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Pod

Pod

The Breeders

par Parano le 15 février 2011

Paru le 28 mai 1990 (4AD)

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Vous connaissez la vanne. Quand on demande quel est le meilleur album des Pixies, la réponse tombe comme un steak dans l’estomac de Frank Black : le meilleur, c’est Pod. Plaisanterie cruelle pour le gros, injuste si on considère Surfer Rosa et Doolittle, mais pas si outrancière que ça. En 1990, les farfadets sont au sommet de l’underground, mais l’alchimie des débuts fait défaut. Franky sait qu’il est génial et veut régner sans partage. Tout pour sa (grosse) pomme. Sauf que. Kim Deal n’est pas du genre à baisser les yeux, ni à se taire. La plus belle voix du moment, c’est-elle. Gigantic, c’est elle, et elle seule. Si ses chansons ne trouvent pas leur place dans le répertoire des Pixies, elles existeront ailleurs.

Justement, Kim a sympathisé avec Tanya Donelly, guitariste des Throwing Muses. Les deux groupes ont tourné ensemble en Europe, et partagent le même label. Kim et Tanya enregistrent une démo, qui atterri sur le bureau de 4AD. Le label s’empresse de signer le projet et allonge 11 000 $ pour l’enregistrement d’un album. Kim ne cherche pas longtemps un nom pour son groupe : à l’adolescence, elle a formé un duo folk avec sa soeur jumelle, appelé The Breeders. C’est donc sous ce nom que Kim et Tanya entrent au studio Palladium d’Edinburgh, en décembre 1989. Steve Albini est aux commandes. C’est lui qui a enregistré Surfer Rosa. Pour compléter la formation, Kim s’entoure de Josephine Wiggs (The Perfect Disaster) à la basse, et du batteur de Slint, mystérieusement rebaptisé Shannon Doughton.

L’enregistrement dure une grosse semaine, et Steve Albini est enthousiaste. Aujourd’hui encore, il considère Pod comme un de ses travaux les plus aboutis (meilleur son et meilleure performance d’un groupe, dixit le maître). L’album sort le 28 Mai 1990, soit deux mois avant Bossanova des… Pixies. À l’applaudimètre, le groupe de Kim l’emporte facilement. La fraîcheur et la cohérence des Breeders tranche avec les mélodies un brin mégalo du farfadet en chef. Le succès critique n’empêche pas les ventes de stagner. Pod accroche une médiocre 22ème place en Angleterre, et c’est tout. Pas suffisant pour faire de l’ombre à Franky goes to Roswell. Pas grave. L’essentiel est ailleurs. Pod enchante par sa dynamique, mêlant rythmes anguleux et fausse légèreté, habilement plombée par la tension des guitares. Ici, pas de recette éculée ni d’automatisme démago. Les 12 titres de l’album sont admirablement servis par la production sèche d’Albini, riche en arrangements savants. Les harmonies vocales, notamment, survolent la mêlée.

Pour être honnête, l’ombre des Pixies plane sur le songwriting. Kim Deal ne renie rien et certains titres de Pod auraient brillés sur Bossanova. C’est le cas de Doe, Hellbound, ou Lime House (un Gigantic bis). Mais le véritable talent des Breeders s’exprime ailleurs. Sur des mélodies en demi teinte, où les cris succèdent à la douceur, et la candeur à la gueule de bois. Pod, c’est l’album des réveils difficiles. Des amours foireux par nature. De la picole un soir de brume, aux côtés d’un mec qui ronfle. Le chant d’une lassitude joyeuse, jamais ténébreuse. A-t-on jamais vu Kim sans son légendaire sourire ? L’apport de Tanya Donnelly est plus anecdotique. Ses arpèges de guitares s’articulent librement sur une rythmique en pointillés (énormes, les pointillés, Walford n’est pas batteur de Slint pour rien), mais elle n’a co-signé qu’un titre de l’album (Only In 3’s). Autant que Josephine Wiggs, qui s’illustre à la guitare sèche sur le vaporeux Metal Man. Au rayon curiosité, on notera la superbe reprise du Happiness Is a Warm Gun, des Beatles, qu’on peut raisonnablement préférer à l’original. Un clin d’œil au Wild Honey Pie des Pixies ?

Les Breeders attendront le putsch de Blacky et la mort des farfadets pour prendre leur envol. Leur second album, Last Splash, connaîtra un important succès, porté par le single Canonball. Un disque plus accessible, au goût sucré. Pod reste l’album d’une rêverie acide. L’album de l’émancipation. Une promesse d’avenir qui nous rappelle qu’en 1990, les Pixies sans Kim Deal (ou si peu) n’avaient déjà plus grand chose à dire. Un grand disque.

Article publié pour la première fois le 28 avril 2009.



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1. Glorious (3’23")
2. Doe (2’06")
3. Happiness Is a Warm Gun (2’46")
4. Oh ! (2’27")
5. Hellbound (2’21")
6. When I Was a Painter (3’24")
7. Fortunately Gone (1’44")
8. Iris (3’29")
9. Opened (2’28")
10. Only in 3’s (1’56")
11. Lime House (1’45")
12. Metal Man (2’46")
 
Durée totale : 30’35"