après l’avoir bien aspergé de boue, ce skud, je lui passe un coup de jet d’eau, vite fait, et puis je le lance à ceux qui aiment la musique rock parce qu’ils aiment bien le son que produit une guitare frottée sèchement, et qui se foutent qu’un thème ait été mille fois débattu et rabaché parce qu’ils n’écoutent pas les paroles de toute façon quand ils sautent frénétiquement sur place. Si pour vous le rock n’est pas une question, pas un problème, pas un truc important, alors vous apprécierez, peut-être, ces choses-là. Pour tous les autres, y a rien à voir, rien à entendre, rompez !
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